Le risque sismique en Roumanie
Corina Cristea, 03.03.2023, 10:03
La Turquie a été
récemment confronté au désastre provoqué par le terrible tremblement de terre
qui avait frappé le pays le 6 février dernier, dont l’intensité s’est élevée à
7,8 sur l’échelle de Richter, et qui a été suivi par une série de répliques,
dont certaines assez puissantes. D’autres pays riverains, dont Israël, le Chypre
ou encore la Syrie ont également ressenti les secousses, le nord de la Syrie
étant touché de plein fouet et comptant ses morts par milliers. A la suite du
désastre, la communauté internationale s’était rapidement mobilisée pour venir
en aide aux secouristes turcs. L’UE a même activé son mécanisme de protection
civile, dont la Turquie en fait partie. Plusieurs pays, dont la Roumanie, se
sont empressée d’envoyer à leur tour des équipes de secouristes sur place.
Le sismologue Mihail
Diaconescu de l’Institut de recherche des sciences de la Terre, explique sur
nos ondes les causes d’une telle catastrophe :
« Le premier séisme, d’une
magnitude de 7,8, s’était produit dans la jonction formée par l’intersection
des plaques africaine, anatolienne et arabique. Le séisme ultérieur, d’une intensité
de 7,5, a eu lieu sur le segment de faille du Sürgü-Çartak de la faille
est-anatolienne, avec une orientation est-ouest, donc différente du premier
séisme. L’on connaissait déjà ces séismes de surface, d’une magnitude supérieure
à 7, provoqués au long de la faille nord-anatolienne, située au nord de la
Turquie, et longeant les côtes turques de la mer Noire. Selon le catalogue
rédigé par notre institut, la Roumanie avait connu au 19e siècle un
désastre d’une telle amplitude, un séisme de 7,9, considéré comme le pire séisme
que notre région sismique, la région de Vrancea, risque de provoquer. Certes, s’agissant
de données historiques, la magnitude de ce séisme n’est que le résultat d’une
évaluation ultérieure, et en réalité son intensité aurait pu être quelque peu
en-deçà de notre estimation. »
Déclenché
en 1802, le séisme de la région de Vrancea dont nous parle le sismologue Mihail
Diaconescu a été ressenti jusqu’à Moscou et Constantinople. Les chroniqueurs de
l’époque contaient avec effroi l’écroulement de tous les clochers de Bucarest. 138
années plus tard, en 1940, un séisme d’une magnitude de 7,4 aura lieu dans la
même région de Vrancea, à une profondeur de 133 km, et secouera la terre
pendant 3 minutes. Plus de 5.000 victimes seront alors enregistrés, dont 1.000 morts
et 4.000 blessés. La capitale seule déplorera plus de 300 décès, la plupart
provoqués par l’effondrement d’un building moderne de 12 étages, dont la
structure en béton armé n’avait pas résisté à la violence des secousses. A la
suite du séisme de 1940, l’Association générale des ingénieurs civils de
Roumanie avait commandité une étude portant sur les effets des séismes sur les structures
en béton armé, de nouvelles normes en matière de construction étant par la
suite adoptée. En dépit de cela, 37 années plus tard, le 4 mars 1977, un
nouveau tremblement de terre, d’une magnitude de 7,2 sur l’échelle de Richter,
touchait la Roumanie de plein fouet, provoquant la perte de 1.570 vies humaines,
dont pas moins de 1.440 à Bucarest.
La capitale, de loin la plus touchée, avait
déploré à l’époque l’effondrement de 33 buildings, alors que bien d’autres
encore avaient été endommagés. L’épicentre du séisme a été localisé à une
profondeur de 100 km, alors que l’onde de choc a été ressenti jusqu’aux confins
des Balkans. 9 années plus tard seulement, en 1986, la Roumanie se voyait à nouveau
touchée, par un séisme de moindre intensité cette fois, mais qui aurait
néanmoins provoqué 150 victimes. Enfin, en 1990 la Roumanie se voyait
confrontée à trois séismes dans la même année, et dont les intensités ont varié
entre 6,1 et 6,9, provoquant au total 13 décès.
Invité sur les ondes de Radio
Roumanie, l’ingénieur Matei Sumpasacu, expert en
matière de constructions érigées dans les zones qui présentent un risque
sismique significatif, explique les causes du désastre provoqué par le récent
tremblement de terre en Turquie, sans oublier de mentionner les risques sismiques
encourues par la Roumanie.
Matei Sumpasacu :
« Pour ce qui est du séisme du 6 février passé,
il s’agit forcément d’une énorme tragédie. Vous savez, ce n’est pas le séisme
qui tue, mais les bâtiments qui s’écroulent. Et si le tremblement de terre de
Turquie a provoqué tant de victimes ce n’est que parce qu’il a frappé une
région peuplée, caractérisée par une vulnérabilité accrue du bâti face à ce type
de risque. Cette vulnérabilité provient tout d’abord des normes antisismiques
ignorées, ou peu adaptées. En effet, ce n’est qu’à partir de 2000 que les nouveaux
projets immobiliers ont commencé à prendre en considération ce type de risque, mais
ce n’est qu’après 2018 que les plans de résistance des structures se sont
véritablement améliorés. Cependant, les bâtiments érigés avant 2000 présentent
des vulnérabilités manifestes. Et l’on a vu de quoi il s’agissait : des bâtiments
dont le rez-de-chaussée abritait des espaces commerciaux, des espaces ouverts,
et puis l’on a pu voir aussi la manière dont ces bâtiments s’enfonçaient, comme
un accordéon, dès que la structure du rez-de-chaussée cédait. Et cela m’a fait
penser à la vétusté du fond immobilier roumain, où l’on trouve des buildings érigés
avant 1977, voire avant 1940, et dont les plans prenaient peu, voire pas du
tout en considération le risque sismique. »
Et il
est parfaitement vrai que parmi les bâtiments qui se sont récemment écroulés en
Turquie à la suite du tremblement de terre du 6 février dernier, il y avait
aussi des bâtiments flambant neuf, ou presque. Car, avoue l’ingénieur Sumpasacu,
avoir à disposition des normes de bonnes pratiques de construction ne suffit
pas. Encore faut-il les respecter. Et lorsqu’on sait qu’en matière de
corruption et de pots-de-vin le secteur du bâtiment caracole en tête de liste, l’on
sera moins étonné par le résultat. (Trad Ionut Jugureanu)