La République de Moldova, après Vilnius
Depuis la fin du sommet de novembre, de Vilnius, consacré au Partenariat oriental de l’UE, les analystes politiques tentent de tirer les conclusions pour établir le score final entre Bruxelles et Moscou. A qui la victoire ? Serait-elle à la Russie, vu le refus de l’Ukraine, la plus grande des anciennes républiques soviétiques, de signer les accords d’association et de libre échange ? Ou bien à l’Europe, compte tenu des accords paraphés par deux autres ex républiques soviétiques, la Géorgie et la République de Moldova ? Ou bien, s’agirait-il tout simplement d’un match égal ?
Bogdan Matei, 13.12.2013, 14:17
Depuis la fin du sommet de novembre, de Vilnius, consacré au Partenariat oriental de l’UE, les analystes politiques tentent de tirer les conclusions pour établir le score final entre Bruxelles et Moscou. A qui la victoire ? Serait-elle à la Russie, vu le refus de l’Ukraine, la plus grande des anciennes républiques soviétiques, de signer les accords d’association et de libre échange ? Ou bien à l’Europe, compte tenu des accords paraphés par deux autres ex républiques soviétiques, la Géorgie et la République de Moldova ? Ou bien, s’agirait-il tout simplement d’un match égal ?
Selon le Centre roumain pour la prévention des conflits, la réponse en est en rapport direct avec l’endroit où se trouvent les observateurs. Bien que Bucarest ait fait de la République de Moldova la championne du Partenariat oriental, à Bruxelles l’Ukraine a compté en tout premier lieu, ce qui fait que la décision prise par Kiev risque de provoquer des réactions négatives à l’égard de Chisinau et de Tbilissi. Par contre, de l’avis de l’analyste américain d’origine roumaine Vladimir Socor, Chisinau ne risque pas grand chose suite au refus de Kiev de signer les accords européens. L’avenir de la République de Moldova que seule la Roumanie sépare des frontières européennes ne dépend pas des décisions adoptées par l’Ukraine, a déclaré Socor pour Radio Roumanie.
Bucarest peut donc se féliciter d’avoir été et d’être resté le principal avocat des aspirations européennes de sa voisine moldave. Du coup, on arrive à s’interroger : qu’est ce que Bucarest a obtenu lors du sommet de Vilnius ? L’analyste de politique étrangère Christian Mititelu, ancien chef de la section roumaine de la BBC de Londres affirme: « Un voisin qui représentera, espérons-le bien, une zone économiquement développée, stable et dirigée selon des normes européennes par delà la rivière Prut également. La République de Moldova doit faire un effort sérieux dans le courrant de l’année prochaine afin d’arriver aussi à signer cet accord. Or, un tel succès serait un gain important pour la Roumanie du point de vue de la stratégie et de la stabilité du pays ».
Au moment où la Cour Constitutionnelle de Chisinau a décidé juste après le sommet que le roumain est la langue officielle du pays, en détrônant de ses droits ladite langue moldave, le chef de l’Etat roumain n’a pas caché son enthousiasme. « A présent, la République de Moldova pourra adopter tout l’acquis communautaire et toute la législation européenne déjà traduits en roumain », a déclaré Traian Basescu.
A son tour, le président du Sénat, Crin Antonescu, a affirmé que la Roumanie serait le premier Etat communautaire à lever les restrictions de visas pour les citoyens moldaves dès l’acceptation par Bruxelles. Pour l’instant, Chisinau ne peut pas tourner complètement le dos à la Russie, affirment même les leaders pro-occidentaux moldaves. L’explication est simple: la République de Moldova dépend des ressources énergétiques russes et des marchés de la Communauté des Etats Indépendants ex soviétiques.
L’ambassadeur de Chisinau à Bucarest, Iurie Renita, affirme pourtant que l’appartenance à la CEI ne bloque pas le rapprochement de son pays de Bruxelles. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, vient de le contredire, en déclarant que de son point de vue, la République de Moldova ne peut pas appartenir simultanément à deux espaces différents. Par ailleurs, aux dires de l’analyste Christian Mititelu, les jeux politiques ne sont pas encore faits et la Russie pourrait toujours bloquer l’avancée vers l’ouest de Chisinau. « La République de Moldova dépend à 100% des ressources énergétiques russes. Ce ne sera qu’après la mise en service du gazoduc qui la rattache à la Roumanie qu’elle verra enfin les choses s’améliorer. La Russie, dès qu’elle souhaite exercer des pressions, le fait, sans plus tenir compte des règles du commerce international ».
Pourtant, Vladimir Socol note noir sur blanc que Moscou ne dispose plus de moyens significatifs pour exercer menace et chantage sur le gouvernement ou la population moldave. De l’avis de Socol, il existe à Chisinau une agitation excessive quant aux intentions des Russes. Bien qu’elles risquent d’être des plus mauvaises, affirme Socol, Moscou ne dispose plus d’instruments nécessaires pour leur mise en oeuvre. Et cela parce que la principale composante de la pression russophile, à savoir le Parti communiste, est en chute libre et a perdu ses moyens d’influencer l’électorat.
Attirer Chisinau sur l’orbite occidentale représente, pour l’analyste Christian Mititelu: « Une victoire stratégique à même de limiter les ambitions de la Russie de reconstruire d’une façon ou d’une autre une nouvelle Union soviétique. N’oubliez pas que de l’avis du président Poutine, le démantèlement de l’URSS fut la plus grande tragédie du siècle passé. Le leader russe a également déclaré que la hache de la guerre froide, que tout le monde pensait enterrée, ne l’était pas vraiment et qu’il existait donc le risque que la rivalité économique en apparence, mais en fait stratégique, adopte une autre tournure. »
Sans faire de référence directe à la position russe, les Etats-Unis ont salué le choix de la République de Moldova. En visite de quelques heures à Chisinau, John Kerry a affirmé que la réintégration européenne était la meilleure garantie d’un avenir sûr et prospère. (trad. : Ioana Stancescu)