Le Brexit, dernière ligne droite ?
« Nous en avons un! », a lancé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker sur son compte Twitter, alors que Boris Johnson se vantait d’« un excellent nouvel accord ». M. Juncker avait qualifié l’accord d’« équitable et équilibré ». Cet accord devra encore être ratifié par les parlements britannique et européen. Le parti unioniste nord-irlandais DUP, allié clé des conservateurs, et le chef des travaillistes, principale formation d’opposition, ont rejeté jeudi l’accord de Brexit obtenu à Bruxelles, rendant son approbation au Parlement très incertaine.Une sortie non réglementée de la Grande Bretagne de l’UE reste encore toujours une possibilité.
Corina Cristea, 18.10.2019, 15:08
« Nous en avons un! », a lancé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker sur son compte Twitter, alors que Boris Johnson se vantait d’« un excellent nouvel accord ». M. Juncker avait qualifié l’accord d’« équitable et équilibré ». Cet accord devra encore être ratifié par les parlements britannique et européen. Le parti unioniste nord-irlandais DUP, allié clé des conservateurs, et le chef des travaillistes, principale formation d’opposition, ont rejeté jeudi l’accord de Brexit obtenu à Bruxelles, rendant son approbation au Parlement très incertaine.Une sortie non réglementée de la Grande Bretagne de l’UE reste encore toujours une possibilité.
Une possibilité crainte pour les conséquences désastreuses que cela risque d’engendrer. Juste pour l’industrie de l’automobile, cela risquerait de générer une perte sèche de plusieurs milliards d’euros, voire de causer la perte de millions de places de travail, selon les producteurs européens. Les principales fédérations patronales européennes, ensemble avec 17 organisations nationales tirent ainsi la sonnette d’alarme, clamant haut et fort qu’un Brexit sans accord signifierait la réintroduction des tarifs douaniers, déstabilisant grandement les chaînes de production de l’industrie des composants auto, et déclenchant une hausse des prix qui se traduirait par des coûts de production supplémentaires de plusieurs milliards d’euros.
L’incertitude qui pèse sur l’issue du Brexit est d’autant plus inquiétante qu’il n’y a pas de précédent à ce genre d’affaire. Si l’industrie automobile européenne, qui emploie 13,8 millions de personnes, soit 6% des places de travail existantes dans l’Union, se voit directement concernée, il n’en reste pas moins que l’incertitude plane sur tous les secteurs de la vie économique. Le premier ministre britannique, Boris Johnson, entend en effet sortir à tout prix le Royaume Uni de l’Union européenne le 31 octobre prochain, avec ou sans accord.
Par contre, le Parlement de Londres avait récemment adopté une loi qui oblige le gouvernement britannique de solliciter un nouveau report de la date du Brexit en cas de désaccord persistant. La nouvelle date butoir serait ainsi le 31 janvier 2020. Certes, le Brexit est un acte qui met la Grande Bretagne en porte-à-faux par rapport à sa propre histoire, selon les mots employés par le président de la CE, Jean-Claude Juncker, dans une récente interview au quotidien espagnol El Pais. Et M. Juncker de rappeler le plaidoyer de Winston Churchill en faveur de la construction des Etats-Unis d’Europe.
Jean-Claude Juncker exprime aujourd’hui ses regrets pour la position de neutralité, adoptée par l’Exécutif européen lors de la campagne qui a précédé le référendum britannique de 2016, sur le Brexit, soldé par un vote de 52% des voix en faveur de la sortie. Selon Jean-Claude Juncker : « Il y a eu une campagne de mensonges et de fausses nouvelles avant ce référendum. Nous, à la Commission, avons pris la décision de ne pas intervenir dans la campagne, suite à la demande du premier ministre britannique de l’époque, David Cameron. Cela a été une grande erreur » .
Jean-Claude Juncker ne cesse par la suite de vilipender le danger représenté par l’instauration des contrôles stricts aux frontières entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, issue possible dans l’éventualité d’un Brexit sans accord. Entre temps toutefois, la question de la frontière irlandaise, soit du Backstop, est dans tous les esprits. L’analyste politique Iulian Chifu, directeur du Centre pour la prévention des conflits de Bucarest, nous remet son analyse. Ecoutons-le : « C’est là que les négociations se bloquent. Car il s’agit d’une frontière entre les deux Irlande, une frontière dont les caractéristiques ont été réglementées aussi lors du célèbre accord de paix qui a mis fin à la guerre irlandaise. C’est donc un vrai casse-tête ».
La Roumanie, elle, s’inquiète du sort de ses ressortissants qui vivent sur le territoire britannique. Le ministère des Affaires étrangères de Bucarest suit de près le processus d’enregistrement des Roumains établis au Royaume-Uni et censés pouvoir y résider après le Brexit, mais aussi en vue de pouvoir leur fournir l’assistance consulaire nécessaire, le cas échéant. Entre temps, le gouvernement de Londres rassure les Européens à l’égard du statut qu’il entend réserver aux ressortissants européens établis au Royaume-Uni après le Brexit, avec ou sans accord.
Lors d’un débat organisé à Bucarest à la fin septembre, la patronne du Bureau Brexit du ministère roumain des Affaires étrangères, Adina Bădescu, précise que le nombre officiel de nos concitoyens établis au Royaume-Uni s’élève à 433 mille, mais que leur nombre réel doit sans doute être plus important : « Le processus d’enregistrement en vue de l’obtention du nouveau statut, celui qui sera en vigueur après le Brexit, a démarré sur des chapeaux de roues en Grande Bretagne. A l’heure actuelle, plus de 187 mille de nos ressortissants ont déposé leur dossier, en vue d’obtenir soit le statut de résident, soit un statut préalable. Nous estimons plus important le nombre de ces derniers que celui de ceux qui obtiendront le statut de résident permanent ».
Présent à cette réunion, le conseiller du président de la Chambre roumaine de Commerce et d’Industrie, Lazăr Comănescu, croit savoir que le statut spécial dont le Royaume-Uni a bénéficié, et cela dès son entrée, en 1973, dans l’espace communautaire, a constitué une stratégie contreproductive, et qui ne devrait plus être utilisée à l’avenir. Lazar Comanescu : « Ma conclusion première concernant cette affaire de Brexit est qu’à l’avenir, la construction européenne ne doit plus accepter des cas d’exception. Il faut être rigoureux. Les règles sont là pour tous. En deuxième lieu, il faudrait noter que l’UE a réussi à s’affirmer et à s’exprimer en tant qu’acteur de poids au niveau mondial, dans les domaines où elle a les compétences pour ce faire. » Et, en effet, si notre désir commun est de poursuivre ensemble, il faut donner à l’Union européenne les moyens de ses ambitions, a conclu Lazăr Comănescu. (Trad. Ionut Jugureanu)