La situation de la presse roumaine au delà des frontières nationales
« Dans les pays non membres de l’UE où vivent d’importantes communautés roumaines, les pouvoirs publics n’ont pas encore mis en place de mécanismes de soutien de la presse écrite en langue minoritaire qui soient fondés sur des critères stricts et objectifs applicables à tous les médias. Le processus de financement des médias continue à tolérer des mécanismes discriminatoires qui encouragent seulement ces publications partisanes d’une politique éditoriale pro-gouvernementale ».
Corina Cristea, 11.10.2013, 13:17
Ce sont là quelques idées stipulées dans un rapport sur la situation de la presse de la diaspora roumaine — un document élaboré par le Forum International des Journalistes Roumains qui met en évidence la situation précaire de la presse d’expression roumaine dans les pays voisins de la Roumanie. Le document vient d’être présenté à Bruxelles à l’occasion d’un débat sur «La Conservation de la culture roumaine en dehors des frontières nationales», organisé par l’eurodéputée Norica Nicolai. Celle-ci s’est dit prête à conditionner l’ouverture par la Serbie du chapitre Culture dans ses négociations d’adhésion à l’UE par une amélioration réelle de la situation de la minorité roumaine vivant dans ce pays. « A parler de l’adhésion serbe, je voudrais dire que j’ai un gros souci, car à mon avis, il faudrait en profiter pour faire davantage pour la communauté roumaine de la région. A force d’appuyer inconditionnellement Belgrade à ouvrir des chapitres de négociations, la communauté roumaine de la région subira le même traitement discriminatoire de la part de l’Etat serbe. A l’heure où l’on parle, la Serbie s’apprête à ouvrir le 23e chapitre de négociations, à savoir la Culture, et donc je voudrais mettre la pression sur mes collègues pour conditionner l’ouverture des négociations par un engagement réel de la part de Belgrade de mettre en place les obligations assumées ».
La prise de position survient dans le contexte où Belgrade a violé son engagement d’introduire à partir du 1er septembre l’étude de la langue roumaine dans les écoles de la Vallée du Timoc. La décision survient à un sondage manipulateur qui a semé la confusion quant au souhait des élèves roumains d’apprendre en leur langue maternelle, lance Norica Nicolai: « La réponse fournie par les autorités serbes fut partielle et un peu gênante. Dans un sondage manipulateur, les responsables de Belgrade ont introduit une soi-disant langue valaque” et ont distribué le document au sein des communautés sans population roumaine majoritaire. Du coup, elles ont bloqué l’accès des enfants roumains de la Vallée du Timoc à l’étude du roumain. Ce n’est pas juste du tout, c’est un acte manipulateur et malhonnête de la part du gouvernement serbe ».
Tandis que la communauté roumaine de Voïvodine bénéficie de médias en roumain, celle de la Vallée du Timoc, dans le nord-est de la Serbie, se voit priver de toute publication écrite, tandis que les émissions télévisées en roumain se font très rares. Révoltés, les Roumains de cette région appellent les autorités serbes à leur accorder le même statut dont bénéficient les autres minorités nationales de la Voïvodine. Même situation dans la région séparatiste russophone de Transnistrie, complètement dépourvue de médias roumains et où la communication écrite se fait en caractères cyrilliques. Polina Cupcea du Journal National de Chisinau affirme: «En Transnistrie, la presse roumaine n’existe pas. Il arrive bien souvent que les journalistes roumains se voient interdire l’accès au poste frontière de Bender-Tiraspol. Les journalistes de presse écrite doivent souvent cacher leur équipement technique, tandis que leurs confrères de la télévision ont davantage de problèmes puisque leur équipement est beaucoup plus grand et donc ils doivent le transporter en barque. Cela leur met souvent du plomb dans l’aile et du coup, ils ne sont plus désireux de faire des reportages en Transnistrie ».
Les émissions en roumain représentent un gros problème pour les Roumains de la région de Cernauti et d’Ukraine en général. Quelques minutes d’émission par jour, à des heures auxquelles les gens sont au travail, ainsi que la réception uniquement des postes roumains de télévision bénéficiant d’investissements importants — autant d’éléments qui font que la communauté roumaine de la région soit coupée des réalités du pays d’origine.
Pour ce qui est de la situation en Hongrie, des missions internationales regroupant plusieurs institutions de médias dont celles appartenant aux minorités nationales ont à maintes reprises attiré l’attention sur la nouvelle loi de la presse qui porte gravement atteinte à la liberté de la presse. En Bulgarie, affirment encore les auteurs du rapport, les émissions radiophoniques ou télévisées destinées aux communautés roumaines font défaut. En soulignant l’importance de l’emploi de la langue nationale par les citoyens dans l’administration, l’enseignement ou l’information à travers les médias, Norica Nicolai a plaidé pour un soutien réel de la part des autorités roumaines, par la création d’une stratégie à moyen et à long terme visant la promotion de la culture et de l’identité roumaines…(Trad. : Ioana Stancescu, Alexandra Pop)