Qui a peur des eurosceptiques?
L’euroscepticime, le populisme et même l’extrémisme progressent au sein de l’UE — situation déjà anticipée par les sondages et confirmée par les élections européennes déroulées au mois de mai.
Corina Cristea, 06.06.2014, 12:42
L’euroscepticime, le populisme et même l’extrémisme progressent au sein de l’UE — situation déjà anticipée par les sondages et confirmée par les élections européennes déroulées au mois de mai.
Dans le nouvel exécutif communautaire, le Groupe du Parti Populaire Européen (chrétien et démocrate) se maintient en tête, suivi par le Groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates. Les libéraux demeurent le troisième groupe dans le nouveau Parlement européen, talonnés par les Verts. Tous les 4 groupes ont pourtant perdu des sièges par rapport à l’exécutif antérieur. La gauche radicale monte en flèche, tout comme le Groupe Europe libertés démocratie, constitué autour du parti pour l’indépendance du Royaume Uni (UKIP). Bref, les résultats des élections ont confirmé les craintes de ceux qui craignent les partis europhobes et eurosceptiques.
Et on a, d’ailleurs, de fortes raisons de les craindre: les formations politiques mentionnées représentent une voix qui critique ce que l’Europe est devenue de nos jours et véhicule de nombreuses idées « contre »: ils sont contre l’immigration, ils contestent l’espace Schengen et la libre circulation des personnes, ils prônent le renoncement à l’euro, qu’ils considèrent comme le principal responsable de la crise économique en Europe; enfin, ils n’excluent pas l’idée de laisser l’UE s’effondrer.
Il n’est donc pas étonnant que ces mouvements radicaux et anti-UE séduisent et réussissent à convaincre de plus en plus d’Européens — affirment les analystes de la publication DIÁRIO ECONÓMICO — car ceux qui gouvernent ont raté beaucoup trop d’attentes et permis à un Bruxelles trop rigoureux de prendre les rênes, ils ont permis la fragmentation des économies européennes et d’ouvrir la voie à une Europe divisée entre les riches et les pauvres, entre les forts et les faibles, entre ceux qui commandent et ceux qui se soumettent.
Et, face à tant d’incertitudes, qui ne deviendra pas sceptique quant à l’avenir de l’Europe?
On a affirmé que ces élections européennes seraient différentes, y compris du point de vue de la campagne. L’analyste politique Bogdan Chirieac explique: « La campagne a été ciblée sur la post-crise économique. On n’a donc pas parlé de l’avenir de l’Europe, mais de l’immigration, du chômage, des emplois, donc de questions de politique intérieure, plutôt spécifiques à chaque Etat. A mon avis, les résultats de ces élections et la campagne qui les a précédées ne sont pas une raison de fierté pour l’Europe. »
Chose surprenante, la présence aux urnes a été meilleure par rapport au scrutin d’il y a 5 ans — précise l’analyste Cristian Pârvulescu : « En Europe, en général, et en Roumanie, en particulier, est-ce ou non un signe que les Européens se sont mobilisés contre l’Europe ? A en juger d’après les résultats en France, on répondait par l’affirmative. Si l’on prend en compte les résultats de Roumanie ou de Belgique, la situation semble beaucoup plus compliquée. L’extrême droite anti-européenne gagne des mandats importants et pourtant, les principaux partis politiques européens contrôlent toujours, de loin, le Parlement européen. »
Les élections de Roumanie n’ont pas apporté de mandats pour renforcer les rangs des eurosceptiques. Quel a été le grand enjeu de ces élections pour le PE en Roumanie ? Réponse avec Bogdan Chirieac : « Un seul enjeu en Roumanie : les élections présidentielles prévues en automne. Rien d’autre. Nos politiciens n’ont tout simplement pas réussi à éveiller l’intérêt des Roumains pour les élections européennes. Ce fut un combat terrible sur des thèmes de politique intérieure, en fait même pas de politique intérieure, mais d’attaques à la personne entre monsieur Băsescu et monsieur Ponta. Ce sont eux qui ont occupé toute la scène politique et la scène médiatique, et les résultats ont été en conséquence. Ce fut une campagne pro et anti-Băsescu. Le grand gagnant, c’est le Parti Social Démocrate ,et les perdants, le Parti National Libéral et le Parti Démocrate Libéral parce que le Parti du Mouvement Populaire et le résultat qu’il a obtenu font sortir monsieur Băsescu de la politique active, selon moi ».
Jusqu’ici, la Roumanie a visé surtout des fonctions de moindre importance au PE — vice présidents de commissions ou de délégations. Quelle sera sa tendance dorénavant ? Bogdan Chirieac : « Je ne crois pas qu’il y aura des modifications spectaculaires. Pensez que nous avons eu un super-commissaire à l’Agriculture, Dacian Cioloş, qui a agi, tout premièrement, en tant que commissaire européen, et non pas comme un envoyé de la Roumanie auprès de la Commission européenne. Les normes européennes sont donc satisfaites, alors que les normes roumaines et en général celles de toutes les nations qui ont des gens qui occupent de telles fonctions devraient être satisfaites différemment. Il ne faut donc rien attendre des Roumains qui ont de hautes fonctions à Bruxelles — ils seront tout d’abord des critiques acerbes de la Roumanie ».
La Roumanie envoie 32 représentants au PE. L’alliance électorale de gauche, PSD — Union Nationale pour le Progrès de la Roumanie — Parti Conservateur, au pouvoir, gagnante du scrutin, a remporté 16 mandats. Les partis de l’opposition de centre droite, PNL et PDL, en ont six, et respectivement cinq. L’Union Démocratique des Magyars de Roumanie (partenaire au pouvoir) a obtenu deux mandats, comme le PMP (pro présidentiel, d’opposition). La liste est complétée par l’indépendant Mircea Diaconu, apparition surprenante dans un monde dominé par des structures de parti. (Trad. Ligia Mihaiescu, Dominique)