Les défis de sécurité aux frontières de la Roumanie
Corina Cristea, 05.08.2022, 01:07
Dans le contexte de la situation tendue présente
à la frontière entre la Russie et l’Ukraine, la menace sécuritaire semble avoir
réveillé la majeure partie de la population roumaine à la réalité, estime Remus
Ștefureac, politologue, s’appuyant sur les conclusions d’une enquête d’opinion,
menée au mois de janvier par l’institut INSCOP Research, qu’il dirige.
L’enquête montre en effet que la confiance des Roumains dans l’OTAN s’élève
actuellement à 60%, un pourcentage jamais atteint dans les sondages précédents,
comme le déclare Remus Ștefureac à Radio Roumanie. 70% des Roumains pensent que
l’OTAN défendra la Roumanie en cas de conflit généré par les tensions
russo-ukrainiennes, alors que l’opinion favorable à une sortie hypothétique de
l’Alliance atlantique demeure marginale au sein de cette même opinion publique.
Ainsi, 75% des Roumains ne semblent même pas se poser cette question. Dans le
même temps, l’orientation pro-occidentale, c’est-à-dire l’attachement de
l’opinion roumaine à l’OTAN, à l’UE et à l’alliance avec les Etats-Unis, demeure
dominante, plus de 80% des Roumains affirmant qu’il s’agit bien d’une direction
« naturelle » en matière de politique extérieure, contre seulement
10% qui souhaiteraient une réorientation géopolitique vers l’Est.
Le sursaut de
l’opinion roumaine a été sans doute influencé par la perception de la menace de
proximité, croit savoir le politologue Remus Ștefureac.
« Nous voyons des positions
très claires, de la Russied’une part, qui a émis des prétentions
assez bizarres, exigeant le retrait des troupes de l’OTAN de Roumanie et de
Bulgarie. Et puis, d’autre part, en miroir, les positions très fermes de
l’Alliance de l’Atlantique Nord, mais aussi du président des États-Unis, du
président français, le repositionnement des troupes américaines en Europe, pour
renforcer les garanties de sécurité dont nous bénéficions en tant que membre de
l’OTAN.Certes, le
conflit et les tensions à la frontière russo-ukrainbienne ne sont pas du tout
une bonne nouvelle en termes de sécurité militaire, de sécurité en général, ou
encore en matière économique. Les marchés boursiers ont déjà réagi, les prix de
l’énergie seront influencés par ce conflit, il est donc absolument nécessaire
qu’il y ait des discussions et une prise de décisions à ce sujet par le plus
haut forum de l’État roumain qui gère les questions de sécurité. Si le pire
allait arriver, il faudra être prêt, avoir sur la table différents scénarios, qui
puissent parer à toute éventualité, qu’il s’agisse d’un conflit plus grand, ou d’un
conflit limité. Pensez, par exemple, que nous devrions affronter des vagues de
réfugiés. Comment allons-nous gérer cela en pleine saison froide ? Il faut
le prévoir à l’avance. Par ailleurs, je ne suis pas des ceux qui croient
possible l’apparition d’un conflit armé entre un État membre de l’OTAN et la
Russie. Pour ma part, il s’agit d’une éventualité hautement improbable. Mais
tout conflit qui se déroulerait à proximité de nos frontières aura des
conséquences, et il faut se tenir prêt à cette éventualité, et réagir de manière
intégrée. Or, coordonner notre réponse à tous les niveaux, seul le Conseil
supérieur de défense du pays est en mesure de le faire. »
À Bucarest, ce Conseil avait d’ores
et déjà été convoqué. Le président roumain, Klaus Iohannis, a réitéré à
l’occasion la solidarité de la Roumanie avec la position défensive de l’OTAN,
ainsi que son soutien à une présence accrue des troupes alliées en Roumanie. Les
100 premiers soldats américains sur les 1 000 que les États-Unis comptent transférer
en Roumanie depuis l’Allemagne sont d’ailleurs déjà arrivés dans notre pays. Ce
premier contingent, chargé de préparer l’arrivée du reste des troupes
américaines, laisse entrevoir la volonté de l’Alliance de consolider son flanc oriental,
face à la volonté affichée par la Russie de modifier l’équilibre des forces et l’architecture
de sécurité en Europe, selon le chef de la diplomatie de Bucarest, Bogdan
Aurescu :
« Nous demeurons
certainement attachés au dialogue, et c’est bien la position que moi-même et
d’autres collègues de l’OTAN avons exprimée lors d’une réunion, spécialement
consacrée à ce sujet, des ministres des affaires étrangères. Le dialogue fait
partie de ce que l’on appelle une « approche à deux voies », sur
laquelle l’OTAN a bâti sa stratégie dans ses relations avec la Russie. C’est
une approche qui combine le découragement militaire et le dialogue. Et du point
de vue de la Roumanie, nous soutenons le dialogue, mais en même temps, il faut
garder à l’esprit que ce dialogue se doit d’être accompagné par toute une série
de mesures de dissuasion, fermes et crédibles. (…) Nous avons besoin d’une
désescalade concrète, sur le terrain, avec le retrait des troupes et des équipements
russes, et puis, d’autre part, il faut cesser d’utiliser la menace du recours à
la force, car cela est inacceptable du point de vue du droit international, des
principes, des valeurs et des normes qui constituent le socle de ce que l’on
appelle l’ordre international, fondé sans exception sur des règles. »
Les ministres de la défense de l’UE
se sont également réunis à Brest, en France, pour aborder la situation
sécuritaire en Ukraine et les tensions présentes à la frontière commune avec la
Fédération de Russie. Dans son discours, le ministre roumain de la Défense,
Vasile Dîncu, a réitéré la préoccupation roumaine au sujet de la présence
militaire russe dans le voisinage oriental, craignant que de tels
développements ne fassent partie d’une stratégie plus ample de Moscou, visant à
accroître l’influence russe dans ce que la Russie apprécie comme son pré carré,
tout en empêchant ces États d’exercer librement leur volonté de suivre leur
voie vers leur intégration européenne. (Trad. Ionut Jugureanu)