Les conséquences du déclin démographique
Corina Cristea, 08.10.2021, 08:14
Les données statistiques
montrent qu’au 1er janvier 2021, la population résidente en Roumanie est tombée
sous la barre de 19,2 millions de personnes, ce qui se traduit par une
diminution de près de 143.000 personnes en l’espace d’une année. La Roumanie perdrait
ainsi, tous les ans, l’équivalent de la population d’une ville de taille
moyenne. L’analyste économique Constantin Rudniţchi met en exergue les causes
du phénomène. « Pour ce qui est de cette
évolution, il s’agit en premier lieu d’un taux de natalité plutôt faible et d’un
taux de mortalité relativement élevé. Mais la cause principale réside dans
l’émigration massive, dans le choix que font beaucoup de Roumains de quitter
définitivement le pays. Certes, ces derniers partent le plus souvent en Union
européenne, dans notre espace européen commun, mais cela revient finalement au
même, car ils quittent le pays. Et les statistiques ne sont pas sujet à caution :
il s’agit bien d’une tendance lourde. Remarquons, d’autre part, le
vieillissement accéléré de la population résidente, un autre phénomène bien
présent qui accentue le premier. Le nombre de personnes âgées augmente, alors
que la part de la population jeune diminue. Ce sont des tendances claires et
nettes, qui ne font pas de doute. »
Pourtant, non seulement la
Roumanie est confrontée à un déclin démographique accentuée, mais l’Europe dans
son ensemble. Si au début du XIXe siècle la population du continent
représentait 15 % de la population de la planète, en 2050 elle n’en
représentera plus que 5 %. Et cette situation est dueen grande partie à l’envolée
démographique dans d’autres régions du monde, autant qu’au déclin dramatique de
la population en Europe. Et bien que les Européens aiment avoir plus d’enfants,
deux raisons principales les rendent réticents : le manque de sécurité
économique et l’inquiétude quant à l’avenir de leurs enfants. Résultat des courses
: un nombre de nouveau-nés en berne, avec, pour corolaire, la mise en danger du
marché de l’emploi et des systèmes de santé et de retraite.
En effet, selon les
estimations, dans l’Union européenne, l’âge moyen pourrait atteindre 49 ans
d’ici 2050. C’est-à-dire que l’on assiste à un processus de vieillissement
démographique accéléré, qui se traduit par une augmentation du nombre de
retraités et par une diminution du nombre de personnes actives sur le marché du
travail. Pour la Roumanie, le phénomène de l’émigration ne fait que renforcer
la tendance. Selon l’Institut national de la statistique de Bucarest, l’année
dernière, le nombre d’émigrants a dépassé celui des immigrés de près de 29 000
personnes. Là encore, l’analyste économique Constantin Rudniţchi constate
: « L’impact de l’évolution
démographique sur l’économie du pays est assez clair. D’un côté, il y a la
fuite des cerveaux, le départ des gens qualifiés, car ce sont bien ces gens-là
qui partent en premier. De l’autre côté, il est clair qu’une société
vieillissante a d’autres types de besoins et qu’elle manifeste une tendance à
la hausse en matière de dépenses de santé et dans le domaine des retraites,
deux systèmes qui se trouvent déjà en déficit. Qui plus est, le système roumain
de santé souffre d’un sous-financement chronique, ce qui ne fait qu’exacerber
le problème. »
Au niveau européen, selon
les données fournies au printemps passé par Eurostat, sur les 1.216 unités
territoriales statistiques de l’UE, 802 auront une population moindre en 2050
qu’en 2019, alors que 414 autres auront une population plus importante en 2050
par rapport à l’année de référence, 2019. Les populations caractérisées par un vieillissement
accéléré se trouvent dans des régions situées principalement en Europe de l’Est,
soit aux Pays baltes, en Pologne, en Slovaquie, en Roumanie et en Bulgarie, mais
également en Europe du Sud (Italie, Espagne et Portugal). La République
tchèque, la Grèce, la Croatie, la Hongrie et la Finlande comptent, elles aussi,
une grande majorité de régions en déclin démographique. A l’opposé, un
rajeunissement des populations est attendu dans seulement 10 % des régions,
dont 8 sur 10 en Allemagne, où l’âge moyen diminuerait de 4 ans. Les dernières
données Eurostat montrent que 2020 a d’ailleurs été, dans un contexte de
pandémie, une année marquée par le taux de mortalité le plus élevé, sur les 60
dernières années dans l’UE. Les 27 ont
enregistré, l’année dernière, 534.000 décès de plus, soit une augmentation de
11% par rapport à 2019.
Ainsi, la population de l’Union est passée de 447,3
millions d’habitants à 447 millions. La plus forte baisse de la population en
termes absolus s’est manifestée en Italie (-384.000, soit une diminution de 0,6%
de la population italienne), suivie par la Roumanie (-143.000, soit -0,7%) et
la Pologne (-118.000, -0,3%). A noter toutefois qu’en pourcentage de la
population totale rapporté à la population de chaque État, la Roumanie occupe
la première place dans ce classement peu enviable. Existe-t-il des solutions
pour stopper le déclin démographique roumain ? L’analyste Constantin Rudniţchi demeure
sceptique. « Malheureusement, il
n’y a pas de solution miracle pour endiguer le phénomène. J’avais pu observer
dans d’autres États la mise en place de différents dispositifs censés encourager
la natalité, à commencer par l’augmentation des allocations versées aux mères, ou
encore par la rallonge des congés de maternité. Ces formules pourraient être
appliquées en Roumanie, mais, du moins en ce moment, le sujet démographique est
plutôt absent de l’agenda politique national. »
Autour de la Roumanie, en
République de Moldova voisine, pays qui compte une majorité roumanophone, la
situation est encore pire. Une analyse de l’Institut « Avenir » pour
le développement et les initiatives sociales, institut basé à Chişinău, révèle
que, de 1991 à nos jours, la population de la République de Moldavie a diminué
de près de 1,5 million de personnes. La population moldave actuelle s’élève à
2,9 millions, y compris les Moldaves qui vivent sur la rive gauche du Dniestr, soit
dans la région séparatiste de Transnistrie, qui compte un peu plus de 300.000 habitants.
Près d’un tiers de la population de la République de Moldova a quitté le pays
natal au cours des trois dernières décennies, le pays devenant ainsi l’un des
plus touchés par le phénomène du déclin démographique.
(Trad. Ionut Jugureanu)