Les gouvernements et les droits de l’Homme
Dans son rapport annuel, l’organisation souligne que « les gouvernements commettent une grave erreur lorsquils délaissent les droits humains dans leurs réponses à de graves défis sécuritaires ».
Corina Cristea, 20.02.2015, 14:35
Présenté à Beyrouth, par le directeur exécutif de HRW, Kenneth Roth, le document examine sur plus de 600 pages la situation des droits de l’homme dans plus de 90 pays. Selon le document, « la montée du groupe extrémiste État islamique est lune de ces crises internationales au cours desquelles les droits humains ont été relégués au second plan. Pourtant, l’EI na pas surgi de nulle part. Outre le vide sécuritaire apparu dans le sillage de linvasion américaine de lIrak, les politiques abusives et sectaires des gouvernements irakien et syrien et lindifférence de la communauté internationale à leur égard ont favorisé lémergence de ce groupe armé », écrit HRW.
Plus de 200.000 personnes ont été tuées dans les 4 ans de conflit en Syrie, les Etats — Unis et ses allies ayant permis que leurs actions militaires contre l’Etat Islamique mettent dans l’ombre les efforts censés déterminer le régime Assad à mettre fin aux abus, estime encore l’organisation. Selon ses experts, « dans de trop nombreux pays, notamment le Kenya, lÉgypte et la Chine, les gouvernements et les forces de l’ordre ont répondu aux menaces réelles de terrorisme ou perçues comme telles par linstauration de mesures abusives qui, au bout du compte, alimentent les crises ». De même, « en France, la réponse du gouvernement à l’attaque commise contre Charlie Hebdo, qui consiste à s’appuyer sur une loi antiterroriste pour poursuivre les auteurs de propos qui ne font pas réellement lapologie de la violence, pourrait avoir un effet négatif sur la liberté dexpression et dencourager dautres gouvernements à recourir à de telles lois pour faire taire ceux qui les critiquent ».
D’autres exemples détaillés des transgressions des droits de l’homme partout dans le monde s’étalent sur les 600 pages du rapport de HRW, un accent particulier étant mis sur les zones de conflit et les causes qui ont engendré ces crises majeures qui touchent actuellement des millions de personnes.
Selon le président de l’organisation, Kenneth Roth, ce que l’on désignait auparavant par les termes « le printemps arabe » s’est désormais transformé en conflit et répression dans les pays concernés; les islamistes extrémistes commettent des crimes de masse et menacent les civils au Moyen Orient et dans certains endroits de l’Asie et de l’Afrique, alors qu’en Ukraine il y a des tensions semblables à la guerre froide.
« Des fois, il semble que le monde est en train de se déchirer », affirme encore Kenneth Roth. Et lui d’ajouter: « Certains gouvernements commettent lerreur denvisager les droits humains comme un luxe à ne prendre en compte que dans des temps moins difficiles, au lieu de les considérer comme une véritable composante de laction politique. Cette approche n’est pas seulement erronée, mais aussi elle est contre-productive et manque de perspective», estime le président de HRW.
« La guerre dans l’est de l’Ukraine a eu un effet dévastateur sur les civils », lit-on dans le rapport de l’organisation qui souligne que « toutes les parties au conflit ont violé les lois de la guerre ». Ce qui plus est, en raison de l’attention prêtée au conflit dans l’est séparatiste du pays, les abus commis par la Russie en Crimée sont passés inaperçus, notamment le fait que les journalistes et les Tatars militant contre l’annexion y sont visés par les groupes paramilitaires russes.
Qu’en est — il de la Roumanie? En tant qu’Etat situé à la frontière orientale de l’OTAN, sa priorité absolue à l’heure actuelle est de renforcer ce flanc est de l’Alliance, affirment les autorités roumaines. Récemment, lors du Forum sur la sécurité mondiale (GLOBSEC) de Bratislava, le chef de la diplomatie roumaine, Bodgan Aurescu a fait référence à la crise sécuritaire sans précédent en Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale, déclenchée l’année dernière par la violation des normes fondamentales du droit international. Il a plaidé pour une approche commune et claire de la crise ukrainienne. Et cela, parce que malgré les accords, le conflit continue à faire des victimes, alors que son évolution est toujours incertaine.
Dans une interview pour Radio Roumanie, le professeur Iulian Fota, ancien conseiller présidentiel sur des questions liées à la sécurité, a passé en revue les possibles conséquences pour la Roumanie d’un conflit brûlant prolongé aux frontières du pays: « Notre situation de sécurité est étroitement liée à ce qui se passe en Ukraine. Elle avait déjà été mise en discussion par les événements de Géorgie en 2008. Cette crise ukrainienne, tout comme l’annexion illégale de la Crimée, ne font qu’accentuer ces incertitudes et ces soucis. En fait, la question qui se pose est de savoir ce nous devons faire dans cette situation. Nous ne contrôlons pas la situation internationale, car notre poids est moyen, sinon trop petit de ce point de vue, mais nous pouvons contrôler notre propre situation. D’où mon message: la meilleure réaction de la Roumanie face à une telle crise est de mettre de l’ordre dans notre propre pays ».
Et pour cause, explique Iulian Fota: « on ne sait pas ce que l’avenir nous réservera et j’espère que les expériences vécues par le passé ne se répèteront pas, comme ce fut le cas par exemple en 1940. Nous avons alors été mis à dure épreuve. On nous a donné 48 heures pour céder des territoires nationaux et nous, nous avons été incapables de réagir ».
(trad. Valentina Beleavski)