La nouvelle étape de la guerre en Ukraine
Sur le terrain, Moscou poursuit son offensive dans la région de Koursk, où l’armée ukrainienne avait engrangé des points cette année, et gagne des points-clés au long du front. Mais la Russie a-t-elle encore les moyens de ses ambitions ?
Corina Cristea, 13.12.2024, 11:01
Mille jours après le début du conflit, l’Ukraine a pu enfin frapper une cible militaire russe en utilisant les missiles semi-balistiques américains ATACMS. Ce fut pour la première fois qu’après le feu vert donné par l’administration Biden ces missiles ont pu cibler le territoire russe. La décision américaine donnait le change à l’implication des troupes de la Corée du Nord dans le conflit du côté russe. Le professeur des universités Iulian Chifu, président du Centre pour la prévention des conflits, explique les tenants et les aboutissants de ce changement de paradigme américain. Ecoutons-le :
« Cette permission ne va pas changer le sort de la guerre, ce n’est pas l’arme nucléaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais cela constitue une action de rétorsion face à l’engagement de la Corée du Nord du côté de la Russie et devant les attaques russes contre le système énergétique ukrainien. Il fallait réagir face à ces deux éléments. Et l’Occident, les Etats-Unis en premier lieu, ont levé cette interdiction qui était censé protéger initialement le sol russe des frappes ukrainiennes avec des missiles occidentaux. Cela s’applique aussi aux missiles Storm Shadow et Scalp, ainsi qu’aux missiles françaises et britanniques qui comprennent des composantes américaines ».
La réponse du Kremlin
La réponse du Kremlin ne s’est pas fait attendre. En effet, en rétorsion, Vladimir Poutine a rapidement signé le décret qui modifie la doctrine nucléaire de la Russie, allégeant les conditions censées mener à une riposte nucléaire de la Russie.
Sur le terrain, Moscou poursuit son offensive dans la région de Koursk, où l’armée ukrainienne avait engrangé des points cette année, et gagne des points-clés au long du front. Mais la Russie a-t-elle encore les moyens de ses ambitions ? A nouveau, Iulian Chifu :
« Nous sommes face à une guerre longue. La Russie n’a pas réduit ses objectifs. Elle tente de mettre l’Ukraine à genoux, de mettre un gouvernement de marionnettes à Kiev, de priver l’Ukraine de son accès à la mer et d’atteindre la frontière avec l’OTAN. D’un autre côté, d’un point de vue financier, il est évident que le prix de cette guerre est énorme et que Vladimir Poutine joue avec l’avenir de la Russie. L’on voit la banque centrale de la Russie relever son taux directeur de 19 à 21%, ce qui est sans précédent les 20 dernières années. L’on voit la Russie faire face avec peine à la hausse de l’inflation et aux difficultés en termes de production, ce qui a aussi des conséquences sur le front. Depuis le début de l’année, la Russie a perdu l’équivalent de 5 divisions en termes de matériel mais aussi d’hommes. Et tout cela pour occuper l’équivalent de 40 km carrés ».
La Russie a approuvé un nouveau montant record pour ses dépenses militaires
La guerre d’usure qui s’est installée ne manque pas d’épuiser les deux parties en conflit. Dans son budget 2025, la Russie a approuvé un montant record pour ses dépenses militaires, représentant un tiers des dépenses fédérales. De l’autre côté, les Etats-Unis ont décidé de fournir à Kiev une aide militaire de 700 millions de dollars. Serait-il suffisant pour faire barrage aux ambitions russe ? Le professeur des universités et analyste Dan Dungaciu s’exprime à ce sujet :
« Mon sentiment c’est que l’aide américaine vise surtout à raffermir les capacités de défense de l’Ukraine et sa position à la table de négociations. Cette aide ne permettra pas de préparer une éventuelle contre-offensive ukrainienne censée libérer le pays, une mission qui semble de plus en plus inatteignable. Il s’agit donc en ce moment de soutenir l’Ukraine pour accroitre ses marges de manœuvre à la table de négociations à l’approche de l’hiver, un hiver qui pourrait s’avérer le plus terrible que la population ukrainienne ait connu depuis le début du conflit. »
Une population de guerre lasse, affirme Dan Dungaciu. Car, en effet, si l’année dernière, seuls 33% étaient prêts à négocier avec la Russie, le camp des partisans ukrainiens pour la paix monte aujourd’hui à 52% de la population ukrainienne, qui semble avoir perdu l’espoir d’une issue favorable dans ce conflit. (Trad. Ionut Jugureanu)