L’adhésion à l’espace Schengen reste une priorité
Ladhésion à lespace Schengen, toujours en tête de liste de lagenda européen de la Roumanie
Corina Cristea, 06.10.2023, 12:22
Cela
fait bientôt 12 années depuis que la Roumanie et la Bulgarie se voient contraintes
de demeurer en dehors de l’espace Schengen, alors même qu’elles avaient d’abord
intégré de plein droit l’Union européenne et qu’ensuite elles avaient rempli l’ensemble
des critères requis pour faire partie de cet espace dépourvu de contrôle aux
frontières. Les ressortissants des deux Etats demeurent dès lors les seuls
citoyens européens toujours contraints de montrer encore patte blanche aux
frontières. Mais les dégâts économiques que cet état de fait induit sont bien
plus graves que cela. Une réalité rappelée dernièrement par la voix de la présidente
du Parlement européen, Roberta Metsola, qui apprécia que maintenir ces pays à
la porte de l’espace Schengen constituait un acte injuste et injustifié, et que
« limiter leur droit de libre circulation entraînait des coûts supplémentaires
aux deux économies ». En effet, le préjudice estimé pour la Roumanie seule
s’élèverait à près de 200 millions d’euros par mois, selon les calculs réalisés
par d’analystes indépendants, alors que le gouvernement de Bucarest table pour
sa part sur une perte sèche de 2% de son PIB, et songe à demander des
dédommagements. Dans la même veine, pendant son discours sur l’état de l’Union,
la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait exhorté
Vienne de lever son véto singulier face à l’entrée de la Roumanie et de la
Bulgarie dans l’espace Schengen. Requête rejetée, du tac au tac, par cette
dernière par la voix du ministre de l’Intérieur autrichien, M Gerhard Karner,
qui affirma que vouloir étendre dans le contexte actuel l’espace de libre circulation
était sans fondement, mettant en avant que « les données concernant les
tendances migratoires sont à la hausse, et que l’on a besoin de plus de
contrôles aux frontières plutôt que d’une diminution ». Aussi, selon la
thèse soutenue par Vienne, la Roumanie et la Bulgarie s’avèreraient incapables
de contrôler leurs frontières, une assertion gratuite et que tout semble
infirmer. En effet, selon la présidente de la Commission, « la Roumanie et
la Bulgarie représentent un modèle de bonnes pratiques en matière de politiques
d’asile et de renvoi d’immigrés illégaux ».
Selon le professeur des
universités et analyste Ştefan Popescu, les
déclarations de la cheffe de l’Exécutif communautaire doivent être prises au
sérieux.
« Ces déclarations donnent un signal politique
fort. Il faut souligner dans le contexte que cela fait des années depuis que des
représentants des institutions européennes, qu’il s’agisse de certains
commissaires, voire du président de la Commission, et dont la mission est, on
le sait, de réaliser une forme de consensus, eh bien, ont donné des signaux positifs.
Là où le bât blesse, c’est la position de certains Etats. En la matière, l’unanimité
est requise. Evidemment, en revanche, face à cette opposition incompréhensible,
la Roumanie pourrait à son tour faire valoir son droit de véto dans différentes
matières, comme mesure de rétorsion. Mais, vous savez, utiliser le droit de
véto, comme le fait l’Autriche en cette matière, est un couteau à double tranchant. »
Au mois de juillet,le Parlement européen avait voté une résolution exhortant les Etats
membres de permettre l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’espace
Schengen avant la fin de cette année, alors que l’Espagne, la détentrice en titre
de la présidence tournante du Conseil de l’UE, avait placé l’adhésion des deux
Etats au même espace Schengen en tête de liste des priorités de sa présidence.
Par ailleurs, 17 années
après l’adhésion de la Roumanie à l’UE, le Mécanisme de coopération et de vérification
de l’UE, mesure transitoire visant à faciliter les progrès dans les domaines de
la réforme judiciaire et de la lutte contre la corruption dans les deux Etats, vient
d’être clos par la Commission européenne. Un argument de plus pour l’adhésion
immédiate à l’espace Schengen selon le premier-ministre roumain Marcel Ciolacu, qui rappela à l’occasion
que les objections soulevées par le passé à l’adhésion de son pays à l’espace
Schengen étaient fondées justement sur les soupçons concernant la supposée absence
d’indépendance de la justice de son pays. Mais la position intransigeante de l’Autriche
qui, pour rappel, usa de son droit de véto au dernier Conseil Justice et Affaires
intérieures pour empêcher les deux Etats de rejoindre l’espace Schengen,
représente une décision arbitraire et que rien ne justifiait, selon le
premier-ministre roumain, qui n’hésita pas de menacer Vienne d’une procédure
devant la Cour européenne de Justice si cette position devrait se reproduire au
prochain Conseil JAI.
Une procédure déjà lancée d’ailleurs par l’eurodéputé
roumain Eugen Tomac, membre du parti le Mouvement populaire.
« Vous savez, la proposition
qui avait été mise sur la table du Conseil JAI du 8 décembre dernier était qu’après
l’évaluation positive des conditions remplies par la Roumanie, la Bulgarie et
la Croatie, les trois Etats rejoignent l’espace Schengen. Or, seule la Croatie
avait passé le vote. La Roumanie et la Bulgarie ont été recalés. Mais en cette
matière, l’Autriche avait enfreint les règles de droit et les traités de l’UE,
y compris la législation portant sur l’espace Schengen lorsqu’elle avait voté,
en une même session, aussi bien pour et contre l’élargissement de l’espace
Schengen. Pour sa part, la Commission européenne, seule institution habilitée
de constater si un Etat remplissait ou non les conditions requises pour faire
partie de cet espace, avait pour sa part constaté, et cela fait 12 années maintenant,
que la Roumanie et la Bulgarie le font. Le Parlement européen était arrivé lui
aussi à la même conclusion. En revanche, au Conseil JAI, les Pays-Bas d’abord,
maintenant l’Autriche, usent de manière abusive de leur droit de véto. De
manière abusive, car cela nous prive dans les faits de pouvoir jouir d’un accès
entier et légitime au marché unique européen, d’un accès garanti par les
traités. Cela nous empêche de pouvoir jouir des mêmes droits dont jouissent les
450 autres millions d’Européens. Et cela devient inacceptable. »
A sa défense, Vienne réitère que sa position intransigeante
n’est pas mue par le désir de nuire aux deux Etats concernés, mais qu’elle
entend protester de la sorte contre ce qu’elle appelle « un système en
panne », et de rappeler que « seules des frontières externes sûres peuvent
rendre possible une Europe dépourvue de frontières intérieures ». (Trad Ionut Jugureanu)