Les derniers avertissements des climatologues mondiaux
Les 19 mille scientifiques réunis récemment à Bonn, à l’occasion de la Conférence mondiale sur le changement climatique, ont encore une fois tiré la sonnette d’alarme. En effet, il semblerait que les émissions de gaz à effet de serre augmentent en 2017, et ce pour la première fois depuis 4 ans. La principale cause de cette dégringolade, estimée à environ 2%: l’utilisation accrue du charbon dans l’économie chinoise. Par ailleurs, les périodes de sécheresse exceptionnelle enregistrées cette année semblent avoir contribué à leur tour au problème, déterminant une baisse importante de la part de la production hydroélectrique, donc d’une source d’énergie propre et renouvelable, dans la production énergétique mondiale.
Corina Cristea, 15.12.2017, 14:24
En outre, les Etats-Unis (où l’utilisation du charbon a enregistré une hausse remarquée, la première depuis 5 ans, due notamment à la hausse du prix du gaz naturel) et l’Union européenne ont fait moins bien que prévu en 2017, selon les experts présents à la Conférence. Cette hausse de la production et de l’utilisation du charbon au niveau mondial intervient après 4 années d’accalmie, alors que pendant la décade précédente, entre 2004 et 2014, les émissions de dioxyde de carbone avaient constamment augmenté, d’environ 3% par an. De cause à effet, on a tout de suite remarqué une hausse de la température mondiale, en lien direct avec la hausse des émissions des gaz à effets de serre.
Selon le Rapport de l’Organisation météorologique mondiale, issu en début de la Conférence de Bonn, il existe de fortes probabilités à ce que l’année 2017 batte tous les records de température. Plus encore, les statistiques montrent sans l’ombre d’un doute que pendant cette dernière décennie on a enregistré les plus grandes hausses de température depuis le début de l’enregistrement scientifique de la température mondiale. Comme si cela ne suffisait pas, les désastres naturels ont quintuplé depuis quarante ans.
Les mauvaises nouvelles s’amoncellent et la communauté internationale est pressée d’intervenir, d’agir à l’unisson pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans un dernier espoir de renverser la vapeur et d’arriver à arrêter le changement climatique.
Invité par Radio Roumanie, le professeur Mircea Duţu, le président de l’Université Ecologique de Bucarest, nous apporte quelques éclairages: « Les causes des changements climatiques sont attribuées de manière directe ou indirecte aux activités humaines qui altèrent la composition de l’atmosphère au niveau global et qui s’ajoutent de façon malencontreuse aux variations naturelles du climat observées pendant une période de temps comparable. Il existe, certes, des modifications naturelles, générées par l’activité normale, telle l’activité solaire ou encore l’activité des pôles terrestres et ainsi de suite. Mais alors qu’on parle des changements climatiques, on se réfère aux modifications qui ont lieu à cause de l’activité humaine. Qu’est-ce que cela veut dire? Il y a les gaz à effet de serre, tels le dioxyde de carbone, le méthane, les vapeurs d’eau et ainsi de suite. L’effet de serre est un phénomène naturel, en l’absence duquel la température de la terre serait de -18° Celsius, ce qui rendrait impossible la vie, du moins dans ses paramètres actuels. Mais l’effet de serre est beaucoup amplifié du fait de l’activité humaine, de la pollution, et c’est cela la cause du changement climatique ».
L’opinion unanime est qu’il est urgent de mettre en oeuvre un plan d’action commun en vue de réduire, voire de stopper le phénomène du réchauffement climatique global. Mais pourrait-on y arriver?
Le chef du département de Climatologie de l’Agence nationale de météorologie, docteur Roxana Bojariu : « Je dirais qu’il n’est pas facile, mais on a des pistes et, par ailleurs, il est parfaitement nécessaire de réduire ces émissions de gaz à effet de serre. Fondamentalement, il faut réussir à gagner du temps, car nous avons déjà induit des changements climatiques irréversibles, et on commence à vivre leurs effets – 2017 va enregistrer une des températures médianes les plus élevées, probablement la troisième la plus élevée jamais mesurée, et nous constatons pleins d’autres records négatifs, non seulement au niveau du réchauffement climatique, mais aussi au niveau de la statistique des phénomènes extrêmes. La prise de conscience au niveau global, la lutte menée pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre nous aide à gagner du temps, le temps nécessaire pour pouvoir nous adapter, pour réussir à garder le rythme des changements sous contrôle. Parce que, autrement, si le changement climatique s’accélère, avec des émissions de gaz à effet de serre qui dépassaient ce que l’on s’était proposé, alors nous perdrons la main, nous risquons de perdre complètement tout contrôle sur les changements à venir. Ces modifications se caractérisent de toute manière par un rythme effréné si on les compare avec les modifications géologiques, par exemple. Si cela continue, dans 200 ans on pourrait constater qu’on a subi dans cet intervalle des changements climatiques similaires à ceux subis entre le dernier maximum glaciaire et la période interglaciaire, c’est-à-dire on va constater que l’on a concentré 10.000 années d’évolution climatique naturelle en un peu plus de 200 ans. Or, cela montre que l’on sortirait de l’échelle géologique, et il faut alors réagir très vite, faire en sorte de revenir en arrière, réduire de manière accélérée l’émission de gaz à effet de serre. »
La bonne nouvelle c’est que les émissions de ces types de gaz ont été plafonnées ces dernières années, ce qui prouve que le développement économique est possible, même en réduisant les émissions de gaz à effet de serre
Plus encore, le changement climatique impacte également sur la santé des communautés humaines. Mircea Duţu : « Un rapport publié le 31 octobre 2017 par l’OMS met en évidence l’impact sur la santé des hommes induit par le changement climatique. Les vagues de chaleur provoquent du stress thermique et aggravent l’insuffisance cardiaque. Elles aggravent aussi les risques de l’insuffisance rénale, liée à la déshydratation. Les documents concluent: les symptômes provoqués par la hausse de la température médiane et la multiplication des événements météo extrêmes sont clairement et scientifiquement étayées depuis plusieurs années, or l’impact sur notre santé est bien plus important qu’on ne l’a pensé. »
La Conférence de Bonn a représenté également la première réunion mondiale importante dédiée aux changements climatiques après l’abandon du Pacte de Paris par le gouvernement de Monsieur Trump. (Trad. Ionut Jugureanu)