Les perspectives économiques du moment
România Internațional, 18.11.2022, 11:02
La hausse constante
des taux directeurs semblent être devenue une habitude pour la Banque nationale
roumaine, dans sa tentative de juguler une inflation qui ne cesse de grimper,
et qui bat de nouveaux records. Montée à 16%, l’inflation n’est pas prête de s’arrêter
de sitôt, les experts de la Banque nationale tablant sur la poursuite de la
hausse de l’inflation vers la fin de l’année, même si ce serait à un rythme
moins soutenu. En effet, la guerre en Ukraine et les conséquences des sanctions
imposées à la Russie, la sécheresse prolongée, qui a durement éprouvé le
continent européen l’été passé, la hausse associée des prix de l’énergie et des
matières premières comptent parmi les causes de cette hausse ininterrompue de l’inflation.
Adrian Vasilescu, le consultant en stratégie de la Banque nationale roumaine met
en cause la conjonction de plusieurs crises, dont notamment la crise
énergétique et la crise des prix. L’inflation, explique-t-il, se nourrit du
passé, soit de la hausse passée des prix au combustible, au tabac, à l’énergie
électrique, au gaz, ou encore à l’énergie thermique. Aussi, au mois de
septembre, l’indice des prix aux produits alimentaires n’a cessé de grimper,
alors que les prix de l’énergie sont, eux, demeurés stables. Et cela, parce que
les premiers n’ont intégré la hausse des prix de l’énergie qu’avec un certain
décalage. Et à l’expert de parier sur un ralentissement prochain de la hausse
des prix, et donc de l’inflation, dans les mois à venir.
Adrian Codirlaşu, analyste
financier et vice-président de l’Institut CFA Roumanie, association de
référence regroupant des analystes financiers et des gestionnaires de fortunes,
table quant à lui sur une inflation de moins de 10% à la fin de l’année
prochaine.
« Il faut s’attendre à une pression constante de l’inflation,
mais le plus dur est derrière nous. Les prochaines hausses des taux directeurs
seront de moindre amplitude, se limitant probablement à un quart ou à un demi de
point des principaux taux directeurs de la Banque nationale. Il est probable à
ce que l’année prochaine, les poussées inflationnistes se calment graduellement,
plus fortes durant la première partie de l’année, pour retomber de façon nette pendant
la seconde moitié de l’année, pour revenir à un taux de l’inflation annuelle à
un seul chiffre, peut-être à 9% environ ».
Mais l’imprédictibilité et la volatilité qui
caractérise le contexte international que nous traversons ne manque pas de jeter
un doute sur la fiabilité des prognoses avancées par les experts, apprécie le
même Adrian Codirlaşu. Et l’incertitude
demeure la principale clé de lecture d’une situation caractérisée par une forte
volatilité. Les experts de la Banque nationale ne font pas un mystère de leurs
craintes au sujet d’une escalade toujours possible de la guerre en Ukraine, et
des risques considérables que font peser sur l’économie mondiale les trains de
sanctions de plus en plus durs imposés à la Russie. D’où, une incertitude
toujours aussi forte au sujet de l’évolution de l’inflation. Car l’inflation ronge
le pouvoir d’achat et la confiance des consommateurs, elle impacte directement sur
l’état de santé de l’économie réelle, affecte les profits des entreprises et
leurs plans d’investissements. La Banque nationale roumaine estime dans le
contexte que la panacée est à chercher dans un mix de politiques macroéconomiques
et des réformes structurelles, y compris en utilisant au mieux les fonds
européens, qui ont la capacité de stimuler le potentiel de croissance sur le
long terme, et qui demeurent essentiels pour le maintien de la stabilité
macroéconomique et pour l’augmentation de la résilience de l’économie roumaine
dans son ensemble. Malgré tout, les données récentes font état d’un ralentissement
de la consommation des ménages, une nouvelle qui risque d’affecter grandement
une économie roumaine qui avait fondé dernièrement sa croissance sur la
consommation. Une tendance qui pourrait bien se poursuivre les mois à venir,
selon l’analyste économique Constantin Rudniţchi :
« Il est fort probable à ce que la croissance économique
roumaine doive prochainement se départir de son principal allié : la
consommation des ménages. Le trimestre actuel semble déjà plutôt compliqué pour
les deux. L’inflation est bien présente et la baisse du pouvoir d’achat et du
niveau de vie ne fait plus de mystère. Or, cela impacte sans faute la
consommation des ménages, et l’économie roumaine tout entière risque de se retrouver
dans un cul-de-sac. La croissance ralentit déjà, les données du deuxième
trimestre sont là pour le prouver, la production industrielle ralentit
également, les carnets de commande sont à moitié vides, et le déficit de la
balance commerciale ne cesse de se creuser, car la dynamique des exportations
est en berne ».
La Banque mondiale tire à son tour la sonnette d’alarme depuis Washington,
s’alarmant du ralentissement brutal de la croissance, et faisant état de ses craintes
d’une récession globale. Des craintes déjà matérialisées dans la baisse des
prix des matières premières, une baisse qui risque de se poursuivre, estime la
Banque mondiale, pendant les deux prochaines années, mais dont le niveau demeure
toujours supérieur à la moyenne des cinq dernières années. La Banque mondiale
table ainsi sur une baisse de 11% des prix de l’énergie en 2023, et de 12% en
2024. Par ailleurs, la même institution estime à 5% la baisse des prix des
produits agricoles en 2023, et de 15% la baisse des prix des métaux durant la
même année, avant une éventuelle stabilisation des prix des matières premières
à l’horizon 2024.
(Trad. Ionut Jugureanu)