La République de Moldova, entre l’Est et l’Ouest
Prévues initialement en novembre dernier, les élections législatives de République de Moldova ont été ajournées au 24 février 2019. Pourquoi ? Elles ont été organisées dans un nouveau système électoral – une organisation meilleure, et qui a pris plus de temps. C’est un système électoral mixte, critiqué par la communauté internationale et par l’opposition de Chişinău. Selon le nouveau système, 60 sur les 101 députés ont été élus sur des listes de partis, et 51 dans des circonscriptions uninominales. Les critiques font état d’un système touffu, compliqué et qui laisse de la place à l’ambiguïté.
Corina Cristea, 01.03.2019, 14:14
Prévues initialement en novembre dernier, les élections législatives de République de Moldova ont été ajournées au 24 février 2019. Pourquoi ? Elles ont été organisées dans un nouveau système électoral – une organisation meilleure, et qui a pris plus de temps. C’est un système électoral mixte, critiqué par la communauté internationale et par l’opposition de Chişinău. Selon le nouveau système, 60 sur les 101 députés ont été élus sur des listes de partis, et 51 dans des circonscriptions uninominales. Les critiques font état d’un système touffu, compliqué et qui laisse de la place à l’ambiguïté.
Trois formations avec des orientations politiques différentes ont été en lice pour ces élections. Il s’agit du Parti des socialistes, de gauche, également soutenu par le président philo-russe Igor Dodon, le Bloc électoral ACUM, constitué de deux partis de centre-droit, pro-européens, d’opposition – le Parti Action et Solidarité, dirigé par Maia Sandu, et la Plate-forme Démocratie et Vérité, dirigée par Andrei Năstase -, et le Parti Démocrate, actuellement au pouvoir. Ce dernier se déclare pro-occidental, mais par beaucoup de ses actions considérées antidémocratiques, il a engendré un refroidissement des relations avec Bruxelles. Vladimir Plahotniuc, le leader de ce parti, s’est récemment déclaré l’adepte de la quatrième voie – ni Est, ni Ouest, ni une union avec la Roumanie, mais une voie pro-Moldova, a-t-il expliqué à Radio Roumanie.
Dan Dungaciu, directeur de l’Institut de sciences politiques et de relations internationales de l’Académie roumaine, a parlé des possibles alliances après les élections et des enjeux de ce scrutin :« Il y a toujours un enjeu en République de Moldova et c’est à peu près le même depuis qu’elle a proclamé son indépendance. En République de Moldova, les élections ne sont pas politiques, elles sont géopolitiques, les partis ne sont pas politiques, mais géopolitiques.Il y a cette tension à chaque fois, cette pression, cette indécision de la République de Moldova d’aller fermement et de manière substantielle, donc pas seulement pour la durée d’un cycle électoral, vers l’Ouest ou vers l’Est.
Parce que ce balancement qui a eu lieu à chaque fois, parfois même sous la même figure présidentielle – c’est dire que des personnages politiques importants en République de Moldova ont remporté un mandat politique électoral avec une offre pro-occidentale, et le second, avec une offre tournée vers l’Est – de ce point de vue, nous sommes dans la même ambiguïté. Bien sûr qu’à chaque fois, les dernières élections semblent plus importantes que toutes les autres. »Au-delà des disputes, il y a les chiffres. Comme l’indiquaient les sondages sur les intentions de vote, les socialistes philo-russes du président Igor Dodon sont gagnants. Ils se sont adjugé 35 sur les 101 mandats de député.
Le Parti Démocrate, de centre-gauche, qui se déclare pro-occidental, de l’oligarque controversé Vladimir Plahotniuc aura 30 députés, tandis que le Bloc ACUM de la droite pro-européenne, 26. 7 mandats sont attribués au parti populiste dirigé par le maire russophone de la ville d’Orhei (centre), Ilan Şor, un personnage condamné en première instance à 7 années et demie de prison pour la fraude d’un milliard de dollars du système bancaire du pays. Trois candidats indépendants deviennent députés. L’ancien parti unique communiste de l’époque soviétique et, en première, les formations censées assumer explicitement l’idéal de la réunification avec la Roumanie ne seront plus au parlement. Le président Dodon a averti qu’il demanderait des élections anticipées si, après ce scrutin dépourvu d’un gagnant haut la main, les partis n’arrivent pas à former une coalition gouvernementale. Vladimir Plahotniuc, considéré unanimement l’homme fort de la politique de Chişinău, a déclaré sa disponibilité à négocier avec quiconque et de faire abstraction des différences de doctrine.
Les analystes pensent qu’il aura de nouveau l’habileté de se créer une majorité, ne serait-ce qu’en ralliant autour de son parti des députés prêts à changer de bord à tout moment.Que doit faire la Roumanie dans ce contexte, que doit-elle viser ? Dan Dungaciu explique et on cite:« La Roumanie est présidente du Conseil de l’Union européenne dans une situation compliquée – malheureusement, la République de Moldova a réussi la « performance » d’être peut-être encore plus mal vue à Bruxelles qu’elle n’était même du temps de Vladimir Voronine. En ce moment, les officiels de la République de Moldova ne sont plus reçus à Bruxelles, même pas aux Etats Unis, comme ils s’en vantent à Chişinău.
L’image du pays n’a jamais été aussi mauvaise. Sous cet angle, la Roumanie a une complication supplémentaire. C’est parce que suite à certaines décisions politiques pas très inspirées, selon nous, à l’époque, a soutenu la République de Moldova même lorsque Bruxelles donnait des signaux très durs de sanctionner la Moldova, y compris lorsqu’ils ont coupé les financements. Les financements sont bloqués pour ce pays, en attendant le test des législatives. La Roumanie assume de mettre à l’agenda le thème du Partenariat oriental, or le niveau de saturation à ce sujet est énorme à Bruxelles. Donc si, du haut de son siège de présidente du Conseil de l’UE, la Roumanie essaie d’inscrire ce thème du Partenariat oriental et ne s’assure pas que ce qui se passe en République de Moldova est pour le moins décent, il est sûr que la Roumanie risque de jouer sa destinée même, et sa crédibilité par rapport aux partenaires de l’UE », a estimé Dan Dungaciu, directeur de l’Institut de sciences politiques et de relations internationales de l’Académie roumaine. (Trad. : Ligia Mihaiescu)