La Roumanie sous le bouclier américain
Le bouclier antimissile de Deveselu, dans le sud de la Roumanie, est devenu opérationnel en mai 2016. Il représente un élément-clé de la composante européenne du système de défense antibalistique américain assurant la sécurité collective des Etats de l’OTAN. Elle comporte: une station radar de détection lointaine en Turquie, quatre navires multimissions basés en Espagne, un centre de commandement à la base aérienne de Rammstein, en Allemagne, ainsi qu’un deuxième intercepteur terrestre qui sera construit en Pologne et qui deviendra opérationnel en 2018. Le bouclier antibalistique de Deveselu, qui a coûté environ 700 millions d’euros, doit répondre aux éventuelles menaces venant notamment du Proche Orient, ainsi qu’aux missiles à courte et moyenne portée récemment testés par l’Iran.
Bogdan Matei, 03.06.2016, 13:39
Le général et analyste militaire Alexandru Grumaz expliquait dans une interview pour la Radio publique roumaine: « A mon avis, c’est l’un des moments les plus importants des 25 années écoulées depuis la révolution anticommuniste de 1989. A l’adhésion de la Roumanie à l’UE et à l’OTAN, essentielle pour l’évolution du pays, vient s’ajouter ce troisième moment, qui nous inscrit sur la carte de la sécurité européenne. La Roumanie figure à présent sur la carte de la sécurité européenne. Et ce n’est pas tout. Pour la première fois, la Roumanie dispose de garanties fermes de sécurité et nous comptons parmi les membres importants de l’OTAN. »
Présent à la cérémonie d’inauguration de la base de Deveselu, le premier ministre Dacian Cioloş soulignait que le bouclier antimissile était une composante importante du Partenariat stratégique entre la Roumanie et les Etats-Unis, dans un contexte sécuritaire marqué de plus en plus souvent par des changements dramatiques, des risques et des menaces. Comme tous les responsables politiques de Bucarest, le chef du gouvernement a assuré que la base de Deveselu ne représentait une menace pour personne.
Dacian Cioloş : « C’est un site exclusivement défensif face à la menace des missiles balistiques. Il renforce la capacité de défense antimissile de l’OTAN et étend la couverture défensive des Etats alliés du sud et du centre de l’Europe, diminuant sensiblement le risque d’éventuelles attaques de missiles balistiques provenant de l’extérieur de la zone euro-atlantique. »
Arrivé en Roumanie pour l’inauguration du bouclier, le secrétaire général de l’Alliance de l’Atlantique Nord, Jens Stoltenberg, a souligné, de son côté cette idée: « Le site de défense antimissile de Deveselu, en Roumanie, tout comme celui de Pologne, n’est pas dirigé contre la Russie. Tant d’un point de vue géographique que physique, il est impossible pour le système otanien d’abattre des missiles balistiques intercontinentaux russes. Les intercepteurs sont trop peu nombreux et ils sont trop au sud ou trop près de la Russie. Ils sont en échange conçus pour répondre aux éventuelles attaques de missiles balistiques provenant de l’extérieur de la zone euro-atlantique. »
Bien que répétées clairement à maintes reprises, ces déclarations n’ont pas rassuré la Russie, qui a durement critiqué le déploiement du bouclier antimissile en Europe et affirmé qu’il représenté une menace à l’adresse de ses intérêts sécuritaires. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par le correspondant de la Radio publique roumaine à Mosocu, a immédiatement averti que la Russie allait y répondre par le renforcement de ses propres capacités militaires. Par la suite, le président russe Vladimir Poutine a lui-même haussé le ton et déclaré que la Russie allait « neutraliser les éventuelles menaces ». Il pense que le site de Deveselu est censé affaiblir la puissance nucléaire de son pays et il a promis d’accroître les fonds alloués à la défense.
Quelques jours plus tard, la Russie et le Bélarus voisin, considéré par les analystes comme le plus obéissant des satellites de Moscou, sont tombés d’accord sur une réponse commune à ce qu’ils ont appelé « le déploiement des systèmes de défense antimissile de l’OTAN à proximité de ses frontières ». Les relations entre l’Occident et la Russie sont déjà glaciales depuis l’annexion, par la Russie, il y a deux ans, de la péninsule ukrainienne de Crimée, suite à un soi-disant référendum sur l’autodétermination qui n’a pas été reconnu au niveau international. La situation a encore empiré après le déclenchement de la rébellion armée pro-moscovite dans les régions majoritairement russophones et russophiles de l’Est de l’Ukraine.
A présent, le secrétaire général de l’OTAN estime que les craintes de la Russie sont dépourvues de fondement. Jens Stoltenberg : « L’OTAN estime qu’il n’y a aucune contradiction entre une défense « vigoureuse », un comportement ferme et prédictible de l’Alliance, et la tentative d’établir un dialogue avec la Russie, la transparence et la réduction des risques, car on constate que la présence militaire accrue le long des frontières de l’OTAN augmente les risques d’accidents et d’incidents. »
La président américain, Barack Obama, a réaffirmé, de son côté, son inquiétude face à l’attitude belliqueuse de la Russie. « Nous poursuivrons le dialogue et tenterons de coopérer avec la Russie, pourtant nous souhaitons également nous assurer que nous sommes bien préparés et puissants, et nous souhaitons encourager la Russie à maintenir ses activités militaires en concordance avec ses obligations internationales – a déclaré le chef de la Maison Blanche lors d’une rencontre avec les premiers ministres des pays scandinaves.
Les spécialistes du droit international soulignent, de leur côté, que le bouclier antimissile respecte entièrement les dispositions de la Charte de l’ONU et celles concernant le contrôle des armements. (Trad. : Dominique)