La baisse inquiétante de la population roumaine
Ce qui
relevait du sens commun jusqu’ici a été officiellement acté par le dernier
recensement de la population résidente sur le territoire de la Roumanie. Le déclin
démographique se poursuit et ne manque pas d’inquiéter les spécialistes. En effet,
depuis le dernier recensement de 2011, la population résidente dans le pays a
baissé de 1,1 millions de personnes, alors que depuis 1990 la Roumanie accuse
une perte sèche de 4 millions de personnes. L’émigration est principalement pointée
du doigt, suivie de près par la baisse constante de la natalité. Une baisse de
5% par rapport à 2011, de 12% par rapport à 2002, fait que nous sommes revenus
au niveau de 1966, soit avant le déclenchement de la politique pro nataliste
outrancière menée par Nicolae Ceausescu. Il est vrai toutefois que cette
tendance inquiétante n’est pas spécifique à la seule Roumanie, d’autres pays de
la région l’enregistrant également.
Corina Cristea, 21.07.2023, 01:16
Ce qui
relevait du sens commun jusqu’ici a été officiellement acté par le dernier
recensement de la population résidente sur le territoire de la Roumanie. Le déclin
démographique se poursuit et ne manque pas d’inquiéter les spécialistes. En effet,
depuis le dernier recensement de 2011, la population résidente dans le pays a
baissé de 1,1 millions de personnes, alors que depuis 1990 la Roumanie accuse
une perte sèche de 4 millions de personnes. L’émigration est principalement pointée
du doigt, suivie de près par la baisse constante de la natalité. Une baisse de
5% par rapport à 2011, de 12% par rapport à 2002, fait que nous sommes revenus
au niveau de 1966, soit avant le déclenchement de la politique pro nataliste
outrancière menée par Nicolae Ceausescu. Il est vrai toutefois que cette
tendance inquiétante n’est pas spécifique à la seule Roumanie, d’autres pays de
la région l’enregistrant également.
Invité sur les ondes de Radio Roumanie,
Tudorel Andrei, président de l’Institut national de statistique, analysant les
données issues du dernier recensement s’inquiète davantage du vieillissement
accéléré de la population résidente, plus que de la baisse constatée, en termes
absolus.
Tudorel
Andrei : « La baisse de la population résidente constitue un phénomène
commun à toute l’Europe de l’Est, voire constaté au-delà, en Europe occidentale.
Malheureusement, en effet, en Roumanie, en Bulgarie, en Croatie, cette baisse
est encore plus marquée qu’ailleurs. Les causes de ce phénomène sont multiples,
et il faudrait suivre les aléas de la période de transition, depuis la période communiste
à nos jours, pour mieux saisir le phénomène. Les départs enregistrés ont été massifs dès la chute du
communisme, fin 1989. Le phénomène s’est diminué progressivement dans les
années 2012, 2013, et à partir de là il faudrait regarder du côté de la
natalité et de la mortalité. En fait, durant cette dernière période de
transition, nous cueillons ce que nous avons semé durant la première période. Par
ailleurs, durant cette période les mentalités ont changé. Les couples font
moins d’enfants, il y a un changement des mentalités par rapport au moment où les
couples décident d’avoir leur premier enfant, mais aussi par rapport au nombre total
d’enfants que le couple désire avoir ».
Beaucoup de femmes sont en outre aujourd’hui davantage
attirées qu’il y a 20 ou 30 ans à se forger une carrière. Les opportunités
présentes dans l’offre des formations et les places qui leur soient accessibles
sur le marché de travail les attirent davantage. La période passée aux études a
également augmenté. L’âge auquel elles décident d’avoir leur premier enfant a augmenté
dès lors de manière proportionnelle. Des revenus plus attrayants relèguent la
vie de famille au second plan. Les jeunes s’investissent dorénavant davantage dans
leur carrière, et repoussent d’autant le moment d’avoir leur premier né. Tudorel Andrei ne manque pas de s’inquiéter de la
baisse de la population résidente comprise dans la tranche d’âge 15-64 ans. Une baisse inquiétante de 1,4 million affecte
cette tranche d’âge, ce qui fait diminuer la proportion de cette dernière par
rapport à la population globale, qui passe de 68% en 2011 à 64% en 2022.
Mais que
faire pour renverser la tendance ? Tudorel Andrei : « Les données
font état d’une diminution du taux d’émigration. Il chute, pour ainsi dire
depuis 5, 6 ans déjà. Dans les années qui ont suivi l’adhésion de la Roumanie à
l’UE, 2007, 2008, il y avait plus d’un demi-million de Roumains qui quittait le
pays tous les ans. Mais la perte de population s’est poursuivie malgré la
diminution récente du taux d’émigration, cette cause étant supplantée par la
baisse de la natalité et par l’accroissement de la mortalité, causé par le vieillissement
accéléré de la population. La natalité et la mortalité constituent des
phénomènes extrêmement complexes. Les tendances ne changeront pas du jour au
lendemain quoi qu’on en fasse. Il faut se projeter sur le long terme. Les
résultats en termes de politiques publiques peuvent être saisis 10 ou 20 années
plus tard, certainement pas de suite. Vous savez, nous avons connu un tel choc
brutal de tendances dans notre histoire. Cela a eu lieu en 1967, lorsque
Nicolae Ceausescu avait mis l’IVG hors la loi. Il avait cette capacité de procéder
de la sorte, car la Roumanie était une dictature. Mais l’échec de cette
politique est un cas d’école. Le revers de la médaille, on a pu le saisir dans
les années 2006-2007, lorsque ces enfants, nés dans les années 1967-1968, ont émigré
en grande partie en Occident. »
La perte de 4 millions de personnes sur une
population qui comptait 22 millions n’est pas anodine. Des pans entiers de l’économie
roumaine tournent au ralenti à cause de l’absence de la main d’œuvre disponible
sur le marché de travail. L’Horeca et le bâtiment sont les domaines les plus
affectés. Le système de retraites se voit également mis sous pression. En effet,
la Roumanie est loin du rapport idéal, qui prévoit 4 personnes potentiellement actives
pour 1 retraité. En Roumanie, neuf retraités sont pris en charge par dix
personnes actives. Et du côté de l’équilibre budgétaire du système de retraites
les pronostics sont sombres. En 2030, le système de pensions sera à bout de
souffle.
Qui plus est, une fois la crise
sanitaire passée et les beaux jours de la reprise économique revenus à l’Ouest,
il est à prévoir une reprise de l’offre d’emploi mieux rémunéré en Europe
occidentale, ce qui ne tardera pas de se traduire par une diminution de la
population active présente en Roumanie. Aussi, en 2030, la population résidente pourrait être ramenée à
18 millions de personnes, selon l’Institut national de statistique. La Roumanie
perdra ainsi sa place du 7e Etat le plus peuplé de l’UE, au profit
des Pays-Bas. (Trad. Ionut Jugureanu)