La stratégie de relance du tourisme
Si, en temps normal, le tourisme assure 10% des emplois de par le monde, et près de 12% dans la seule UE, aujourd’hui ce secteur de l’économie a besoin d’une réponse internationale bien coordonnée pour pouvoir être remis à flot. Et la réponse devrait s’élever à pas moins de 375 milliards d’euros. Car l’industrie du tourisme a été fortement touchée dernièrement suite aux restrictions imposées aux voyageurs, et à cause des mesures de confinement et de distanciation sociale, en vigueur au plus fort de la pandémie provoquée par le nouveau coronavirus. Cette situation inédite a atteint, sans distinction, aussi bien les petits entrepreneurs locaux que les grandes chaînes hôtelières et les grands opérateurs internationaux.
Corina Cristea, 05.06.2020, 13:14
Une baisse de 80% du chiffre d’affaires serait, paraît-il, enregistrée pour cette année par l’industrie du tourisme par rapport aux chiffres de l’année précédente, selon le World Travel and Tourism Council, organisation professionnelle internationale, qui a vu le jour en 1990. Comparaison n’est pas raison, mais la crise financière de 2009 n’avait diminué que de 4% le chiffre d’affaires du secteur. Dans ce contexte, l’Europe est particulièrement mal lotie, le tourisme se taillant une part de presque 10% du gâteau du PIB communautaire. Par ailleurs, 267 millions d’Européens, soit 62% de la population totale, se targuent de faire au moins un voyage d’agrément par an, tandis que 78% d’entre eux choisissent une région de l’UE pour ce faire, selon les données publiées par Bruxelles. L’été constitue forcément la saison touristique par excellence, rapportant 150 milliards d’euros au secteur, dépensés par les quelques 360 millions de touristes. Autant d’arguments pour que Bruxelles sorte l’artillerie lourde pour venir en aide au secteur touché de plein fouet par la crise.
La Commission européenne vient, en effet, d’élaborer un paquet de mesures, intitulé « Tourisme et transport », où elle prône une réponse coordonnée en vue de rétablir la liberté de voyager et pour supprimer, graduellement, les restrictions aux frontières internes de l’Union. Mais le paquet établit également le cadre censé soutenir la remise en marche du transport européen, tout en assurant la sécurité des passagers et du personnel. Ainsi, l’introduction d’un système de chèques, prôné par la Commission, pourrait constituer une alternative attractive aux modes de payement classiques. Plus encore, la Commission viendra également en aide au secteur du tourisme rendu exsangue par la crise, en mettant des liquidités à la disposition des PME du domaine, ou encore par le programme SURE, doté d’une enveloppe de 100 milliards d’euros. Car la relance des transports demeure un préalable indispensable à la relance du tourisme. Et si le processus graduel d’ouverture des frontières dépend encore et toujours de l’évolution de la pandémie, les règles déjà mises en place par la Commission européenne donnent un avant-goût de ce que sera la suite, précise Adina Valean, la commissaire roumaine aux Transports, présente sur les ondes de Radio Roumanie. Ecoutons-la :
« Cette question, « Quand vais-je pouvoir voyager à nouveau ?», me revient inlassablement. Mais la réponse à cette question se trouve auprès des autorités compétentes de chaque Etat membre. Ce sont elles qui doivent le décider, en prenant en considération les critères dont elles disposent, et qui sont en lien avec la situation épidémiologique locale. Ce n’est qu’ensuite que l’on pourrait établir la levée des restrictions imposées aux transporteurs, parce que nous nous attendons à ce que la situation ne soit pas la même, au même moment, dans toute l’UE. Et alors, l’ouverture des frontières et la levée des mesures imposées relèvent de la compétence des Etats membres. »
Ce que l’on sait pour l’instant c’est que la reprise du trafic se fera de manière flexible, coordonnée entre les Etats membres, et comprendra plusieurs étapes. Quant au tourisme, l’ouverture de la saison estivale est conditionnée par toute une série de préalables, dont une baisse constante du nombre de nouveaux cas, et le maintien de ces chiffres en-deçà d’un certain seuil. Par ailleurs, les Etats membres devront bien évidemment assurer aux touristes un accès libre à leur système public de santé, le cas échéant.
Le tourisme roumain, quant à lui, fait grise mine, enregistrant une perte sèche de 6 millions de nuitées, ce qui correspond à une baisse de 250 millions d’euros du chiffre d’affaires, selon Călin Ile, président de la Fédération de l’industrie hôtelière de Roumanie. « L’état des lieux n’est pas très réjouissant. Nous sommes tels une locomotive qui, d’un coup, heurte le mur à toute vitesse. La situation est pour le moins dramatique », opine-t-il, ajoutant que l’impact global de la chute du tourisme en Roumanie dépassera cette année 5% du PIB national. 90% des hôtels de Roumanie ont dû fermer leurs portes durant la pandémie, alors que 150.000 des 180.000 employés, que comptait l’industrie hôtelière de Roumanie, ont été mis au chômage technique. Même son de cloche chez Răzvan Pascu, fondateur d’une société active dans le secteur, qui, pourtant, pense déceler certaines opportunités :
« Il est certain que le comportement, les habitudes des touristes vont changer. Ils seront probablement moins enclins à franchir la porte de grands hôtels, qui offrent des séjours tout compris, très à la mode dans les offres en provenance de Turquie, par exemple, où l’on se retrouve mille personnes au petit déjeuner. Alors, les gens vont choisir des alternatives. Et je pense que dans la période qui suit les voyages en voiture reviendront à la mode, puis aussi les randonnées en nature, enfin, le comportement des consommateurs va changer. Et cela pourrait s’avérer une opportunité pour promouvoir la Roumanie comme une destination alternative, différente, qui dispose d’une large palette d’offres, évitant ainsi de concentrer un grand nombre de gens dans un même endroit. Et je penche pour que le tourisme roumain mise sur cette stratégie, du moins pour les deux, trois années à venir. »
Ce qui est sûr, c’est que les résultats des études récentes semblent donner raison à Răzvan Pascu. La plupart des personnes interrogées semblent, en effet, abandonner leurs projets de vacances à l’étranger pour privilégier le tourisme de proximité.
(Trad. Ionuţ Jugureanu)