Reconfiguration de la scène politique roumaine
2016 est une année électorale en Roumanie. Des élections municipales seront organisées en juin, tandis que le scrutin parlementaire est prévu pour la fin de l’année. C’est pour la troisième fois depuis décembre 1989, date charnière dans l’histoire du pays, que ces élections sont organisées par un gouvernement sans étiquette. Les autres cabinets de technocrates ont été ceux de Theodor Stolojan (1991-1992) et de Mugur Isărescu (1999-2000).
Corina Cristea, 22.04.2016, 12:44
2016 est une année électorale en Roumanie. Des élections municipales seront organisées en juin, tandis que le scrutin parlementaire est prévu pour la fin de l’année. C’est pour la troisième fois depuis décembre 1989, date charnière dans l’histoire du pays, que ces élections sont organisées par un gouvernement sans étiquette. Les autres cabinets de technocrates ont été ceux de Theodor Stolojan (1991-1992) et de Mugur Isărescu (1999-2000).
Voté par les deux plus grands partis – le Parti social démocrate et le Parti national libéral – l’Exécutif de Dacian Cioloş doit entre autres veiller au caractère correct de ces élections. Le dépôt de candidature pour la course aux élections municipales du 5 juin a déjà démarré, l’annonce de la liste définitive des candidats étant attendue le 4 mai.
A la différence de la situation d’il y a quatre ans, lorsque le Bureau électoral central avait admis pour les municipales les labels électoraux de 82 partis, alliances électorales et politiques, leur nombre est cette fois-ci plus grand, soit 126. Parmi les compétiteurs en lice on retrouve les formations politiques consacrées, à savoir le Parti social démocrate, le Parti national libéral, l’Union démocratique des Magyars de Roumanie, l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe, l’Union nationale pour le progrès de la Roumanie, le Parti du mouvement populaire, mais aussi bien des partis nouvellement créés. Rappelons que depuis 2015, aux termes de la loi, tout nouveau parti doit compter au moins 3 membres.
Le politologue Cristian Pârvulescu nous livre son analyse de la scène politique roumaine, telle qu’elle se présente avant ces élections: « Elle est bouleversée, tout d’abord à cause des scandales de corruption. Les choses pourraient évoluer, mais le retrait d’une candidature pour la mairie générale de la capitale, comme ce fut le cas de Ludovic Orban, impliqué dans une affaire de corruption, ne fait que confirmer ce constat. Or cet état des lieux est de nature à poser de gros problèmes aux partis politiques, dans le contexte où l’actuel système électoral pour les municipales favorise les principales formations politiques et les maires sortants qui briguent un nouveau mandat. Malgré cela, il existe une assez grande incertitude, qui tient d’une part à la capacité des partis de mobiliser leur propre électorat, de l’autre à la réaction de la société, des électeurs. Faut-il s’attendre à une présence massive au vote ? Ceux qui ont beaucoup de choses à reprocher à la classe politique seront-ils présents devant les urnes? Donneront-ils leurs votes aux partis fraîchement constitués? Autant de questions auxquelles on ne saurait répondre en ce moment, mais qui montrent à quel point l’espace politique est chamboulé. »
Selon un récent sondage d’opinion réalisé par INSCOP, plus de 90% des Roumains ne voteraient plus pour le poste de maire les personnes poursuivies ou jugées pour corruption, tandis que 88% d’entre eux affirment que les personnalités publiques condamnées définitivement pour de tels faits ne devraient plus jamais occuper une fonction publique. Pourrait – on interpréter cette attitude comme le signe d’un changement de mentalité chez l’électorat roumain susceptible de restructurer radicalement l’échiquier politique?
Voici la réponse de Cristian Pârvulescu : « Impossible de faire des prédictions. Il faudrait tout d’abord voir ce qui se passera aux élections, car les maires en exercice sont avantagés. Bien sûr que la DNA en est un acteur important, car elle a écarté de la course électorale nombre de maires, a reconfiguré la compétition électorale dans de nombreuses localité à travers le pays, comme c’est le cas à Bucarest, Constanţa, Iaşi, Ploieşti, Braşov, pour n’en donner que quelques exemples. Pour le reste, ce qui demeure décisif c’est le vote des citoyens. Ce n’est que le 6 juin que l’on pourra constater si l’on est vraiment prêt à aller jusqu’au bout, sinon ce ne sont que des déclarations conjoncturelles ».
Par ailleurs, une autre question qui se pose est celle de savoir combien important est l’agenda anti-corruption aux yeux des électeurs, vu que d’anciens maires, poursuivis pour corruption, continuent de jouir d’une cote de confiance de près de 50%.
Comment expliquer une telle attitude? Il n’y a rien de surprenant à cela, estime le politologue Cristian Pârvulescu: «Nous devons comprendre le fait que les sondages sont des instruments permettant de prendre le pouls de l’opinion publique, de voir comment les gens perçoivent certaines choses. Autrement dit, les conclusions de ces enquêtes ne doivent pas être considérées comme des vérités absolues. Les choses évoluent. Je vous rappelle que même si les sondages réalisés en 2014 donnaient Victor Ponta pour favori, l’électorat a finalement changé la donne. Et cela peut arriver aux prochaines municipales aussi. Pourtant, c’est sûr et certain que les électeurs manifestent une certaine sympathie envers les maires sortants. Il s’agit là d’une certaine inertie de l’électorat, surtout de celui qui se mobilise pour aller voter. Peut-être que beaucoup des maires sortants qui ont eu maille à partir avec la justice, sans pour autant avoir subi de condamnation judiciaire, se porteront candidats et seront même reconduits dans leurs fonctions. Cela ne veut pas dire que le problème de la corruption n’intéresse pas l’opinion publique ni que cette dernière ne fait pas la liaison entre corruption et élection du maire. »
Quelle sera la scène politique roumaine vers la fin 2016? Selon Cristian Pârvulescu, aucune donnée pour le moment n’indique qu’elle serait différente de celle actuelle: « Il devrait probablement y avoir d’autres visages, car les partis politiques sont obligés d’amener d’autres personnages sur le devant de la scène. Vu le contexte législatif actuel, je ne pense pas que de nombreux indépendants ou partis politiques nouvellement constitués entrent en lice, mais les surprises ne sont pas exclues. Mon raisonnement repose sur l’expérience des élections antérieures. Seule la présidentielle a connu une participation électorale importante. Or, un faible taux de participation aux élections municipales et aux législatives est de nature à favoriser les partis déjà existants et non pas les nouveaux. »
Néanmoins, il y a de la place pour les candidats nouveaux aussi. Il est possible que les grandes villes, notamment Bucarest, la capitale, jouent un rôle important dans l’apparition d’une nouvelle équation politique en Roumanie, précise encore Cristian Pârvulescu. (Trad. : Mariana Tudose)