Le déclin du sport roumain
Dans un pays comme la Roumanie, où trop peu d’argent est investi dans l’éducation, la santé ou la recherche, bref dans l’avenir, parler d’allocations importantes pour le sport pourrait être prix pour de la naïveté, pour une blague ou pour une sollicitation exagérée. C’est un paradoxe, puisque ces dernières décennies, la Roumanie s’est forgé une réputation incontestable dans le sport de haut niveau. Il est vrai que bon nombre des grands succès internationaux des champions roumains datent de 20, 30 ou 40 ans, voire plus, à des époques où le seul talent aurait pu suffire. L’évolution générale du sport a été cependant telle qu’aujourd’hui le talent, aussi grand qu’il soit, n’est plus une garantie de l’excellence.
Florentin Căpitănescu, 12.07.2013, 13:00
Dans un pays comme la Roumanie, où trop peu d’argent est investi dans l’éducation, la santé ou la recherche, bref dans l’avenir, parler d’allocations importantes pour le sport pourrait être prix pour de la naïveté, pour une blague ou pour une sollicitation exagérée. C’est un paradoxe, puisque ces dernières décennies, la Roumanie s’est forgé une réputation incontestable dans le sport de haut niveau. Il est vrai que bon nombre des grands succès internationaux des champions roumains datent de 20, 30 ou 40 ans, voire plus, à des époques où le seul talent aurait pu suffire. L’évolution générale du sport a été cependant telle qu’aujourd’hui le talent, aussi grand qu’il soit, n’est plus une garantie de l’excellence.
Les investissements associés à la réussite sportive de haut niveau ont énormément augmenté — depuis l’infrastructure et les méthodes d’entraînement sophistiquées aux récompenses financières pour le sportif lui-même et pour l’équipe qui l’entoure. C’est ce qui explique le fait qu’aujourd’hui, les grandes nations sportives du monde sont, avant tout, de grandes puissances économiques qui allouent au sport des sommes impressionnantes. A la dernière édition des JO d’été, celle de Londres 2012, le Top 10 des nations n’a rassemblé que de gros acteurs économiques mondiaux, à une exception près — la Hongrie. A Londres, la Roumanie n’a été que 27e au classement des nations, loin de ses attentes mais proche de son faible pouvoir financier actuel. A presque 30 ans depuis la fabuleuse 2e place par nations occupée en 1984, au JO de Los Angeles, la Roumanie semble être de plus en plus un exemple concret de la devise olympique: “L’important c’est de participer, non de gagner!”. Les perspectives ne semblent pas non plus extraordinaires, vu que les fonds qui alimentent le sport roumain ont diminué sensiblement, notamment après l’impact de la crise mondiale sur l’économie du pays.
C’est une réalité qui ne fait que renforcer le déclin du sport, pense le journaliste spécialisé Răzvan Boldiş: « C’est ce qui se passe effectivement ! La crise a frappé de plein fouet le sport roumain, qui, de toute façon, n’était pas une destination privilégiée des fonds publics. Pratiquement, l’argent, déjà insuffisant, a encore diminué. Le peu de fonds reçu actuellement par les fédérations n’aide pas à une revigoration du sport roumain. Dans le meilleur des cas, ça le fait survivre, mais sans argent il n’y a pas d’infrastructure, pas de motivation pour les sportifs, pas d’entraîneurs aguerris non plus, car ceux-ci quittent, depuis quelques années, la Roumanie. Aujourd’hui, le sport de haut niveau est une affaire coûteuse que la Roumanie, malheureusement, ne peut plus se permettre de faire. »
Cependant, le déclin n’est pas dû uniquement à la composante financière. La réduction de la pépinière de sélection et l’absence de la médiatisation contribuent à leur tour à ce grand pas en arrière. Răzvan Boldiş: « Les données finales du recensement de 2011 prouvent que la population stable de la Roumanie a diminué de 3 millions en deux décennies, baissant à un peu plus de 20 millions d’habitants. Or, cela limite le recrutement de talents sportifs. Ce facteur n’est pas décisif, mais il contribue, quand même, au déclin du sport roumain. Si l’on prend en compte la faible promotion faite par les médias aux sports autres que le foot, on découvre une autre cause de ce déclin. »
En effet, les performances remarquables, peu nombreuses, d’ailleurs, enregistrées à d’autres disciplines sportives ne figurent ou ne se maintiennent pas à la une des publications spécialisées. Cela en raison du fait que le football, considéré, en effet, comme un ample phénomène social en Roumanie, ne peut être déplacé de sa position privilégiée. Ce sport ne se distingue pas des autres par des performances internationales notoires — absentes depuis longtemps déjà — mais par des aspects collatéraux : démêlées avec la justice des patrons de clubs et de personnalités du monde du foot ou escapades et vie privée des joueurs.
Dans un tel milieu — plutôt hostile et favorable à la médiocrité, seuls la gymnastique et l’escrime réussissent à se maintenir dans l’élite mondiale. Malheureusement, l’athlétisme, le handball, la boxe, les avirons, l’haltérophilie et les luttes, qui ont apporté à la Roumanie 180 médailles olympiques, n’ont pas réussi à faire conserver à notre pays sa place dans l’élite mondiale. Au contraire, elles ont sombré dans l’anonymat, aux côtés d’autres disciplines sportives, et il semble difficile sinon impossible de les en faire sortir.
Bien que s’annonçant plutôt gris, l’avenir peut apporter aussi des solutions. Nous repassons le micro au journaliste sportif Răzvan Boldiş: «Ce n’est pas à nous d’inventer une chose que d’autres ont déjà découverte il y a un certain temps. Le partenariat public-privé en tant que source de financement pour le sport est une solution appliquée avec succès dans d’autres pays. Il peut s’avérer une excellente solution pour sauver les sports d’équipe qui, en Roumanie, ont pratiquement cessé d’exister. Une autre possibilité serait d’orienter les fonds vers les disciplines où nous avons des chances d’obtenir des médailles. Certes, une telle solution pourrait condamner irrévocablement un grand nombre de sports, mais elle nous aiderait à garder nos élites sportives. Pourtant, nous devrions surtout mettre en oeuvre une stratégie nationale pour organiser un plus grand nombre de compétitions. Il ne faut pas oublier que la compétition fournit une motivation, la compétition assure une éducation. Et c’est surtout le cas pour les très jeunes. »
Le manque d’émulation dans le sport roumain a été illustré par les récents championnats nationaux de natation, où la moitié des compétiteurs inscrits aux épreuves réservées aux seniors ont été des juniors. Et ce n’était pas en raison du fait que des super-talents emboîtent le pas à leurs aînés. (trad. : Ileana Taroi, Dominique)