Les nouvelles ambitions du transporteur aérien TAROM
Après dix ans de pertes sèches, la Compagnie nationale de transport aérien roumain TAROM commence à sortir la tête de l’eau et se propose de devenir le plus important opérateur aérien sur le marché national.
Corina Cristea, 24.08.2018, 12:22
Après dix ans de pertes sèches, la Compagnie nationale de transport aérien roumain TAROM commence à sortir la tête de l’eau et se propose de devenir le plus important opérateur aérien sur le marché national.
Fondée en 1954, la compagnie fonctionne, depuis, sous la tutelle du ministère des Transports, et c’est à partir de 2007 qu’elle amorce sa décente aux enfers. Les causes en sont multiples, depuis l’organigramme surdimensionné aux problèmes techniques survenus sur certains de ses aéronefs, depuis l’abandon de certaines destinations jusqu’à la pression exercée par les compagnies low cost. Pour finir de dresser la liste, on peut encore épingler un système inefficace de vente des tickets, ou encore les frais d’entretien pour chaque appareil, de 40% supérieurs aux autres compagnies européennes.
L’année passée, TAROM a enregistré une perte sèche de 40 millions d’euros, dans un contexte extrêmement favorable, le trafic aérien enregistrant une croissance spectaculaire sur tous les aéroports roumains. A titre d’exemple, en 2017, sur le seul aéroport international Henri Coanda de Bucarest, on a enregistré 13 millions de passagers en transit. Le changement de leadership à la tête de la compagnie a dû aussi être pour quelque chose, car, toujours en 2017, pas moins de cinq directeurs ont plié bagages.
A l’heure qu’il est, le dernier en date aux manettes, Wolff Werner-Wilhelm, prétend que l’actuelle direction a réussit tout de même l’année dernière de réduire les frais de 12,7 millions de lei, soit de près de 2,7 millions d’euros, en optimisant les activités.
Wolff Werner-Wilhelm : « Je suis de ceux qui pensent qu’on s’est beaucoup trompé au niveau du management. Puis, il y a une deuxième raison, c’est que tout ce que l’un ou l’autre des managers a envisagé de faire est resté lettre morte à cause de la brièveté du mandat. On est en train de passer au peigne fin près de deux mille contrats conclus depuis le début des années 90. Si vous voulez mon opinion, il s’agit de contrats conclus dans l’intérêt des autres parties, pas dans l’intérêt de la TAROM. On constate une surévaluation des coûts, à des valeurs complètement farfelues. Par exemple, pour assurer le personnel navigant et le personnel au sol, on a déboursé l’année dernière pas moins de 1,7 millions de dollars, alors que le même type de contrat ne vaut que dans les 300 mille euros à l’ouest de l’Europe. »
Cependant, bien qu’elle se trouve en plein processus d’évaluation et de restructuration, la TAROM vise haut. Et, selon le projet de budget pour 2018, la compagnie pourrait engranger des bénéfices, pour la première fois depuis bien des années. Par ailleurs, on va allouer une enveloppe budgétaire aux investissements. Ainsi, selon le programme de gouvernance de la compagnie pour la période 2018 – 2020, programme publié fin janvier, il est urgent de renouveler sa flotte vieillissante, en prenant en contrat de leasing 27 aéronefs modernes et en ouvrant de nouvelles routes zonales ou long courrier, y compris vers des destinations telles les Etats-Unis ou l’Asie. Ce changement de cap vise à redorer le blason de la compagnie nationale et de la hisser de la troisième place, qu’elle occupe actuellement sur le marché roumain, à la première.
Qu’elle serait alors le taux d’occupation de ses appareils pour que la compagnie passe au vert? Wolff Werner-Wilhelm : « Pour qu’on soit profitable, on devrait avoir un taux d’occupation de 80, 85%. L’année passée, on a été à 65%. Je tiens à souligner que nous avons ouvert des destinations que l’on a par la suite abandonnées de façon inexplicable, et que la concurrence a reprises tout de suite, parce que c’étaient des routes bien profitables. Nous devons donc viser un taux d’occupation de 80, 85% pour être compétitifs. Et je dois dire que nous enregistrons déjà une croissance sur les deux premiers mois de cette année, avec une tendance à la hausse. Il faudrait donc nous repositionner sur le marché, en tant que compagnie sûre, parce beaucoup de monde s’est donné à cœur joie d’égratigner l’image de la TAROM. Or, pour nous, la sécurité prime sur toute autre considération. »
« Je crois que nous fonctionnons selon des règles dépassées, qui n’ont plus cours, et qui nous empêchent de performer de la même manière que dans le privé », nous disait encore le directeur de TAROM. « En privé, on voit une brèche, une opportunité et on la saisit tout de suite. On n’a pas besoin de je ne sais combien de procédures pour faire soi-disant preuve de transparence. Cette façon de faire nous paralyse, et si on ne peut saisir l’opportunité au bon moment, cela ne vaut plus la peine. Mon souhait c’est que l’on puisse dépasser ce genre de barrières », nous disait encore le directeur de la compagnie aérienne nationale roumaine, Wolff Werner-Wilhelm.
Depuis juin 2010, la TAROM est membre de l’Alliance SkyTeam. L’actuel directeur y est favorable, même s’il constate qu’au moment où elle avait conclu ce partenariat, la TAROM n’avait pas de stratégie qui aille avec, et qui la mette à profit. Or, cela aussi devrait changer à l’avenir, sinon l’intérêt d’y rester serait hautement questionnable, encore selon Wolff Werner-Wilhelm. (Trad. Ionut Jugureanu)