La montée en puissance de la consommation de drogue en Roumanie
Le Rapport annuel sur la situation de la consommation de drogue en Roumanie, édité par l’Agence nationale de lutte contre les drogues (ANA), brosse un tableau sombre de la consommation de drogue en 2021 en Roumanie. Agence de référence dans le domaine, l’Agence nationale de lutte contre la drogue souligne que 10,7% des Roumains âgés de 15 à 64 ans ont consommé au moins une fois dans leur vie une des drogues considérées illicites par la législation roumaine, alors que 6% l’ont fait pas plus loin que l’année précédente. Les jeunes (de 15 à 34 ans) sont évidemment les premiers touchés, les habitudes de consommation débutant souvent durant l’adolescence.
Corina Cristea, 08.09.2023, 11:33
Le cannabis est plébiscité par la plupart des consommateurs, talonné de près toutefois par les nouvelles substances psychotropes. Le marché des drogues illicites fait par ailleurs état d’une offre croissante en matière de cannabis et de cocaïne. Aussi, l’année 2021 a été marquée par des saisies record de ces produits, près de 75% de la quantité des drogues saisies étant destinés au marché roumain, ce qui constitue un indicateur indéniable de la vitalité de ce marché illégal, selon les spécialistes. Dans le rayon de bonnes nouvelles, notons toutefois la poursuite de la baisse de ce que l’on appelle la consommation récréative, -12% l’année précédente. Mais au-delà des chiffres et autres statistiques, les spécialistes ne cessent de tirer la sonnette d’alarme quant aux dangers que la consommation des drogues illicites fait courir à ceux qui se lancent dans cette échappatoire illusoire que constitue l’usage des substances psychotropes.
Expert du domaine, le sociologue Cătălin Țone fait état sur les ondes de Radio Roumanie de l’urgence que constitue le développement des services de prévention et de lutte contre le trafic des stupéfiants : « C’est à nous, adultes et spécialistes, de regarder de près non seulement nos propres enfants, mais aussi leur entourage. Il nous revient à nous, professionnels du domaine, d’apporter de l’information, utile et lisible, destinée aux parents, qui se retrouvent démunis face à ce phénomène. Il faut encourager la mise sur pied des alternatives réalistes face à l’attrait que les drogues font miroiter à nos enfants. Qu’il s’agisse d’activités sportives ou de socialisation, tout ce que peut faire monter le niveau de la dopamine. Il faut que les adultes, parents et enseignants, puissent arriver à renouer le lien avec leurs enfants, pénétrer dans leur monde, comprendre leurs besoins. Parce que les tentations dangereuses sont à leur portée, parce que l’internet et les réseaux sociaux pullulent d’influenceurs de pacotille qui font croire à nos enfants que consommer c’est cool. Face à cela, il nous faut réagir. Il faut regarder aussi de plus près du côté de ces festivals de musique, nous inspirer un peu de l’expérience des Etats d’Europe occidentale, qui sont déjà passés par là. Car la Roumanie est devenue une destination prisée dans le domaine du tourisme musical, du tourisme de loisir. Mais cela peut donner lieu à des dérives inquiétantes dans le domaine de la consommation des drogues illicites ».
Selon les données officielles, la Roumanie peut se targuer d’occuper encore l’une des dernières places dans le domaine de la consommation de drogue en Europe. Mais les spécialistes sont inquiets, accusant notamment le peu de fiabilité des données recueillies. Se trouvant en premier ligne, le docteur Radu Tincu, anesthésiste-réanimateur et spécialiste en toxicologie, explique :
« Nous parlons d’intoxications aiguës provoquées par les nouvelles drogues de synthèse et qui mettent en danger la vie du consommateur, qui peuvent provoquer l’encéphalopathie toxique, soit un état qui appelle à mettre le patient sous respirateur. Nous parlons de cardiotoxicité, soit un état de toxicité au niveau du cœur, qui provoque des arythmies, voire l’arrêt du cœur. Nous parlons de toxicité rénale, car le degré de toxicité de certaines substances psychotropes provoque l’insuffisance rénale, qui appelle l’utilisation de la dialyse. Par ailleurs, on le sait, la prise régulière de drogues développe ce phénomène d’accoutumence au niveau du cerveau, et le consommateur se doit d’augmenter régulièrement la concentration de la substance toxique présente dans son organisme pour obtenir l’effet escompté. Ce qui ne manque jamais de développer l’état de dépendance du patient. Or, une fois la dépendance installée, la prise de drogues devient régulière, faute de quoi le sevrage risque de faire des ravages. Or, le consommateur, victime de sevrage, n’est plus en mesure de contrôler ses réactions, et il sera prêt à tout pour obtenir la dose convoitée. D’où l’apparition d’actes violents et d’une forme de criminalité intimement liée à la consommation de ces substances ».
Face au phénomène, les autorités jouent toujours la carte de la répression, les peines encourues par les trafiquants mais aussi par les consommateurs étant récemment revues à la hausse par le législateur roumain. Pour sa part, l’Agence nationale de lutte contre les drogues poursuit ses programmes de prévention, renforçant le système national de prévention et d’assistance destiné aux consommateurs. Aussi, durant l’année 2021, l’Agence s’enorgueillit d’avoir déroulé plus de 20 000 actions de prévention à destination notamment des milieux scolaires, familiaux et communautaires, des campagnes qui ont touché près de 700 000 personnes.
(Trad. Ionut Jugureanu)