L’Europe dans l’équation du terrorisme
Un nouvel attentat terroriste, le sixième depuis le début de l’année, a récemment frappé la Turquie, faisant des dizaines de morts et des centaines de blessés. « Nous ne reculerons pas devant l’horreur et nous continuerons à prospérer en tant que pays fort du point de vue de la démocratie et de l’économie », déclarait, à Bucarest, l’ambassadeur turc en Roumanie, Osman Koray Ertaş. Et lui d’ajouter que le mouvement radical caché derrière l’attaque terroriste contre l’aéroport Atatürk d’Istanbul s’attaquait aux valeurs modernes que son pays partage avec les partenaires européens. Le diplomate a rappelé qu’à travers le temps la Turquie avait été prise pour cible par plusieurs mouvements terroristes : « L’année dernière – a souligné l’ambassadeur d’Ankara à Bucarest – a été particulièrement difficile pour notre nation, attaquée par toute sorte de groupes terroristes aux motivations diverses. Cela inclut le terrorisme PKK, que notre nation combat depuis des décennies, et, plus récemment, le terrorisme Daesh. »
Corina Cristea, 15.07.2016, 13:04
L’attaque contre l’aéroport d’Istanbul montre que le terrorisme n’a, en fait, pas de religion, ajoute l’ambassadeur turc en Roumanie, Osman Koray Ertaş, qui a rappelé que la majorité de la quarantaine de morts était des musulmans. Une preuve que lier le terrorisme à une quelconque religion est une erreur, des expressions telles « le terrorisme islamiste » contribuant, en réalité, à la propagande des groupements radicaux.
Ce qui s’est passé à Istanbul sera un tournant dans la lutte contre ces groupements, estimait aussi le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan. Comme à chaque fois après un attentat, les mesures de sécurité ont été renforcées, tandis que, de l’avis des analystes, des solutions politiques négociées pour les zones de conflit (surtout en Syrie et en Irak) auront des effets substantiels sur la lutte contre le terrorisme.
L’ancien ministre roumain de la Défense, Ioan Mircea Paşcu, expliquait, dans une intervention à Radio Roumanie, pourquoi la Turquie subissait de telles attaques : « La Turquie est beaucoup plus proche, pour ainsi dire, de ce qui se passe en Syrie et des enjeux locaux et ça la transforme en une cible inévitable. Et puis, il ne faut pas oublier qu’il est plus facile pour des gens de la région d’entreprendre des actions de ce genre, car ils n’ont pas à traverser tout un continent pour le faire. N’oublions pas que ce n’est pas le premier attentat, il y en avait eu d’autres, avant, qui avaient été revendiqués pas tellement par les Kurdes que par les extrémistes liés à Daesh. »
A l’Ouest de l’Europe, la menace terroriste est aussi permanente, l’EURO 2016 de foot ayant été un événement qui a renforcé la crainte d’attentats. Le premier point d’interrogation concernait la capacité de la France à assurer la sécurité de 10 millions de fans venus assister aux matches du tournoi final. Avec les forces de l’ordre placées en alerte rouge depuis plus d’un an, l’Etat français a appliqué plusieurs solutions afin d’avoir une compétition sans événements tragiques, dans les rues et dans les stades. Environ 100.000 policiers, militaires et compagnies privées de gardiennage ont été mobilisés pour protéger les lieux publics, les forces de l’ordre se sont vu confier des pouvoirs accrus pendant l’EURO. « Tolérance zéro » a été le mot d’ordre, ce qui s’est traduit par des contrôles corporels minutieux et l’interdiction de survol, notamment pour les drones, des 10 stades accueillant les matches de la compétition continentale.
La France doit réorganiser ses services de renseignement, a conclu la commission parlementaire qui a enquêté sur les attentats de l’année dernière, soldés par 147 morts et plus de 500 blessés. La responsabilité de l’échec de la prévention ne revient pas aux agents des services mais à la fragmentation de la communauté de renseignement, qui a bloqué la communication et posé de graves problèmes à la prévention et à la neutralisation des actions terroristes. A présent, le renseignement français est divisé en six entités subordonnées aux ministères de la défense, de l’intérieur et de l’économie, formées de policiers spécialisés, agents des douanes et militaires. La commission parlementaire d’enquête a donc proposé la mise en place d’une Agence nationale de lutte contre le terrorisme, directement subordonnée au premier ministre, selon le modèle du Centre national anti-terrorisme créé aux Etats-Unis, après les attentats du 11 septembre 2001.
Les Etats européens doivent être mieux connectés les uns aux autres et doivent mieux partager les renseignements collectés par leurs autorités nationales, soulignait le ministre allemand des affaires étrangères, Thomas de Maizière, au lendemain des attentats terroristes de Bruxelles. Ses propos faisaient allusion à la réalité actuelle, où les bureaux d’enregistrement des étrangers, les structures en charge de la délivrance des visas, la police et les services de renseignement ont des bases de données séparées.
Selon le chef de la diplomatie allemande, « l’Europe, y compris l’Allemagne, constitue une cible pour les terroristes. Il y a des gens qui croient que les menaces diminuent avec les succès militaires en Syrie et en Irak, où le réseau Daesh recule sur le terrain. Moi, je ne partage pas cette opinion. A mon avis, nous avons là un effet d’asymétrie : si l’organisation terroriste Daesh est affaiblie, elle essayera de transférer le conflit à l’étranger », avertit Thomas de Maizière. (Trad. Ileana Taroi)