Les Roumains, des citoyens européens
Concrètement, les allocations familiales distribuées par le gouvernement autrichien aux travailleurs titulaires d’un passeport étranger diminueront de manière considérable. La mesure a suscité la réaction des pays concernés, dont la Roumanie. Dans le cas des travailleurs roumains, le coefficient d’indexation sera de 0,484, représentant la différence des prix entre les deux pays, selon des statistiques européennes. Concrètement, les bénéfices seront réduits de moitié. Bucarest a réagi immédiatement, en affirmant haut et fort que cette mesure contrevient aux principes d’égalité, de non-discrimination et d’unité dans la diversité sur lesquels repose l’UE. Le ministère des Roumains du monde a déclaré par la voix de sa ministre de tutelle, Natalia-Elena Intotero, se faire une priorité d’examiner de près la situation des travailleurs roumains d’Autriche, concernés par cette nouvelle loi. Une loi qui touche d’autres ressortissants aussi et qui, du coup, nécessite une approche européenne. Du point de vue des responsables de Bucarest, tant que les travailleurs roumains d’Autriche ont les mêmes obligations financières que les citoyens autrichiens, ils méritent de bénéficier des mêmes droits. Or, cette modulation des prestations en fonction du pays d’origine est discriminatoire et le gouvernement roumain se dit prêt à s’adresser à la Cour de Justice de l’Union européenne, a fait savoir le chef de la diplomatie roumaine, Teodor Melescanu. Dans une déclaration à Radio Roumanie, le ministre du Travail et de la Justice sociale, Marius Budăi, a déclaré :
Corina Cristea, 01.02.2019, 14:27
« La position de Bucarest au sujet de la décision de Vienne est très claire: les salariés européens doivent bénéficier des mêmes droits dans tous les Etats membres où ils travaillent. Ils sont libres de circuler où ils souhaitent vu que la liberté de circulation fait partie des droits fondamentaux de l’UE et du marché unique. C’est pourquoi la Roumanie s’oppose à toute initiative susceptible de porter atteinte au principe de l’égalité des travailleurs européens et aux droits qui en découlent, tels des contributions égales. Je vous rappelle avoir eu une discussion à ce propos avec Mme la commissaire Thyssen et elle est entièrement d’accord avec la position de Bucarest. »
Par ailleurs, la Commission européenne a annoncé qu’elle examinerait de près la loi autrichienne du point de vue de sa compatibilité avec la législation européenne. Entre temps, une porte-parole de la Commission a rappelé que la position de Bruxelles en la matière est bien connue — l’indexation des bénéfices familiaux n’est pas conforme à la loi européenne. Lors d’une première réaction publique, le ministre autrichien de la Famille a rejeté les critiques de Bucarest, en affirmant que la Roumanie, dans sa qualité actuelle de présidente du Conseil de l’Union européenne, doit adopter une position neutre. C’est vrai, affirme le professeur des universités Iulian Chifu, mais la Roumanie, comme tout autre Etat, défend ses intérêts. D’un autre côté, la question des avantages sociaux a déjà été mise sur le tapis, au Royaume-Uni, pendant la campagne du référendum sur le Brexit. Le professeur Iulian Chifu :
« Il y a eu, à l’époque, le Parti pour l’Indépendance UKIP du Royaume Uni de Nigel Farage qui a véhiculé des idées similaires, avec le soutien de certains conservateurs. Parmi eux – Boris Johnson, le maire de Londres en ces temps-là, qui a applaudi cette aberration avant de lâcher l’affaire et d’entrer en politique. Toutefoiis, je me rappelle que dès le début, les débats suscités par une telle initiative se sont déroulés au niveau de la Commission européenne, puisque tout le monde le sait – le Royaume Uni, tout comme l’Autriche – ne saurait jamais modifier le niveau des aides sociales, des allocations familiales ou encore des impôts au risque de faire des discriminations entre les citoyens européens, soient-ils résidents ou non résidents de tel ou tel Etat membre. Tout cela est très très clair et au moment où un pays adopte une loi qui contrevient à ce principe, la Commission européenne, gardienne des traités européens, peut enclencher une procédure d’infraction. Si l’Etat ne fait pas marche arrière, Bruxelles a le droit de le traduire en justice devant la Cour de Justice de l’Union européenne. »
Selon le professeur Chifu, si la situation empire à ce point, les procédures européennes ne tarderont pas à être appliquées. Comme c’est pratiquement la même situation dont a déjà discuté au niveau européen il y a quatre ans, le dossier est « prêt ». On évitera ainsi, estime le professeur, de retarder la sanction de cette loi, qui est, de toute évidence discriminatoire au niveau européen. De manière générale, la Cour de justice de l’Union européenne rend ses décisions avec diligence — quelques mois à un an et demi peuvent s’écouler avant un arrêt. Les Etats membres sont tenus de respecter les arrêts de la Cour. Ils doivent modifier leur législation nationale et l’adapter aux règles communautaires que l’Etat a assumées en intégrant l’Union.
(Trad. Ioana Stăncescu et Elena Diaconu)