La radiographie du marché de l’emploi roumain
Le
taux d’occupation dans l’UE était parvenu à 73,9% en 2019 pour les personnes
situées dans la tranche d’âge 20/64 ans, un record historique. Les perspectives
économiques d’avant la pandémie laissaient penser que le seuil de 75%, fixé par
l’ambitieuse Stratégie Europe 2020, était à portée de main. Le rapport européen
sur les conditions de vie et de travail dans l’UE montre que, depuis 2014, le
nombre d’emplois créés dépasse le nombre d’emploi supprimés dans l’espace
économique européen, sur fond de transformation numérique et de glissement du
centre de gravité du marché de travail vers les emplois du secteur des
services.
Corina Cristea, 03.06.2022, 09:20
Le
taux d’occupation dans l’UE était parvenu à 73,9% en 2019 pour les personnes
situées dans la tranche d’âge 20/64 ans, un record historique. Les perspectives
économiques d’avant la pandémie laissaient penser que le seuil de 75%, fixé par
l’ambitieuse Stratégie Europe 2020, était à portée de main. Le rapport européen
sur les conditions de vie et de travail dans l’UE montre que, depuis 2014, le
nombre d’emplois créés dépasse le nombre d’emploi supprimés dans l’espace
économique européen, sur fond de transformation numérique et de glissement du
centre de gravité du marché de travail vers les emplois du secteur des
services.
Aussi,
70% de la main d’oeuvre dans l’UE était orientée vers ces derniers, qui sont
responsables de 90% des emplois nouvellement créés. Le domaine intitulé
« autres services privés », qui comprend la technologie de
l’information, les communications, la consultance, les services dans l’immobilier,
ou encore l’Horeca, se pavanait largement en tête du classement de nouveaux
emplois créés en 2018. Les restructurations qui avaient touché le secteur
financier, fortement impacté par la crise de 2008, avaient laissé la place à de
nouveaux emplois, avec un fort accent sur la numérisation. Enfin, l’industrie
avait enregistré un fort revirement en 2018, avec la création d’un nombre
record d’emplois.
D’ailleurs,
et en dépit de la disparition d’emplois, provoquée par la délocalisation,
l’industrie européenne avait créé 2 millions d’emplois en l’espace de 5 ans,
entre 2013 et 2018. Le rapport mentionné fait cependant état d’un accroissement
des écarts entre les capitales européennes et les autres régions, près de la
moitié des emplois créés dans les premières étant des emplois sûrs, plutôt bien
payés, et aux conditions de travail enviables. La discrépance entre les régions
capitales et les autres devient encore plus criante dans certains États
membres, dont notamment la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie.
La
crise provoquée par la pandémie de Covid-19 et par les mesures sanitaires qui ont
suivi n’ont pas infléchi la tendance, bien que le taux de chômage ait commencé
à augmenter dans beaucoup de pays, dont la Roumanie. La région la plus affectée
a été dans ce cas la région de Nord-est du pays, région exsangue à cause du
déficit en termes d’infrastructures de transport, et affectée par une
précarisation rampante de l’emploi. Selon les données fournies par l’Institut
national de la statistique, le taux de chômage avait grimpé de 1,8 en 2019 à
6,2 en 2021. Fin avril 2022, le taux de chômage s’établit toutefois à 2,57% au
niveau national, en baisse par rapport au mois précédent. Malgré tout, l’Agence
nationale pour l’occupation de la main d’œuvre dénombre plus de 224.000 de personnes à la recherche d’un emploi
durant la période mentionnée.
L’analyste
économique Constantin Rudniţchi précise à cet égard : « Les
statistiques font état d’un peu plus de 200 mille personnes inactives, des gens
qui soit ne cherchent pas de travail, soit n’en trouvent pas. L’on est un peu
devant un paradoxe. D’un côté, nous avons des compagnies qui sont à la
recherche d’employés, qui ont besoin de main d’œuvre, et d’autre part nous
avons des personnes qui ne trouvent pas de travail. Il n’y a qu’une seule
conclusion : l’offre échoue à rencontrer la demande. De fait, en Roumanie,
en dépit des apparences, en dépit de l’émigration massive de bon nombre de gens
partis travailler à l’étranger, il existe une catégorie de gens qui ne trouvent
pas du travail, soit parce qu’ils ne cherchent pas, soit parce qu’ils ne
trouvent pas. D’un autre côté, nous avons cette catégorie de personnes
« sous-occupées », qui utilisent le travail partiel pour différentes
raisons. De toutes manières, les données montrent que la main d’œuvre disponible
en Roumanie n’est pas utilisée à pleine capacité. »
La
Roumanie, comme beaucoup d’autre pays, fait face actuellement à un déficit de main d’œuvre dans certains domaines,
à cause notamment de l’émigration massive. 4 millions de Roumains sont, en
effet, officiellement enregistrés comme travaillant dans d’autres États de
l’UE, alors que le chiffre réel se situerait autour de 5 millions, selon les
autorités.
Évidemment,
les discrépances salariales constituent la raison principale de cette émigration.
Certaines catégories cependant, telles les professions médicales, les
informaticiens, le personnel qualifié en général, mettent en avant d’autres
raisons pour justifier leur choix d’émigrer. Ils sont tous à la recherche de
services publics de qualité, dans l’éducation notamment, selon les
spécialistes. À cette émigration définitive s’ajoutent les travailleurs
saisonniers, ce qui ne fait que menacer la stabilité du marché du travail
intérieur et crée des vulnérabilités supplémentaires. Le milieu d’affaires
clame ainsi un déficit de 600.000 à 800.000 employés. Devant cela, certains
prônent comme solution la décentralisation de la gestion des programmes de reconversion
professionnelle, pour augmenter la vitesse de réaction des autorités publiques
en cas de déficit de la main-d’œuvre dans un domaine particulier. (trad. Ionut Jugureanu)