Nouveau président en République de Moldova
Il y a un mois, les habitants de la République de Moldova élisaient leur président. C’était pour la première fois, ces deux dernières décennies, que le président moldave était élu directement par la population, ayant été désigné jusque-là par le Parlement. Le gagnant du scrutin présidentiel est le socialiste pro-russe Igor Dodon, qui a devancé de quelque 70.000 voix sa contre-candidate pro-européenne Maia Sandu. Les résultats viennent d’être validés par la Cour constitutionnelle de Chisinau, qui a confirmé Igor Dodon au fauteuil de chef de l’Etat moldave, demandant en même temps au Parlement de réviser la législation pour en éliminer les lacunes constatées au cours des élections et de la campagne électorale.
Corina Cristea, 23.12.2016, 14:09
Igor Dodon a déjà communiqué au sujet d’une partie des directions de la politique qu’il entend mener. Il s’agit entre autres de la fédéralisation de la République de Moldova. Combien viable est cette idée ? Réponse avec l’analyste politique roumain Vlad Ţurcanu: «Il faut faire une distinction claire entre le discours politique d’Igor Dodon pendant sa campagne électorale, un discours auquel il n’a pas renoncé définitivement, et les attributions dont dispose le président moldave aux termes de la Constitution. Celle-ci lui permettrait de lancer différents projets, dont la fédéralisation. Mais en définitive, la République de Moldova est un pays parlementaire, les attributions d’Igor Dodon s’étant considérablement amoindries entre temps. Et je vous rappelle, par exemple, la récente décision du Parlement de transférer sous son propre contrôle le Service de renseignements et de sécurité qui, jusqu’ici, appartenait en quelque sorte à la présidence, selon la Constitution. A mon avis, dans un très proche avenir, Igor Dodon se confrontera à une situation qui ne lui permettra pas de mettre en œuvre les plans qu’il avait rendus publics pendant et après la campagne électorale. Et pour cause : il existe des institutions publiques, comme le ministère des Affaires étrangères, qui suivent une politique étrangère très précise, déroulée non seulement dans la législation nationale, mais aussi dans le cadre de l’Accord d’association de la République de Moldova à l’UE.»
Effectivement, dans les interviews accordées notamment à la presse russe, Igor Dodon a dû admettre ne pas bénéficier de suffisamment de prérogatives s’il ne collabore pas avec le Parlement. Par exemple, s’il souhaite dénoncer l’Accord d’Association à l’UE. Vlad Ţurcanu explique : « Un des thèmes de la campagne d’Igor Dodon a été le développement de la coopération économique avec la Fédération de Russie. Tout expert de Chisinau dirait, en premier lieu, que la relance de la coopération économique avec la Russie ne se fera pas de sitôt, et toute ouverture de Moscou vers une telle coopération équivaudrait à céder dans des aspects essentiels en matière de politique étrangère de la République de Moldova, par exemple au sujet de la région transnistrienne. Igor Dodon constatera très vite que la seule plate-forme de développement économique de la République de Moldova reste l’Accord d’association à l’UE. Et le Parlement ne lui permettra pas d’intervenir non plus dans ce processus de coopération de la République de Moldova avec l’UE. »
Vlad Ţurcanu estime qu’Igor Dodon ne serait pas devenu président sans l’appui de l’appareil étatique, sans le soutien médiatique que le Parti démocrate lui a fourni. Il l’a préféré à Maia Sandu parce qu’Igor Dodon est pour ce parti un candidat, maintenant un président, beaucoup plus commode que Maia Sandu, qui est restée de marbre face à toutes les tentatives du parti de l’attirer. Pour ce qui est des relations avec la Fédération de Russie, Vlad Ţurcanu pense qu’Igor Dodon se positionne comme un agent d’influence de Moscou : « La République de Moldova dispose actuellement d’un partenariat stratégique avec la Fédération de Russie et Igor Dodon devrait le combler de contenu. Dans quelle mesure cela peut arriver, cela dépend aussi de la classe politique de Chişinău. Mais étant donné que la République de Moldova est dépendante du financement étranger et qu’elle peut réformer ses institutions à l’aide de l’Occident, et ce vocable subsume la Roumanie, l’UE et aussi les Etats Unis, je suis d’avis qu’une meilleure relation avec la Fédération de Russie est possible, mais toutes les syncopes qui ont existé par le passé ne peuvent pas être exclues. Et je pense que Moscou n’est pas disposé non plus à céder devant la République de Moldova pour ce qui est de la Transnistrie, par exemple. La Russie veut tout ou rien. Je ne pense pas qu’Igor Dodon aurait des chances d’obtenir du Kremlin que ce dernier cède quand il s’agit de la Transnistrie. J’ai constaté que cela n’était pas possible en voyant l’exemple de Vladimir Voronine, qui avait essayé, comme Igor Dodon, à convaincre Moscou de lui offrir, dans les années 2001-2002, le contrôle sur la région transnistrienne. Et nous savons tous comment ces efforts de Voronine se sont soldés : un gel s’est ensuivi dans les relations entre Chişinău et Tiraspol qui s’est étalé sur presque 5 ans. Selon moi, la Fédération de Russie ne serait pas disposée à céder à la République de Moldova, quel que soit le président de cette dernière, Igor Dodon ou un pro-européen. »
D’autre part, dit-il, le fait qu’en Roumanie les élections aient été remportées par le PSD pourrait faire que les relations économiques et politiques entre la République de Moldova et la Roumanie connaissent même une ascension, étant donné la relation spéciale cultivée par le PSD de Roumanie et le PD de la République de Moldova, au pouvoir actuellement. (trad. : Valentina Beleavski, Ligia Mihaiescu)