La nouvelle politique migratoire de l’UE
Rappelons-nous, en 2015, l’UE s’était retrouvée en plein cauchemar, obligée de faire face à une importante vague migratoire, qui avait débouché ensuite sur une crise communautaire d’ampleur, à défaut d’avoir pu y répondre de manière coordonnée et adéquate. Les solutions identifiées à l’époque n’ont pas réussi à satisfaire l’ensemble des Etats membres, et notamment les plus touchés, soit les pays du Sud : Italie, Grèce et Malte. Aussi, dès le début de son mandat à la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a fait de la réforme de la politique migratoire de l’Union son cheval de bataille.
Corina Cristea, 16.10.2020, 12:45
Rappelons-nous, en 2015, l’UE s’était retrouvée en plein cauchemar, obligée de faire face à une importante vague migratoire, qui avait débouché ensuite sur une crise communautaire d’ampleur, à défaut d’avoir pu y répondre de manière coordonnée et adéquate. Les solutions identifiées à l’époque n’ont pas réussi à satisfaire l’ensemble des Etats membres, et notamment les plus touchés, soit les pays du Sud : Italie, Grèce et Malte. Aussi, dès le début de son mandat à la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a fait de la réforme de la politique migratoire de l’Union son cheval de bataille.
Lors de son discours sur l’état de l’Union du début du mois de septembre, la présidente de la CE a abordé de front ce dossier pour le moins sensible, en faisant le pari d’un nouveau pacte européen sur la migration et l’asile, censé marier solidarité et responsabilité entre les Etats membres. Invité sur les ondes de Radio Roumanie, l’eurodéputé Iuliu Winkler explique : « Si l’on regarde de près les statistiques, l’on constate une diminution massive du nombre de demandeurs d’asile depuis 2015, lorsqu’un million huit cent mille personnes sont arrivées dans l’UE. Je parle de personnes, car il faut faire la distinction entre, d’une part, les réfugiés et les émigrés économiques, puis, d’autre part, entre les entrées légales et illégales. Mais, pour l’instant, commençons déjà par constater une diminution constante du nombre des nouveaux arrivants, de 1 850 000 en 2015 jusqu’à moins de 500 000 en 2019. Le commissaire Johansson estime par ailleurs que près de deux tiers des personnes arrivées en 2019 ne se qualifient pas pour un statut de futur résident dans l’un des Etats membres de l’UE. L’on peut donc dire, eu égard aux chiffres, que les choses ne vont pas trop mal. Il faut néanmoins comprendre que la migration économique peut poser problème à n’importe quel moment, en mettant l’Union sous pression. Et c’est pour cette raison qu’il faut se donner des règles communes, issues d’un accord négocié, d’où l’actuelle proposition de la Commission. Cette dernière sera à la base des négociations à venir entre la Commission, le Parlement et le Conseil européens, aussi entre les Etats membres et tous les autres acteurs avec des compétences en la matière. Aussi, il ne faut pas croire que les motifs de division entre les Etats membres au sujet de la politique migratoire européenne et de l’asile ont disparu comme par enchantement. Ces questions posent toujours problème, car elles ont des origines profondes, qui tiennent aux traditions de chaque nation et à son histoire, et jusqu’aux politiques des gouvernements des Etats membres sur ces sujets. Le besoin de dialoguer se fait aujourd’hui sentir plus que jamais. »
Pour l’essentiel, le nouveau pacte entend réviser le principe du Règlement Dublin, qui fixait les critères relatifs au pays compétent pour traiter la demande d’asile (soit, en principe, le premier État européen dans lequel le migrant extracommunautaire arrivait), et pour empêcher qu’un requérant ne dépose des demandes d’asile dans plusieurs États de l’Union européenne. Selon la nouvelle proposition de la Commission, la demande d’asile sera adressée à l’Etat avec lequel le requérant a le plus de liens, familiaux par exemple, ou là où il a travaillé ou étudié. Là où ce cas de figure ne s’applique pas, ce sera le pays européen d’arrivée qui doit traiter sa demande. Aussi, les pays qui subissent une forte pression migratoire pourront solliciter la Commission, qui pourra ensuite décider d’activer un « mécanisme de solidarité obligatoire ». Une fois activé ce mécanisme, la Commission décidera de la répartition des migrants dans les autres Etats membres, chacun étant mis à contribution, selon la taille de sa population et proportionnellement à sa force économique.
Mais les Etats sollicités via ce mécanisme auront le choix entre l’accueil des demandeurs d’asile sur leur sol, contribuer à la construction de camps de réfugiés ou encore financer le rapatriement des demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée et qui sont censés être rapatriés. Des réfugiés économiques pour l’essentiel. Les solutions avancées par la Commission entendent ainsi dépasser les réticences de ceux des Etats membres qui avaient rejeté le principe des quotas obligatoires, autrefois en vigueur conformément au Règlement Dublin. Il s’agit pour l’essentiel des Etats membres du groupe de Višegrad, soit la Hongrie, la Pologne, la Tchéquie et la Slovaquie, rejoints aussi par l’Autriche en cette matière. Pense-t-on avoir résolu les réticences de ces pays avec la nouvelle formule ? A nouveau, Iuliu Winkler : « L’Union dispose très certainement des solutions pour stopper ou du moins pour régler les flux migratoires. La question qui se pose est de savoir s’il existe la volonté de le faire. Ou s’il y a des Etats membres dont les économies ont besoin de ces flux migratoires, des apports de cette main d’œuvre. Et la réponse à cette question est sans doute affirmative. Alors, il faut créer des procédures prévisibles pour gérer les attentes. Parce que, dans les îles grecques et ailleurs, il existe des camps de réfugiés où des catastrophes humanitaires ont souvent lieu. Et cela ne peut être ni acceptable, ni tolérable pour l’UE. Le respect des droits de l’homme demeure le fondement de notre Union. Ensuite, sur la base du principe de subsidiarité, chaque Etat membre demeure compétent en matière d’accueil, de résidence, pour ce qui est de ses politiques d’asile et de migration. Enfin, la Commission parle de la question de la traite des êtres humains. Nous savons que les réfugiés se font souvent secourir en haute mer depuis leurs embarcations de fortune, suite à l’action des passeurs et des réseaux de trafic bien organisés. Les membres de ces réseaux illégaux sont parfois des citoyens européens. Pourtant, les opérations des passeurs sont illégales, et ils doivent ou devraient plutôt subir les rigueurs de la loi. Et donc, l’on avance en ce sens aussi. »
Quoi qu’il en soit, Iuliu Winkler souligne que la nouvelle proposition de la Commission européenne a bel et bien abandonné la règle des quotas obligatoires des demandeurs d’asile entre les différents Etats membres à la faveur des propositions alternatives, ce qui constitue un argument de choix pour qu’elle se fasse plus facilement agréer par l’ensemble des Etats membres. (Trad. Ionut Jugureanu)