La République de Moldova, cap sur l’Ouest
Diplômée de Harvard et pro-européenne convaincue, anciennement économiste au sein de la Banque mondiale et égérie de la lutte anticorruption dans la petite république roumanophone située à la frontière orientale de la Roumanie, Maia Sandu a également présidé, pour une brève période, l’Exécutif de Chișinău, l’année précédente. Son mandat allait pourtant faire long feu au moment où elle a avancé son paquet de lois anti-corruption devant le parlement. Débarqué suite à une motion de censure, son cabinet devenait vite histoire. C’était sans compter avec son retour en force lors des récentes élections présidentielles, lorsque Maia Sandu a remporté le scrutin devant le russophile Igor Dodon, devenant ainsi la première femme élue à la magistrature suprême de la Répulique de Moldova.
Bogdan Matei, 11.12.2020, 13:21
Diplômée de Harvard et pro-européenne convaincue, anciennement économiste au sein de la Banque mondiale et égérie de la lutte anticorruption dans la petite république roumanophone située à la frontière orientale de la Roumanie, Maia Sandu a également présidé, pour une brève période, l’Exécutif de Chișinău, l’année précédente. Son mandat allait pourtant faire long feu au moment où elle a avancé son paquet de lois anti-corruption devant le parlement. Débarqué suite à une motion de censure, son cabinet devenait vite histoire. C’était sans compter avec son retour en force lors des récentes élections présidentielles, lorsque Maia Sandu a remporté le scrutin devant le russophile Igor Dodon, devenant ainsi la première femme élue à la magistrature suprême de la Répulique de Moldova.
Invité au micro de Radio Roumanie, Ovidiu Nahoi, rédacteur en chef de RFI Roumanie, passe en revue la signification du moment : « Il s’agit sans l’ombre d’un doute d’un résultat remarquable pour Maia Sandu, un succès pour lequel la contribution de la diaspora moldave a été décisive. Sandu a remporté le scrutin également en interne, ce qui est encore plus remarquable, d’autant que ce dernier s’est déroulé suite à une campagne de désinformation d’une intensité sans précédent, dirigée par l’équipe du président sortant, Igor Dodon. Maia Sandu avait subi un vrai déluge de mensonges. On prétendait que l’on risquait la guerre civile, qu’elle interdirait l’emploi de la langue russe, qu’elle avait conclu un accord secret avec Angela Merkel pour que la petite république moldave accueille des réfugiés extra-européens, ou encore qu’elle allait promouvoir le mariage gay, enfin toutes sortes de choses censées frapper l’imaginaire de l’électorat conservateur. Il y a eu ensuite la campagne menée à son encontre par l’Eglise, car la métropolie de Moldova est subordonnée au patriarcat de Moscou, qui soutient depuis toujours les candidats russophiles, conservateurs et antioccidentaux. C’est ce qui s’est passé cette fois encore. Ensuite, il y a eu les voix en provenance de la région de Transnistrie, des gens ramenés par toutes sortes de moyens de transport depuis leur région jusqu’en République de Moldova, pour qu’ils puissent voter. Une activité à la limite, sinon à l’encontre de la loi. Ils avaient donc essayé, par tous les moyens, de retourner la situation. C’est ce qu’ils avaient réussi lors des élections précédentes, de 2016. Pourtant, cette fois-ci, ils ont échoué. Parce qu’il y a eu un véritable ras-de-marré en faveur de Maia Sandu, en provenance aussi bien de l’intérieur du pays que de la diaspora. Et c’est l’élément le plus remarquable. Parce que les gens voient que c’est à l’Ouest que se trouve leur bouée de sauvetage, que c’est de là que viendra l’aide nécessaire pour que le pays arrive à se débarrasser de la corruption endémique, de la pauvreté, de la paralysie qui la gangrène, des abus en toutes sortes. L’électorat moldave a compris que l’alternative ne se trouvait certainement pas à l’Est.
