L’euroscepticisme, un défi à relever par les architectes de l’Europe
Le déficit démocratique, la transparence insuffisante, linflexibilité ou le langage compliqué, ce ne sont que quelques-unes des critiques apportées à lUE. Autant de raisons justifiant leuroscepticisme, ce courant dopinion qui traduit la méfiance à légard de la construction européenne. Les analystes rappellent que ce courant, perçu initialement comme un syndrome britannique, a, par la suite, gagné la France, lAllemagne, lItalie, lEspagne ou la Pologne, par exemple. En outre, selon des enquêtes récentes, leuroscepticisme ne cesserait de saccroître en Europe.
Lanalyste Iulian Chifu explique les causes de ce phénomène : « Plusieurs éléments sont à prendre en compte, à commencer par le manque de volonté de ressourcer le projet communautaire, le manque de confiance en lactuel leadership, plutôt vétuste et à court didées novatrices. Labsence de la volonté dassumer le projet européen se manifeste au niveau national aussi. Un autre problème réside dans le déficit démocratique. On a forgé toute une théorie autour du pouvoir des non-élus, de la bureaucratie bruxelloise qui décide au nom des Etats, par-dessus leurs têtes. »
De lavis du même analyste, il conviendrait aussi de signaler certains effets secondaires, tels lémergence des mouvements populistes, xénophobes, islamophobes, anti-immigration, ainsi que la multiplication et la superposition des réactions en tout genre aux différentes questions sécuritaires.
Corina Cristea, 12.08.2016, 12:46
Iulian Chifu : « En règle générale, lUE et la bureaucratie européenne ne sont capables de gérer quune seule crise à la fois. Lorsque les crises se superposent, linquiétude sempare de ladministration communautaire. Jajouterais aussi la prééminence des grandes puissances, dont notamment la France et lAllemagne, quand il sagit dendosser des responsabilités à léchelle communautaire ou de changer la démocratie à lintérieur même des Etats européens. En clair, le partenariat à 28 est remplacé par la formule décisionnelle à 2, éventuellement à 5, exportée, voire imposée par la suite aux autres pays membres. Or, une telle conduite nest pas de nature à aider au renforcement de la cohésion européenne et encore moins à apaiser les doutes des citoyens européens, qui se voient ainsi tentés de virer à lanti-européanisme. »
Le référendum sur le Brexit a remis sur le tapis les débats liés à leuroscepticisme. Aux Pays-Bas, qui ont assuré, jusquau 30 juin, la présidence tournante de lUE, la première réaction post Brexit a été celle du député dextrême droite Geert Wilders. Il a appelé à la tenue dun référendum similaire dans son pays, mais la proposition a été repoussée par le Parlement néerlandais, le premier ministre Mark Rutte ayant plaidé en faveur de la sauvegarde de lunité européenne. Le Brexit devrait pousser lEurope à prendre conscience des nombreux problèmes quelle se doit de résoudre et de la nécessité de cibler ses efforts sur la sécurité, la stabilité et la création de nouveaux emplois, a martelé le premier ministre néerlandais, tout en soulignant quil fallait simplifier la législation communautaire réglementant ces domaines. Quoi quil en soit, lorganisation du référendum britannique a créé un précédent. La question qui se pose est de savoir sil fallait craindre un effet domino. Les yeux de ceux qui flirtent avec lidée de sortir de lUE seront désormais rivés sur ce qui se passe au Royaume-Uni.
Plusieurs questions surgissent déjà: est-ce que lindépendance de la Grande Bretagne résoudra les problèmes économiques du pays? Le pays deviendrait-il plus solide? Iulian Chifu pense que : « Quoi quil puisse advenir, il ny a aucun doute que les coûts impliqués amèneront les pays tentés de le faire à y réfléchir deux fois avant dagir. Il ny aura pas deffet domino, justement parce quon tirera des enseignements de cette leçon. Avant de tenter cette aventure, même ceux qui aspirent à la sortie de lUE, à une rupture, qui souhaiteraient le changement du rapport de forces entre Bruxelles et les différents Etats nationaux membres, attendent de voir comment les choses évoluent au Royaume-Uni, ce qui se passera avec cette grande économie, deuxième en Europe, et surtout quels sont les bénéfices dun tel geste.»
Iulian Chifu opine que les petits Etats ne se permettront pas de quitter lUE, car dépendants du marché commun et des moteurs qui en assurent le fonctionnement. Même cas de figure pour lAllemagne, puisque la majeure partie de sa production est écoulée justement sur le marché communautaire. Quant à dautres grands pays, tels la France, lEspagne ou lItalie, la taille de leurs déficits est telle quune éventuelle sortie de lUnion entraînerait dénormes coûts et engendrerait de très graves problèmes économiques. (Trad. : Mariana Tudose)