Schengen, un objectif difficile à atteindre
La Roumanie et la Bulgarie auraient dû célébrer cette année deux ans depuis leur adhésion à l’espace de libre circulation. Pourtant, les hostilités déclenchées à plusieurs reprises par certains pays membres ont rendu impossible l’accomplissement par Bucarest et Sofia de leur plus grand objectif de politique étrangère depuis leur intégration de l’UE.
Corina Cristea, 15.03.2013, 12:47
Lors du récent Conseil Justice et Affaires Intérieures de Bruxelles, les ministres européens ont décidé de reprendre les discussions sur l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’espace Schengen fin 2013 pour établir les procédures à suivre pour une adhésion en deux étapes. Il s’agirait dans un premier temps d’une ouverture des frontières aériennes et maritimes de Schengen à la Roumanie et à la Bulgarie et puis des frontières terrestres. Rappelons que la présidence irlandaise de l’UE avait inscrit dans un premier temps, à l’agenda du Conseil JAI du 7 mars, le vote en vue de l’entrée dans l’espace Schengen de Bucarest et Sofia. Pourtant, face à l’opposition de Berlin exprimée quelques jours auparavant, la Roumanie a renoncé à demander le vote sur cette question.
L’Allemagne, par la voix de son ministre des Affaires Intérieures, Hans-Peter Friedrich, critique notamment l’absence de progrès réels dans la lutte contre la corruption menée par Bucarest et Sofia. En plus, ajoute le responsable allemand, les deux pays ont toujours du mal à mettre en place certaines mesures. Même si, lors du Conseil JAI, la majorité des Etats membres ont exprimé des positions de soutien pour l’adhésion des deux pays, l’Allemagne, les Pays Bas et la Finlande ont lié ce thème à la nécessité d’enregistrer des progrès substantiels dans le Mécanisme de Coopération et Vérification dans le domaine de la Justice.
Le chef du département Schengen de Bucarest, Marian Tutilescu, affirme:«Trois Etats membres ont exprimé la nécessité d’attendre jusqu’au prochain rapport élaboré dans le cadre du Mécanisme de coopération et de vérification, à la fin de cette année. Parmi les autres pays qui se sont exprimés, je mentionnerais le Danemark, l’Autriche, la Suède, la Slovaquie, l’Italie et l’Espagne. Ces pays ont clairement déclaré qu’il n’existait aucune liaison entre les deux mécanismes et que la Roumanie et la Bulgarie avaient accompli toutes les conditions d’adhésion. Ce fut aussi la conclusion d’une décision du Conseil adopté en juin 2011 qui aurait imposé une prise de décision lors de cette réunion ».
Tant pour la Roumanie, que pour la Bulgarie, l’adhésion à Schengen demeure un objectif majeur de politique étrangère. C’est pourquoi les deux pays se sont proposé d’opérer un changement de stratégie.
Luminita Apostol, correspondante de la Radio publique roumaine à Bruxelles : « La Roumanie se propose de changer sa stratégie au sujet de l’adhésion à l’espace de libre circulation et aux côtés de la Bulgarie, elle commencera une véritable offensive, selon le ministre roumain de l’Intérieur, Radu Stroe. Les responsables roumains auront des pourparlers directs avec tous les Etats Schengen, y compris avec ceux qui soutiennent l’adhésion des deux pays, mais surtout avec les autres, toujours réticents – Allemagne, Pays-Bas et Finlande. Pour ce qui est de l’Allemagne, le ministre Radu Stroe a déclaré que la Roumanie proposera même l’envoi de policiers roumains, ainsi que d’autres mesures techniques de coopération. L’Allemagne a évoqué aussi la question des immigrés roumains, qui ne travaillent pas et qui arrivent à recevoir des aides sociales, devenant ainsi un fardeau pour le système allemand. »
Les Allemands, les Néerlandais ou les autres citoyens européens ont-ils de bonnes raisons de craindre une adhésion prématurée de la Roumanie et de la Bulgarie à Schengen ?
Réponse avec l’analyste Alexandru Cumpanasu : « S’ils en ont, ils devront les argumenter. La position du ministre allemand de l’Intérieur et des autres Etats en question est plutôt floue, puisqu’ils affirment que nous ne remplissons pas certaines conditions essentielles. Or, faire une telle déclaration ne suffit pas. Et comme ils ont du mal à trouver les arguments pour soutenir leur point de vue, ils font référence au Mécanisme de Coopération et de Vérification, ce qui, à mon sens, n’est pas correct. Certes, considérées séparément, les remarques relatives à ce mécanisme sont justes et nous devons y remédier, mais il ne faut pas les mettre en rapport avec la question de l’adhésion à l’espace Schengen. C’est dire que leur argument ne tient pas debout. La discussion est déjà de nature politique, donc trop peu technique. Je pense que lorsqu’on invoque ce mécanisme, on ne peut pas parler de la grande corruption, car les faits de corruption d’un ministre, d’un parlementaire, d’un maire n’ont rien à voir avec l’immigration illégale, soit la principale crainte lorsqu’il s’agit de Schengen, lequel se définit comme espace de libre circulation des personnes et des biens. Quel est alors le rapport avec la corruption du ministre ou du maire? »
De plus, affirme Alexandru Cumpănaşu, les rapports du Mécanisme de coopération et de vérification concernant la frontière roumaine sont positifs dès 2010. Le refus de l’admission dans l’espace Schengen entraîne des pertes notamment économiques, ajoute Alexandru Cumpănaşu, en rappelant les conséquences qui en découlent pour importateurs et exportateurs. (aut. : Corina Cristea ; trad.: Ioana Stancescu, Mariana Tudose, Alex Diaconescu)