Même si la présidente élue ne sera investie que la veille de Noël, le 24 décembre, elle a déjà annoncé le programme de son mandat. Maia Sandu met en avant la crise que le pays traverse dans tous les domaines, pour identifier les trois directions phares, censées la résoudre. D’abord, une politique extérieure positive et bénéfique qui puisse briser l’isolement dans lequel le pays se morfond, un projet de budget pour 2021, à même d’assurer la relance ensuite, enfin des actions fermes dans la lutte contre la corruption. Dans son discours à la nation, Maia Sandu a dénoncé le vol des deniers publics, et s’est prononcée pour la refonte de la classe politique, annonçant des consultations avec l’ensemble des partis politiques afin d’identifier les meilleures solutions pour la sortie de crise. Elle a également fait appel à la solidarité de tous à cette fin.
Maia Sandu : « Je ferais de mon mieux pour que la République de Moldova puisse nouer des bonnes relations, des relations pragmatiques, fondées sur le respect réciproque, aussi bien avec l’Ouest qu’avec l’Est. Sur le plan international, j’essayerai d’obtenir l’aide nécessaire pour dépasser l’actuelle crise sanitaire, mais aussi la crise économique. Je souhaite que l’on puisse surmonter nos divergences et raffermir notre unité, unir la nation autour des mêmes objectifs, dans notre politique intérieure et extérieure. Que l’on puisse bâtir une politique étrangère digne, censée apporter des bénéfices à tout un chacun. Rapprocher la République de Moldova des valeurs européennes, en promouvant l’effort et les réformes nécessaires ici, chez nous ».
Ion Tăbârţă, politologue et spécialiste de la République de Moldova, craint pourtant une période trouble, à cause notamment de la dispute qui couve entre la nouvelle présidente et le parlement. « Il s’agit de la première victoire d’un candidat de la droite. Parce que, chez nous, la composition de l’électorat a fait que la gauche a dominé les scrutins jusqu’à maintenant, qu’il s’agisse des élections législatives ou présidentielles. Même les coalitions pro-européennes devaient forcément comprendre en leur sein au moins un parti de gauche, de centre-gauche. Pour ce qui est des raisons de la défaite de l’ancien président, Igor Dodon, il faudrait regarder de près la manière dont il avait géré la pandémie et le pays pendant tout ce temps. Il faut dire qu’en République de Moldova il s’est agi d’une gestion politique plutôt que d’une gestion médicale de cette crise . A un certain moment, les autorités ont carrément laissé les choses partir en vrille. La pandémie qui a échappé à tout contrôle, a forcément eu des effets aux niveaux social et économique. Qui plus est, l’agriculture moldave a été frappée de plein fouet par la sécheresse de l’été passé et le gouvernement ne s’est pas avéré capable de donner une réponse adéquate aux problèmes auxquels les gens se heurtent au quotidien. Sur Maia Sandu l’on fonde l’espoir qu’elle soit capable de mieux gérer les effets de la crise. Mais notre république demeure toujours une république parlementaire, et où les pouvoirs du président sont limités. Igor Dodon avait, lui, bénéficié pratiquement d’un gouvernement personnel. Il avait aussi coopté en cours de route le Parti démocrate, lorsqu’il a eu besoin de son soutien. Un parti qui a par la suite quitté la coalition de gouvernement, et qui se trouve en pleine dégringolade. Maia Sandu se trouve dès lors devant une situation bien plus difficile. D’une part, elle n’a pas le contrôle du gouvernement, d’autre part les attentes à son endroit sont assez grandes. Maia Sandu a d’ailleurs exprimé son souhait de voir se tenir des élections anticipées, mettant en doute la légitimité du parlement dans sa composition actuelle. Mais il y a fort à parier que le parlement n’y donne pas suite, ne fût-ce que par instinct de conservation.Ceci étant, la poursuite du soutien populaire sera essentielle à Maia Sandu ».
Pendant sa campagne, Maia Sandu avait promis l’arrivée prochaine des fonds européens, en cas de victoire. Ces fonds, gelés depuis un bon bout de temps, constitueraient une indispensable bouffée d’oxygène pour la République de Moldova, précise encore le politologue Ion Tăbârță.
(Trad. Ionut Jugureanu)