La Roumanie, futur pôle de sécurité énergétique ?
Par ailleurs, le ministre rappelle le moment actuel, particulièrement propice à la redéfinition des politiques énergétiques aux niveaux européen et mondial, et le rôle de la Roumanie comme partie prenante du processus d’émergence d’une Union de l’Energie. Mais que propose donc Bucarest? Il ambitionne, certes, de devenir, en premier lieu, un centre régional de sécurité énergétique, et non plus un simple marché de l’énergie. En deuxième lieu, Bucarest envisage de s’ériger en carrefour des routes énergétiques qui traversent l’Union européenne. Enfin, il se targue de pouvoir devenir un acteur efficace et compétitif de la production européenne d’énergie et de gaz. Voici les arguments par lesquels le ministre Anton soutient ces ambitions. La Roumanie part d’un mix énergétique très sain, ce qui la distingue de ses partenaires européens. Selon le ministre, « Nous disposons d’un pays riche en ressources naturelles, très diversifiées, ce qui est plutôt rare en Europe. Même avec nos capacités actuelles, de taille réduite faut-il bien le reconnaître, nous pouvons combler la consommation interne, voire exporter de l’énergie dans la région. La Roumanie peut se targuer d’être déjà un acteur qui participe aux efforts d’assurer la sécurité énergétique de l’Union. »
Corina Cristea, 14.09.2018, 14:00
Qui plus est, l’avenir s’annonce excellent, avec le début de l’exploitation des ressources gazières présentes sous le plateau continental de la mer Noire. La Roumanie pourrait devenir ainsi un pays autosuffisant en termes de gaz, et ne plus avoir besoin des importations russes. C’était par ailleurs la conclusion d’une étude réalisée par la société Deloitte, et récemment rendue publique. Aujourd’hui déjà, si on y regarde de plus près, on remarque la 3e place occupée par la Roumanie parmi les Etats membres de l’UE, en termes de rapport entre capacités propres et besoins internes, en matière de gaz naturels.
Sur les 28 Etats membres, la Roumanie fait mieux que 25 de ses partenaires en termes de dépendance énergétique. Il n’y a que l’Estonie et le Danemark qui nous dépassent. Răzvan Nicolescu, ancien ministre de l’Energie, actuellement expert chez Deloitte, explique que l’extraction sous-marine pourrait ajouter, jusqu’en 2040, un total de 170 milliards de mc de gaz à la production actuelle, c’est-à-dire une moyenne de 5 milliards mc par an. Par ailleurs, les investissements appelés à se dérouler dans ce type d’exploitation off shore en mer Noire vont générer des rentrées budgétaires de 26 milliards de dollars, alors que le PIB va augmenter de 40 milliards de dollars jusqu’en 2040, grâce aux mêmes investissements et à la manne gazière.
Ces estimations, plus sages encore et en deçà des prévisions des autorités, sont fondées sur les données techniques disponibles des exploitations similaires existantes dans le Golfe du Mexique, et répliquées dans le contexte roumain. Răzvan Nicolescu : « Pour ce qui est du volume des réserves, les officiels tablent sur 200 milliards de mc. Nous les avons estimées à 170 milliards. La Commission européenne table sur une hausse conséquente du prix du gaz, dans ses études d’impact. Pour notre part, nous comptons sur un accroissement des volumes de production, ce qui va engendrer une temporisation de la hausse des prix, du moins en Roumanie. »
Quoi qu’il en soit, il semble que pour chaque euro investi, il faudrait multiplier par trois la valeur des bénéfices, directs et indirects, dans les secteurs économiques adjacents. Selon Deloitte, on ne peut prendre en compte la seule valeur marchande du gaz, mais bien l’entièreté de la chaîne économique engendrée par l’exploitation de cette ressource naturelle. Sorin Elisei, coordinateur de l’étude, détaille le fond de sa pensée : « On parle d’investissements qui vont s’élever à 22,2 milliards de dollars. Les projets d’investissement comprennent quatre phases. Cela se traduit par un nombre moyen de 30.000 emplois nouvellement créés. Les recettes supplémentaires au budget public vont s’élever à 26 milliards de dollars, et puis, en termes de retombées, on table sur 70 milliards de dollars cumulés, générés de manière indirecte par la production, suite aux investissements. »
Deloitte estime que 65% de ce gaz sera destiné aux besoins internes, alors que les 35% restantes partiront à l’exportation, en consolidant du coup la position de Bucarest sur le marché européen du gaz. La Stratégie énergétique de la Roumanie, document en cours d’élaboration, marque la volonté de Bucarest d’accroître la capacité de production de son secteur énergétique, de construire de nouvelles capacités de production, de transport et de distribution de l’énergie, et puis aussi de moderniser les capacités existantes. Par ailleurs, de par sa situation géographique, la Roumanie occupe une zone privilégiée en matière de routes de transport de l’énergie. C’est pour quoi la Roumanie défend le nouveau projet BRUA, d’une magistrale européenne qui devrait, selon le ministre roumain, non seulement traverser la Roumanie, mais encore en générer du profit.
Cette nouvelle magistrale devrait s’étendre sur 1.318 km, et augmenter le degré de connectivité des pays traversés, en l’occurrence la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche. Le projet est censé permettre le développement d’autres projets majeurs d’infrastructure, tels les centres gaziers d’Europe centrale et les futures installations d’exploitation off shore en mer Noire. Pour conclure, le projet est censé assurer une meilleure intégration du marché européen de l’énergie et accroître la sécurité du transport énergétique sur le Vieux continent.