Des crises en pagaille
A la crise énergétique sont venues s'ajouter la crise du fret maritime et la crise climatique
Corina Cristea, 16.06.2023, 01:28
La pandémie de Covid-19 avait semblé donner
le coup d’envoi à une série d’événements marqués d’incertitudes, dont la mise
sous pression des finances publiques et le bouleversement des priorités en
matière de politiques publiques. Qui plus est, avec la guerre déclenchée par la
Russie en Ukraine, les choses sont loin de s’arranger. L’inflation, boostée par
la mise sous embargo des produits pétroliers russes, n’a pas manqué de provoquer
la baisse du pouvoir d’achat des ménages, et de menacer la reprise timide qui s’annonçait
avec la fin de la pandémie.
Sur les ondes de Radio Roumanie, la journaliste
économique Lidia Moise, explique :
« Les effets de la pandémie sont encore
là. Les Etats se sont empruntés pour venir en aide au monde des affaires dans
des domaines qui semblaient chanceler, aux employés en chômage technique ou qui
risquaient de perdre leur emploi. Or cela n’a fait qu’augmenter la dette
publique et creuser les déficits. La Roumanie s’en sort plutôt bien en
apparence, car nous étions déjà en situation de déficit excessif, et à la suite
de la crise les règles se sont assouplies. Les taux directeurs des banques
centrales ont été maintenus à un niveau historiquement bas. Mais ensuite l’on s’est
réveillé devant une montée accélérée des prix et un taux d’inflation effarant.
La guerre en Ukraine a eu son rôle dans cette situation. La Russie a fait du chantage
économique, a fermé le robinet du gaz, a fait baisser les quantités livrées et augmenter
les prix. Le chantage n’a pas eu pour la Russie l’effet escompté, car les
Américains ont envoyé du GPL aux Européens, tout comme les producteurs du
Maghreb, qui livraient déjà à la France et à l’Italie, et qui ont augmenté leur
production pour suppléer la baisse de volume du gaz russe. Mais tout ce petit
jeu a créé une pression immense sur le marché de l’énergie et une inflation
galopante, que l’on ressente encore. »
A la crise énergétique sont venues s’ajouter
la crise du fret maritime et la crise climatique, ajoute l’analyste, cette
dernière forçant les Etats de revoir leurs priorités en matière d’investissements,
pour abandonner les industries polluantes et subventionner la création d’industries
vertes. Mais les choses ne changent pas du jour au lendemain forcément. Lidia Moise :
« L’on sent
toujours des flottements à cet égard. Les Américains se posent la question s’ils
doivent orienter toujours leurs investissements vers l’extraction du gaz de schiste,
une industrie qui nécessite des investissements conséquents, mais qui demeure
très polluante. A ce dilemme vient s’ajouter les débuts d’une crise financière,
que l’on a déjà pu observer aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, en Suisse par
exemple, ou encore les problèmes auxquels s’était récemment confrontée la
Deutsche Bank.La crise des subprimes de 2007-2008 nous a encore
une fois montré le degré de contamination rapide dont une telle crise est
capable au niveau global. Les politiciens, européens notamment, avaient été
pris au dépourvu. Voyez-vous, l’on est devant un monde traversé par une multitude
de crises globales, chacune avec ses causes et ses effets, et elles s’alimentent
les unes les autres, menaçant en cela l’état de l’économie mondiale. »
Pourtant, et en dépit des incertitudes, la Roumanie semble maintenir le
cap dans une mer agitée. La stabilité des finances publiques bénéficie à n’en
pas douter des fonds considérables mis à la disposition de la Roumanie grâce au
plan européen de relance et de résilience. Lidia Moise :
« La Roumanie est
parvenue à contourner les crises jusqu’à présent, et à demeurer en terre ferme.
J’espère qu’elle saura poursuivre sur cette lancée, maintenir l’équilibre de
ses finances. Car si l’on regarde dans la région, les choses ne sont pas reluisantes.
Regardez la Pologne, qui est parvenue à éviter de justesse la récession l’année
dernière, après avoir traversé une période de récession technique. Ou encore la
Hongrie, qui est confrontée à un taux d’inflation effarant, de 20%, et cela
sans parvenir à faire bouger leur économie. L’Europe, le monde sont confrontés
à une multitude de crises. J’en ai compté sept. Seule l’Allemagne est passée
par un tel moment après la Première Guerre mondiale, confrontée aux effets de
la guerre, de la défaite, puis les effets de la pandémie de grippe espagnole, qui
a laissé des séquelles au niveau de l’état de santé de la population ; L’inflation
galopante, alimentée par les réparations de guerre ; Et puis, arrive la
crise de 1929, les faillites en chaîne des banques, l’écroulement de la bourse.
La Seconde Guerre mondiale a elle aussi été précédée par une suite de crises
économiques qui ont touché les Etats européens et les Etats-Unis, et qui ont eu
pour effet de renforcer les régimes dictatoriaux et le repli sur soi identitaire. »
Des crises qui ont finalement
débouché sur le désastre collectif qu’a été la Seconde Guerre mondiale, et puis
l’instauration des régimes communistes totalitaires dans toute l’Europe centrale
et de l’Est, nous rappelle Lidia Moise. (Trad. Ionut Jugureanu)