Quel avenir pour la République de Moldova ?
En effet, le Cabinet dirigé par Maia Sandu a remis son tablier après seulement 5 mois aux manettes, poussé vers la sortie par la victoire de la motion de censure déposée par les socialistes, alliés par ailleurs au gouvernement. Le hic semble avoir été la volonté de Maia Sandu d’engager la responsabilité de l’Exécutif sur un projet de loi qui prévoyait d’accorder au premier ministre un droit d’injonction dans la nomination du procureur en chef de la république. Certains avaient pourtant présagé ce renversement de la situation dès l’installation à l’arraché de cette équipe gouvernementale fondée par l’alliance, considérée alors comme contre nature, entre la frange politique pro européenne de la première ministre Maia Sandu et les socialistes. C’était pourtant l’issue inespérée d’une crise étalée sur trois mois de négociations stériles. Invité à Radio Roumanie, Dan Dungaciu, directeur de l’Institut des Sciences politiques et des relations internationales de l’Académie roumaine, remémore les premières heures de cette alliance, finalement échouée, conclue entre les pro-européens de Maia Sandu et les socialistes du président Igor Dodon :
România Internațional, 06.12.2019, 13:29
En effet, le Cabinet dirigé par Maia Sandu a remis son tablier après seulement 5 mois aux manettes, poussé vers la sortie par la victoire de la motion de censure déposée par les socialistes, alliés par ailleurs au gouvernement. Le hic semble avoir été la volonté de Maia Sandu d’engager la responsabilité de l’Exécutif sur un projet de loi qui prévoyait d’accorder au premier ministre un droit d’injonction dans la nomination du procureur en chef de la république. Certains avaient pourtant présagé ce renversement de la situation dès l’installation à l’arraché de cette équipe gouvernementale fondée par l’alliance, considérée alors comme contre nature, entre la frange politique pro européenne de la première ministre Maia Sandu et les socialistes. C’était pourtant l’issue inespérée d’une crise étalée sur trois mois de négociations stériles. Invité à Radio Roumanie, Dan Dungaciu, directeur de l’Institut des Sciences politiques et des relations internationales de l’Académie roumaine, remémore les premières heures de cette alliance, finalement échouée, conclue entre les pro-européens de Maia Sandu et les socialistes du président Igor Dodon :
« Cette issue inespérée avait résolu deux problèmes. Elle a eu pour conséquence, d’une part, de pousser vers l’exit monsieur Plahotniuc, l’homme fort de la république, et, d’autre part, de trouver une solution à la crise politique qui s’étirait en longueur, bloquant le fonctionnement normal des institutions. L’issue à la crise a été encouragée par la présence au même moment à Chişinău d’un envoyé du Département d’Etat américain, du commissaire européen à l’Elargissement et d’un représentant du Kremlin, le fameux monsieur Kozak. Ce qui est tout à fait remarquable, c’est que, pour la première fois, les représentants de trois acteurs de poids, significatifs pour la République de Moldova, s’étaient assis autour d’une table pour convenir de cette issue, d’une coalition contre nature. En fait, les représentants de l’Occident et de la Russie ont poussé les Moldaves à installer un gouvernement de coalition, formé d’un parti pro occidental et d’un parti pro russe. Mais bon, ce serait une naïveté que de penser que ces gens sont allés jusqu’à Chişinău juste pour régler le sort de monsieur Plahotniuc. Il s’agit bien évidemment de bien plus que cela. Cela relève de la stratégie géopolitique, l’élément essentiel étant, justement, la rencontre Russie – UE – Etats-Unis. Cette issue correspondait sans doute à un dessein plus vaste, et il faudrait la mettre en relation avec ce qui se passe en Ukraine voisine, car l’Ukraine est la clé de voûte de la stratégie de ces grandes puissances, pas la République de Moldova. »
Dan Dungaciu apprécie qu’en usant du jeu des conjectures stratégiques, l’on peut vraisemblablement supposer qu’il existe un désir d’aménager l’espace qui sépare la Russie de l’UE de sorte à ce que les Etats qui occupent cet espace ne constituent des défis stratégiques pour aucun grand acteur. Et que donc, ni l’Ukraine, ni la République de Moldova ne puissent s’ériger en des zones de confrontation. Dan Dungaciu :
« Dans la perspective russe, le contrôle de la région se réalise en intégrant des pans de ces Etats dans ce qu’ils avaient appelé les fédérations. Aujourd’hui, cela ne s’appelle plus ainsi, le langage diplomatique du Kremlin utilisant depuis le terme d’Etats à statut spécial. C’est le cas de figure de la région du Donbass pour l’Ukraine, de la Transnistrie pour la République de Moldova. Il s’agit de zones séparatistes, à statut spécial, que Moscou est en mesure de contrôler et puis, d’exercer par leur entremise un contrôle, une pression sur les politiques étrangère et de sécurité menées par Kiev et Chişinău. C’est un peu cela la logique russe qui a été à l’œuvre dans la région. Cette fois-ci, ils ont voulu s’entendre sur une issue négociée, qui convienne à tous les acteurs. Ils se sont mis autour de la table et ont forcé l’apparition de cette coalition, une coalition très large, qui bénéficie de la légitimité offerte par l’aval conjoint de la formule par la Russie et par l’Occident à la fois. Parce que les Russes savent très bien qu’ils ne peuvent pas réussir seuls. L’échec du mémorandum Kozak, proposé par la Russie seule en 2003, est là pour le rappeler. Mais dans ce dernier cas, l’Occident était assis autour de la table et avait endossé la formule. Donc, ce projet avait théoriquement sa chance. »
Après la chute du gouvernement de Maia Sandu, le président pro russe de la République de Moldova, Igor Dodon, a désigné son conseiller, Ion Chicu, pour former un nouveau Cabinet. Le parlement a rapidement avalisé la nouvelle formule gouvernementale, résolument russophile, dont 11 membres sont des proches du président. Dans ce contexte, Bucarest a averti que le soutien, notamment financier, consenti à l’égard de son voisin roumanophone serait strictement conditionné de la poursuite des réformes démocratiques et du processus d’intégration européenne de Chişinău. Dès lors, la disponibilité inconditionnelle de Bucarest à coopérer de près avec un gouvernement moldave qui n’offrirait pas des garanties démocratiques est sérieusement mise en doute.
(Trad. : Ionuţ Jugureanu)