L’infox à l’épreuve de l’actualité
Diversion,
désinformation, propagande, c’est par tous ces appellatifs, et par bien
d’autres encore, que l’infox s’était fait connaître au fil du temps. Le
phénomène, qui a pris de l’ampleur à la faveur de l’évolution technologique et
de la diversification des moyens de communication en masse, par la
diversification des canaux de transmission de données, du passage de la presse
écrite aux médias en ligne, aux blogs, aux réseaux sociaux, s’érige aujourd’hui
en un vrai défi. La recette de l’infox est pourtant relativement simple,
impliquant la confection d’information au contenu fabriqué de toutes pièces,
déformées, exagérées ou hors contexte. Au-delà du drame de la situation, la
guerre en Ukraine peut être un cas d’école de ce point de vue.
Corina Cristea, 19.08.2022, 11:28
Diversion,
désinformation, propagande, c’est par tous ces appellatifs, et par bien
d’autres encore, que l’infox s’était fait connaître au fil du temps. Le
phénomène, qui a pris de l’ampleur à la faveur de l’évolution technologique et
de la diversification des moyens de communication en masse, par la
diversification des canaux de transmission de données, du passage de la presse
écrite aux médias en ligne, aux blogs, aux réseaux sociaux, s’érige aujourd’hui
en un vrai défi. La recette de l’infox est pourtant relativement simple,
impliquant la confection d’information au contenu fabriqué de toutes pièces,
déformées, exagérées ou hors contexte. Au-delà du drame de la situation, la
guerre en Ukraine peut être un cas d’école de ce point de vue.
Invitée
sur les ondes de Radio Roumanie, Flavia Durach, experte en communication, nous
donne son avis sur l’infox et sur la place que elle-ci occupe dans l’effort de
guerre des belligérants : « Une grande partie de l’effort de
guerre des deux camps se concentre sur la diffusion d’infox. D’une manière
générale, ces techniques liées à la diffusion de l’information et au contrôle,
à l’occupation de l’espace public, de l’espace informationnel, relèvent de ce
que l’on appelle la « guerre de l’information ». Cependant, même si je ne veux
pas vous paraître défaitiste, même si je constate que l’Ukraine faits des
efforts extraordinaires en termes de communication, et qu’elle a réussi à rallier
une bonne partie de la communauté internationale à sa cause, la guerre de
l’information et de la désinformation ne connaît pas de frontières, et règne
bien au-delà des frontières de la guerre réelle, qui se déroule sur le terrain.
On ne sait jamais quand une telle guerre commence et encore moins quand elle
s’achève. Certaines analyses indiquent des actions qui relèvent de la guerre de
l’information dès l’annexion de la Crimée. Nous constatons aussi l’essor, dans
bon nombre de pays démocratiques occidentaux, de certaines narrations, alignées
sur les objectifs, les politiques et les intérêts du Kremlin. Un narratif qui cible
surtout les groupes vulnérables, qui tente d’affaiblir et de déstabiliser les
sociétés démocratiques. C’est pourquoi je pense que, pour ce qui est de la
guerre de l’information, il s’agit d’un combat qui ne s’arrêtera pas de sitôt
et qui fera plus ou moins de dégâts, selon le degré de résilience des sociétés
face aux campagnes de désinformation. »
Les
dégâts que l’infodémie est censée produire dans les rangs de l’« ennemi »
ne sont plus à démontrer. Qui plus est,
la période que nous traversons globalement, toujours marquée par les pandémies,
la guerre, la crise énergétique, mais aussi par leurs effets économiques constitue
un terreau extrêmement fertile pour l’infox. Par leur nature, les réseaux
sociaux permettent à tout un chacun de publier en un clic n’importe quelle information,
et de la diffuser de façon instantanée, sur des plateformes qui ouvrent la voie
à un large éventail d’actions. Selon Flavia Durach, le conflit russo-ukrainien est
la première guerre dont les réseaux sociaux se sont emparés et où elles donnent
le ton de l’information, un peu à l’instar de ce qu’avait été la télévision
pour la guerre du Vietnam. On ne compte déjà plus le nombre d’images et de vidéos
truquées, sorties de leur contexte, voire issues des jeux vidéo. Nombre d’informations
demeurent difficilement vérifiables, d’autant qu’elles proviennent de sources
multiples, diffusées par des gens ordinaires et dont la fiabilité de
l’information fournie demeure difficilement vérifiable, des témoignages vidéo présentés
comme étant filmés sur place, mais aussi des informations émises par des
porte-paroles officiels et des sources de propagande. Ce mix communicationnel
complique la donne et rend difficilement lisible le paysage.
Flavia
Durach : « Une partie des techniques de désinformation
utilisées dans le conflit actuel sont communes avec ce que certains acteurs de
la désinformation avaient déjà utilisé durant la pandémie. L’idée d’une guerre montée
de toutes pièces, d’une fausse guerre, qui n’existe pas, ou mue par un pseudo plan
clandestin, censé exercer le contrôle de la population, sont quelques-uns de
ces thématiques communes. Il faut comprendre les ressorts rhétoriques, et pour
éviter de tomber dans le panneau, suivre les grands événements, éviter de se
concentrer sur des publications éparses, des cas ponctuels, sur des rumeurs,
même s’ils peuvent nous conforter dans nos opinions. Il faut prendre du recul,
essayer de ne pas s’exprimer sous l’emprise des émotions. Je vous encourage,
j’encourage tous vos auditeurs à aller s’informer auprès du plus grand nombre de sources, de les diversifier,
de ne pas s’abreuver aux mêmes médias, et surtout pas aux seules informations
disponibles sur les réseaux sociaux. Il faut prendre du recul par rapport à
l’information reçue, la digérer et être conscients qu’en règle générale on ne
peut pas connaître la pure vérité. »
Tous
les spécialistes s’accordent sur le danger représenté par la désinformation qui
se répand tout particulièrement à travers les médias en ligne, et soulignent
combien il est important de chercher l’information auprès de sources fiables et
vérifiées.
Le professeur
Bogdan Oprea, de la Faculté de journalisme de Bucarest, avait d’ailleurs
formulé une série de recommandations : « Mon
premier conseil et le plus important, d’ailleurs, est qu’il faut cesser de
croire que l’information, l’information réelle, se trouve sur les réseaux
sociaux et sur les plateformes en ligne. Les réseaux sociaux mettent ensemble des
opinions, des textes, qui peuvent avoir une apparence de journalisme, mais leur
contenu peut être, totalement ou partiellement, faux. Les plateformes en ligne
ne représentent pas une institution média, les gens qui publient sur ces
plateformes ne sont pas soumis à la déontologie journalistique. Le contenu que
l’on trouve sur ces réseaux laisse une large place à la manipulation et à la
désinformation. »
C’est la raison
pour laquelle, nous assure Bogdan Oprea, il faut chercher l’information sur les
sites dédiés, à la télévision, dans les émissions radio, dans la presse écrite.
(Trad. Ionut Jugureanu)