La Roumanie deviendrait-elle un futur centre des technologies de défense?
L’année dernière a été le témoin d’importantes acquisitions militaires réalisées par la Roumanie, qu’il s’agisse des contrats conclus ou simplement annoncés. C’est un élément qui intervient dans un contexte où le renouvellement des équipements de l’Armée roumaine est devenu une priorité, aussi bien pour accroître ses moyens de défense que pour répondre aux exigences de l’OTAN. Aussi, le ministère roumain de la Défense est en train de lancer des programmes d’acquisition qui touchent l’ensemble des forces armées: des véhicules blindés, des roquettes, des corvettes, de l’armement d’assaut et des hélicoptères.
Tout cela se passe dans le contexte de l’engagement pris par la Roumanie dans le cadre de l’Alliance Atlantique, d’allouer 2% du PIB à la Défense, un engagement qu’elle tient d’ailleurs pour la deuxième année consécutive, pour accroître sa propre sécurité et celle de la région. Plus encore, le gouvernement de Bucarest fait état de son intention de transformer la Roumanie en un nouveau centre régional de technologie et de technique militaires.
Corina Cristea, 17.08.2018, 00:45
L’analyste militaire Radu Tudor évalue la faisabilité de ce projet et pèse les atouts de la Roumanie : « Nous disposons d’un potentiel énorme, sans quoi nous n’aurions pas pu exporter de l’armement à hauteur de 10 milliards de dollars entre 1979 et 1989. Donc, de ce point de vue-là, nous pourrions mettre dans la balance ce potentiel énorme qui s’est néanmoins effrité progressivement, ces 27 dernières années. Evidemment, on peut négocier. Nous sommes un pays accueillant, tolérant, on souhaite construire une économie performante, nous avons une certaine relevance stratégique. Il est donc certain que nous bénéficions d’un bon nombre d’atouts. »
Mais ce qui importe c’est de saisir ces opportunités au bon moment, c’est-à-dire maintenant, souligne Radu Tudor. Le gouvernement voudrait mettre à profit la loi de la compensation, promue il y a 15 ans, mais très peu utilisée depuis. Cela présuppose aussi bien l’acquisition de technologies de défense que le développement en parallèle d’une industrie propre de défense qui puisse participer à la fabrication de ces mêmes technologies.
Le ministre roumain de la Défense, Mihai Fifor, affirmait, d’ailleurs, que « le gouvernement n’envisage pas d’acheter bêtement, mais d’obtenir des transferts de technologie et de redémarrer ainsi l’industrie militaire roumaine ».
Mihai Fifor : « On a besoin de remettre sur les rails cette industrie de défense et c’est parfaitement vrai qu’à l’aide d’investissements soutenus, nous pourrions devenir à terme un hub régional de production d’armement. Un des principaux programmes vise les transporteurs blindés à 8 roues motrices, des transporteurs que l’on pourra produire à l’Usine mécanique de Bucarest. Il y a un intérêt manifeste d’un certain nombre de pays de la région pour la production réalisée dans cette usine, ce qui nous réjouit, bien évidemment ».
La Roumanie pourrait devenir un joueur important tant dans la production que dans l’exportation d’armement moderne dans cette zone, soutient le même ministre roumain de la Défense, Mihai Fifor, qui n’oublie pas de mentionner les autres programmes majeurs de dotation de l’armée. Aussi, il semble que la première corvette multi rôle fabriquée en Roumanie sera lancée à l’eau d’ici trois ans, alors que les trois sous-marins présagés pour doter la Marine militaire roumaine pourraient être également construits sur l’un des chantiers navals roumains.
Radu Tudor a sorti à son tour quelques exemples : « A présent, Aerostar Bacău est probablement la compagnie privée roumaine la plus performante, avec de bonnes chances de devenir un leader régional, grâce notamment à deux commandes du ministère de la Défense nationale reprises dans l’actuel programme de dotation. Il s’agit, en premier lieu, d’un programme d’achat d’avions, les F16. Ensuite, de l’acquisition de missiles de type Patriot. Pour les deux commandes, nos alliés américains considèrent que cette compagnie est la mieux préparée pour réaliser la maintenance et l’entretien, aussi bien des avions que des missiles. Nous pouvons facilement saisir l’importance de tels contrats pour une compagnie roumaine. C’est donc un énorme bond en avant. Ensuite, les transporteurs blindés Piranha pourraient être assemblés ici, à Bucarest même, et, si je comprends bien, c’est ce qui a été prévu dans le contrat. C’est ce qui pourrait faire revivre l’Usine Mécanique de Bucarest qui a vivoté, grâce à de menus contrats pendant les deux dernières décennies; la perspective d’un tel projet pourrait sauver cette usine, voire créer de nouveaux emplois. Le troisième exemple est celui de la ville de Ploiesti, où une entreprise privée participera à un autre programme de dotation avec des missiles. Et il y a beaucoup d’autres exemples. »
Ce qui importe pour la Roumanie, nous confie Radu Tudor, c’est que la plupart de ces contrats d’acquisition d’armement soient assortis de transferts de technologies. Cela représente une énorme chance qui présuppose toutefois une capacité à moderniser l’industrie roumaine de défense. La Roumanie pourrait donc participer directement à la fabrication des produits importés par l’armée, mais il y aurait aussi des compensations indirectes, autrement dit des composantes fabriquées sur place et importées par le pays producteur. De cette manière, Bucarest bénéficierait des rentrées financières qui vont sans doute l’aider à pouvoir rembourser le prix du contrat d’achat initial. (Trad. Ionut Jugureanu)