La viande de culture : vraie ou fausse solution ?
Certains pays européens tels l'Allemagne, l'Espagne et les Pays-Bas investissent déjà de manière significative dans la recherche et le développement, préparant le moment où ce type de viande trouverait son chemin vers le consommateur. D’ailleurs, au cours des dix dernières années, plus de 150 start-ups ont vu le jour dans le monde, investissant environ 2,8 milliards de dollars dans la recherche et le développement de ce type de produit.
Corina Cristea, 16.08.2024, 08:49
L’idée de produire de la viande cultivée en laboratoire n’est pas récente. En effet, c’est en 2001 que la NASA commence les premières expériences pour confectionner de la viande cultivée, en produisant le premier échantillon comestible : un filet de poisson, fabriqué à partir de cellules de poisson rouge. Contestée par beaucoup au départ, après des années de recherche et de tests la viande de culture fait lentement son chemin vers la commercialisation. Le premier burger de bœuf artificiel, apparu en 2013, est issu des recherches d’une équipe de l’Université de Maastricht aux Pays-Bas. Préparé et dégusté à Londres, le burger pesait 142 grammes, mais le processus de sa création avait coûté pas moins de 250 mille euros. Les États-Unis et le Singapour sont depuis devenus les premiers pays à autoriser la mise sur le marché de la viande cultivée, alors que le premier restaurant à proposer ce type de viande à sa clientèle a ouvert ses portes en 2020 à Tel Aviv, en Israël. Certains pays européens tels l’Allemagne, l’Espagne et les Pays-Bas investissent déjà de manière significative dans la recherche et le développement, préparant le moment où ce type de viande trouverait son chemin vers le consommateur. D’ailleurs, au cours des dix dernières années, plus de 150 start-ups ont vu le jour dans le monde, investissant environ 2,8 milliards de dollars dans la recherche et le développement de ce type de produit. De son côté, l’UE a investi 25 millions d’euros dans le financement de la recherche sur les protéines durables, dont ce type de viande s’y revendique. Invité sur les ondes de Radio Roumanie, le professeur Petru Alexe de la Faculté des Sciences et d’Ingénierie Alimentaire de l’Université du « Bas Danube » de Galați explique comment ce qui semblait il y a dix ans une idée inspirée des romans de science-fiction devient de plus en une alternative viable pour couvrir les besoins alimentaires accrus d’une population mondiale en expansion :
« Initialement, l’on parlait de viande artificielle. Puis, vu qu’il s’agisse d’une viande produite à partir de cellules souches récoltées sur des animaux vivants, avant d’être transférées et multipliées dans un bioréacteur, vu que l’on parle donc d’une source vivante, d’origine animale, l’on a conclu que le terme artificiel ne convenait pas. Par ailleurs, pour l’instant il s’agit de multiplier notamment les tissus musculaires. L’animal n’est pas reconstruit en entier, seules les cellules musculaires sont multipliées de manière à obtenir cette masse cultivée de tissu, qui peut être consommée sans problème, ainsi que le démontrent les autorisations obtenues pour la consommation de ce type de viande jusqu’à présent. »
Des techniques de recherche sophistiquées
En effet, c’est dans le bioréacteur que les cellules souches sont immergées dans un liquide contenant des sels, des vitamines, des sucres et des protéines, ainsi que des facteurs de croissance. L’environnement riche en oxygène et maintenu à température contrôlée permet aux cellules de se multiplier à un rythme rapide. Les cellules souches se différencient ensuite en fibres musculaires, qui fusionnent, et la viande arrive au terme de sa culture en quelques semaines. Petru Alexe :
« Il peut s’agir de n’importe quel type de viande. Il peut s’agir de poisson, de poulet, de porc et de bœuf. C’est juste un problème de multiplication. Il ne fait aucun doute que le goût de la viande est, en général, directement lié au régime alimentaire. Il s’agit donc de l’influence des nutriments que nous mettons dans le bioréacteur. Car, si l’on fait une analogie, finalement l’animal fait office de bioréacteur, à cette seule exception près qu’il s’alimente tout seul même si on peut l’aider de temps en temps. Le fait est que tout ce que nous apportons dans ce bioréacteur, nous le retrouverons dans la viande. Pour l’instant, nous ne disposons pas d’assortiments très variés, mais les choses sont vouées, comme dans toute recherche, d’aller de l’avant. »
L’humanité a consommé 364 millions de tonnes de viande l’année dernière, et selon les projections, la demande mondiale de viande augmentera d’au moins 50 % d’ici 2050. Par ailleurs, alors que l’agriculture traditionnelle est mise sous pression en raison de ses effets environnementaux, la viande cultivée pourrait devenir une alternative préférable, selon ses partisans. L’impact environnemental s’avère bien moins dommageable que celui provoqué par la viande produite de manière conventionnelle, dans les élevages, nécessitant 90 % de terres en moins, produisant 94 % moins de pollution atmosphérique et s’avérer de la sorte capable de diminuer les rejets des gaz à effet de serre de 92 %. De plus, contrairement à la viande issue d’un élevage intensif, la viande cultivée ne nécessite pas d’antibiotiques pour contrôler les maladies causées par des bactéries telles que la Salmonelle ou l’E. coli. Ainsi, le phénomène alarmant du transfert d’antibiotiques dans le corps humain via la consommation de viande et le développement de la résistance aux antibiotiques qui s’ensuit, phénomène considéré par l’OMS comme une menace mondiale pour la santé publique, disparaîtrait dans le cas de la consommation de ce type de viande. D’autre part, sous prétexte de protéger les traditions culinaires, l’Italie est le seul pays au monde à avoir interdit, en novembre 2023, la production et la commercialisation de viande de culture. Une loi critiquée vertement par la communauté scientifique et les organisations environnementales. Mais par ailleurs, si l’UE venait d’autoriser la vente de produits carnés cultivés, l’Italie (tout comme la Roumanie d’ailleurs qui semble emboîter le pas à l’Italie, si l’interdiction déjà approuvée par le Sénat allait être adoptée par la Chambre des députés) ne serait pas en mesure d’arrêter les importations en provenance d’autres États membres de l’UE. (Trad Ionut Jugureanu)