La ruée des Roumains vers l’Occident
On parle donc de 4, voire de 5 millions de Roumains établis dernièrement dans des pays comme l’Italie et l’Espagne. Ces derniers comptent à eux seuls plus de deux millions de résidents d’origine roumaine. Plus bas dans la liste des pays choisis par les émigrés roumains, on trouve l’Allemagne, avec 600 mille résidents d’origine roumaine, puis la Grande-Bretagne. Le premier pays non-européen arrive en cinquième position, il s’agit des Etats-Unis. Ce phénomène de la migration prend de l’ampleur en 2007, l’année de l’adhésion de la Roumanie à l’UE.
Corina Cristea, 23.11.2018, 13:51
On parle donc de 4, voire de 5 millions de Roumains établis dernièrement dans des pays comme l’Italie et l’Espagne. Ces derniers comptent à eux seuls plus de deux millions de résidents d’origine roumaine. Plus bas dans la liste des pays choisis par les émigrés roumains, on trouve l’Allemagne, avec 600 mille résidents d’origine roumaine, puis la Grande-Bretagne. Le premier pays non-européen arrive en cinquième position, il s’agit des Etats-Unis. Ce phénomène de la migration prend de l’ampleur en 2007, l’année de l’adhésion de la Roumanie à l’UE.
Mais quelles en sont les causes ? Corina Neagu, consultante en ressources humaines, tente de répondre à cette question : « Avant, ce qui motivait et poussait les gens à partir chercher leur bonheur ailleurs, c’était surtout la différence de niveau salarial. Maintenant, il s’agit plutôt de l’instabilité économique, politique ou sociale, à cause du mauvais fonctionnement des systèmes publics roumains. Il faudrait mieux étudier ce problème, ce qui pousse les gens à émigrer, et ce qu’on pourrait entreprendre pour changer cet état de choses. Car il ne s’agit pas d’une anecdote, mais d’un mouvement de fond qui s’accélère de plus en plus. Il y a de plus en plus de gens qui partent, et de plus en plus jeunes, parce qu’ils ne voient pas de perspectives d’avenir ici. Le marché roumain n’est absolument pas préparé à cette situation ».
Corina Neagu explique que beaucoup de ces jeunes émigrés connaissent bien le contexte international. Ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas trouver un poste adapté à leurs exigences professionnelles sur le marché roumain. Cette situation est encore plus flagrante pendant les foires de l’emploi. Les professionnels qui postulent aux postes proposés ne sont souvent pas recontactés, parce que les employeurs les soupçonnent d’être trop exigeants concernant les conditions d’embauche, et qu’ils ne pourront pas satisfaire à leurs attentes. Le déficit de main d’œuvre avoisinerait actuellement le million de personnes. Et l’espoir d’un renversement de situation est plutôt mince.
Même si la croissance est au rendez-vous, que les salaires augmente, ainsi que l’offre d’emplois, il n’en reste pas moins que la moitié des jeunes projettent de quitter le pays dans les années à venir. Plus précisément, ce sont 47% des jeunes Roumains qui envisagent de partir, explique Dumitru Sandu, sociologue et professeur d’universités : «L’émigration comme phénomène n’est pas nécessairement un problème en soi. Mais cela risque de s’aggraver. Que faut-il faire ? Tout d’abord, suivre de près et analyser le phénomène, par exemple à travers des sondages d’opinions auprès de ceux qui s’établissent à l’étranger. Les derniers sondages de ce type, réalisés en Italie et en Espagne, datent de 2007, 2008. Or, l’émigration change rapidement, aussi bien en intensité, du point de vue de l’aire géographique de distribution, de la structure d’âge ou encore en fonction des causes. Il s’agit donc d’un phénomène protéiforme. »
L’émigration de la jeunesse fragilise et vulnérabilise le développement économique de la Roumanie, assure le sociologue Dumitru Sandu. Bien sûr, cette émigration a des retombées positives. Les Roumains établis à l’étranger ont ainsi envoyé au pays plus de 55 milliards d’euros depuis l’adhésion de la Roumanie à l’UE. Mais les conséquences négatives aussi sont importantes. Des effets générés sur le marché de l’emploi jusqu’aux enfants laissés au pays par leurs parents partis travailler à l’étranger.
Les solutions à ce problème relèvent pour certaines du mythe ou de l’illusion, estime Dumitru Sandu : « Il existe ce mythe, je ne sais pas de quelle manière est-il arrivé à s’imposer : Les gens partent, et alors ? Et on pense qu’on pourra combler le déficit de la main d’œuvre en faisant venir de la main d’œuvre de l’étranger. Qu’on pourra faire venir des médecins, des constructeurs en bâtiment. Parce que d’autres pays ont fait de même. C’est un mythe, un leurre. Et croire en ce genre de sottises nous porte préjudice. La Roumanie est en crise, et la crise ne fait qu’empirer. C’est évident qu’il va falloir importer de la main d’œuvre. Dans certains secteurs de l’économie, cela fonctionnera, de manière plutôt aisée et rapide. Mais importer de la main d’œuvre étrangère, cela revient plus cher que de faire le nécessaire pour retenir les Roumains qui partent, voire même d’essayer de faire revenir ceux qui sont déjà partis ».
Il faudrait donc que la Roumanie s’organise, et réfléchisse, à long terme, pour devenir une société attrayante, qui offre des avantages à ses citoyens. Il n’existe évidemment pas de solution miracle. Il faut activer tous les leviers -économiques, sociaux, sociétaux- qui permettront de résoudre de façon positive ce phénomène de l’émigration. (Trad. Ionut Jugureanu)