Guerre en Ukraine
Prononcées à l’aube du 24 février, les paroles du président russe Vladimir Poutine ont ouvert une nouvelle page de l’histoire, plaçant la situation en Ukraine au premier plan des préoccupations, des discussions et des actions mondiales. Agression, résistance, sanctions et solidarité sont les mots forts pour rendre compte de cette réalité nouvelle. Les images sur le terrain ont terrifié le monde démocratique. Les bombardements visaient des cibles militaires, a certes déclaré la partie russe ; des civils ont été tués par des missiles alors même que l’on était assis autour de la table de négociations, n’ont tardé de réagir les Ukrainiens.
Corina Cristea, 04.03.2022, 14:10
Prononcées à l’aube du 24 février, les paroles du président russe Vladimir Poutine ont ouvert une nouvelle page de l’histoire, plaçant la situation en Ukraine au premier plan des préoccupations, des discussions et des actions mondiales. Agression, résistance, sanctions et solidarité sont les mots forts pour rendre compte de cette réalité nouvelle. Les images sur le terrain ont terrifié le monde démocratique. Les bombardements visaient des cibles militaires, a certes déclaré la partie russe ; des civils ont été tués par des missiles alors même que l’on était assis autour de la table de négociations, n’ont tardé de réagir les Ukrainiens.
Mais une chose est d’ores et déjà acquise : des centaines de milliers de femmes et d’enfants ont fui la région, laissant derrière les régions, de l’État voisin de la Roumanie, en proie aux combats meurtriers. Certaines estimations tablent même sur un nombre de près de 7 millions de réfugiés et déplacés à terme. Cependant, dès le premier jour de l’attaque, force est de constater la résistance farouche opposée par les Ukrainiens à l’agression russe, une résistance que Moscou n’avait sans doute pas anticipée. Soutenus par les appels mobilisateurs du président Volodymyr Zelensky, non seulement les militaires mais aussi un nombre important de volontaires se sont empressés de réclamer une arme pour participer aux combats et pour défendre leur pays, achevant ainsi ce que peu de gens pouvaient deviner au début de l’affrontement : tenir tête à l’armée russe. Mais qu’y a-t-il derrière l’action du Kremlin ?
L’analyste politique Costin Ciobanu, invité à Radio Roumanie, essaye de formuler une réponse :« Vladimir Poutine poursuit sa politique en vigueur depuis 22 ans, essayant de défier l’ordre de sécurité et les arrangements internationaux convenus après la fin de la guerre froide. Cet ordre libéral international, établi après la dissolution de l’Union soviétique, est tout simplement remis en question par les actions de Vladimir Poutine. C’est difficile à imaginer, mais l’on constate qu’il essaie de faire revivre le modèle de l’Union soviétique. Il ne s’agit pas seulement des deux régions de l’est de l’Ukraine, ce sont la souveraineté et l’existence même d’un pays et d’un Etat qui sont en jeu. Il ne reconnaît pas les documents que la Russie avait, au fond, signés. C’est difficile à expliquer, mais pensez à ce que pourrait être une Ukraine démocratique, une Ukraine qui se développe économiquement à l’instar, par exemple, des pays baltes ou des pays d’Europe de l’Est, qui ont rejoint l’UE ou l’OTAN. Une Ukraine forte et démocratique est une menace majeure pour un régime totalitaire qui échoue économiquement. Le PIB par habitant a chuté de 30% en Russie depuis 2014, si je ne m’abuse. L’Ukraine s’avère être donc une menace directe pour le dirigeant autoritaire, mais dont le pouvoir repose, en principe, sur la force. Il s’agit aussi d’un dirigeant autoritaire, qui est au pouvoir depuis 22 ans et qui tente de rétablir, à travers ce projet, sous une forme ou une autre, l’Union soviétique, la Russie impériale. Le pouvoir russe tient ce discours, centré sur la manière dont la Russie a été humiliée dans les années 1990, et il entend prendre sa revanche, et retrouver la gloire de la Russie du siècle dernier. »
Mais l’invasion russe de l’Ukraine, qui représente l’événement militaire le plus significatif en Europe, depuis la Seconde Guerre mondiale, n’a pas manqué de plonger Moscou dans un isolement politique et économique sans précédent. Le politologue Radu Magdin avait dès le début du conflit remarqué pour l’agence de presse roumaine, Agerpres, que « le récit officiel russe, évoquant le soi-disant génocide commis par les Ukrainiens dans le Donbass et à Lougansk, n’a aucune prise à l’extérieur de la Russie. C’est une histoire fantasque, fabriquée de toutes pièces. Or, la communauté internationale n’est pas bête, elle est quand même en mesure de regarder un peu plus loin que la propagande russe ».
Le soutien de la communauté démocratique internationale à l’Ukraine a pris la forme de sanctions, imposées à la Russie et qui vont principalement affecter son secteur financier. La déconnexion des banques russes du système SWIFT, les restrictions supplémentaires imposées à la Banque centrale de Russie, les listes individuelles d’oligarques mis sur la sellette, constituent quelques-unes des mesures censées avoir un fort impact sur Moscou, tout comme la fermeture de l’espace aérien pour les avions russes ou la décision d’utiliser le Fonds européen pour la paix pour financer l’assistance militaire consentie à l’Ukraine. Les conséquences des sanctions imposées à la Russie n’ont pas tardé à produire des effets, affectant déjà la population.
Cependant, la Russie et l’Ukraine ne seront pas les seuls acteurs à souffrir de ce conflit. L’analyste politique Petrișor Peiu évoque, sur nos ondes, certaines des conséquences économiques possibles, notamment pour la Roumanie. « On fait déjà face à une grave crise mondiale qui touche aux matières premières. Parce que la Russie et l’Ukraine sont toutes les deux de grands producteurs de matières premières. Pour vous donner un exemple très concret : cette année, nous aurons un prix du blé incroyablement élevé. Dans le bassin de la mer Noire, où nous nous trouvons, ce prix était pratiquement établi par le blé russe et ukrainien, car ces deux pays avaient des volumes d’exportations beaucoup plus élevées que nous. Le prix à l’exportation sera élevé, les producteurs roumains auront tendance à exporter, et cela à plus forte raison qu’il y a déjà pénurie sur d’immenses marchés, tels l’Égypte ou la Turquie. Alors, ce blé, nous allons devoir le payer au prix fort chez nous, en Roumanie. Et ce n’est qu’un aspect. Parce que l’Ukraine et la Russie, prises ensemble, représentent 80 % des exportations mondiales de tournesol. Les prix des matières premières risquent de s’envoler et, avec eux, le prix des produits finis. Et cela est vrai dans tous les domaines, non seulement dans l’alimentaire. » Pensons, par exemple, poursuit Petrișor Peiu, que nous parlons de la Russie et de l’Ukraine en tant que grands producteurs d’acier, en tant que producteurs de nombreux métaux rares, puis je crois que la Russie est le plus grand producteur de diamants au monde et le troisième plus grand producteur d’or. Voyons ensuite ce qu’il advienne des industries qui utilisent ces métaux dans leurs produits. (Trad. Ionut Jugureanu)