Début de mandat présidentiel à Washington
C’est sur la toile de fond de mesures de sécurité exceptionnelles que la capitale américaine a suivi la fin de règne du républicain Donald Trump et célébré l’avènement du démocrate Joe Biden, qui entend faire retrouver le rôle de leadership mondial à son pays. Selon les experts pourtant, le nouveau président devrait concentrer l’essentiel de ses efforts pour rétablir la paix sociale aux Etats-Unis, troublés par les déclarations et les actions belliqueuses de Donald Trump qui n’a eu de cesse de dénoncer de prétendues fraudes électorales lors de la dernière élection présidentielle, à l’issue de laquelle il s’était retrouvé perdant. Jamais étayées par de vraies preuves, les accusations de l’ancien président ont malgré tout trouvé écho chez bon nombre de ses partisans, jusqu’à déboucher sur les événements violents du 6 janvier dernier, soldés par la perte de cinq vies humaines. Une explosion de violence inouïe dans le Panthéon même de la démocratie américaine, le Capitole, siège du Congrès américain. Selon Ovidiu Nahoi, rédacteur en chef de la rédaction roumaine de Radio France Internationale, présent sur les ondes de Radio Roumanie, l’ironie de tout cela est que celui qui s’était promis de rendre la grandeur à l’Amérique n’a réussi qu’à la diminuer et la jeter dans le dérisoire. Ovidiu Nahoi :
România Internațional, 05.02.2021, 13:46
« La nouvelle administration américaine aura besoin de temps, de beaucoup de temps, pour réconcilier l’Amérique avec elle-même, parce qu’il s’agit d’une société très divisée. Et cela fait qu’il lui restera moins de temps pour s’occuper des grands problèmes du monde. Pendant un an ou deux, sinon pas durant l’intégralité du mandat présidentiel de Joe Biden, les Etats-Unis s’occuperont à combler le fossé creusé par Donald Trump dans la société américaine, et à panser les blessures internes. La puissance américaine rétrécit donc, cette Amérique que l’ancien président avait promise à la grandeur, et qu’il était arrivé à rendre moins importante au niveau global. La conséquence de ces événements, c’est que l’Amérique aura besoin de temps pour réparer ce qui a été gâché or, sur le plan mondial, cela signifie moins de disponibilité, une présence quelque peu diminuée, une capacité moindre à s’investir dans les problématiques du monde ».
Le président Joe Biden doit rétablir la crédibilité, sur le plan intérieur et à l’international, de la démocratie américaine en matière de respect des droits de l’homme, considère le directeur de l’ONG Human Rights Watch, dont le siège est à New York, et qui pense que nous avons assisté à 4 longues années d’abus des principes du jeu démocratique. Dans une interview accordée à l’agence Reuters juste avant la diffusion de son rapport annuel sur le respect des droits de l’homme, Kenneth Roth a affirmé que le président Donald Trump, encore en exercice à l’époque, avait violé les droits de l’homme dans son propre pays, et qu’il n’est dès lors pas en mesure d’invoquer le respect de ces mêmes droits pour critiquer le bilan d’autres Etats de la planète. Pourtant, Donald Trump a nié à cor et à cri toute responsabilité à l’égard des violences commises par ses partisans au Capitole, tout comme toute violation des droits de l’homme. L’ancien président n’a cependant eu de cesse de clamer jusqu’à la fin sa victoire à l’élection présidentielle, invoquant des fraudes supposées, censées l’empêcher, selon lui, de mener à bien son dessein visant à faire « America Great Again » et « America First ». En dépit des dénégations présidentielles, la Chambre des représentants avait mis Donald Trump sous accusation d’avoir encouragé l’assaut de ses partisans sur le Capitole, juste une semaine avant la fin de son mandat. Il est ainsi devenu le premier président américain sur lequel a plané à deux reprises la menace de la destitution imminente.
Monsieur Roth a profité de son entretien à l’agence Reuters pour recommander au nouveau président de faire revenir les Etats-Unis au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU de Genève, dont Donald Trump avait claqué la porte en juin 2018. Le nouvel occupant de la Maison Blanche s’était d’ailleurs penché sur quelques domaines prioritaires et qui ne pouvaient pas attendre, telles les crises épidémiologique, économique, climatique et raciale, et cela dès les premiers jours de son mandat. Les décisions prises par le nouveau leader de la Maison Blanche avaient été préparées et annoncées bien à l’avance par son administration, dans sa tentative d’annuler quelques-unes des politiques les plus décriées de l’administration précédente. Il faut dire que la politique de M Trump avait ratissé large, depuis l’établissement d’une liste d’Etats, musulmans pour la plupart, et dont il interdisait l’entrée sur le territoire américain de leurs ressortissants, et jusqu’au retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat.
Avant son investiture, Joe Biden avait d’ailleurs déjà présenté son paquet pour la stimulation de l’économie américaine, lourdement frappée par la crise du Covid-19, paquet qui s’élève à 1,9 trillions de dollars. Mais au-delà des défis soulevés par la crise sanitaire et par la situation économique, la nouvelle administration devra surtout pouvoir combler les failles béantes creusées au sein de la société américaine, affirment de concert les analystes. Le degré de cohésion sociétale est presqu’au plus bas de toute l’histoire des Etats-Unis, un pays qui avait pourtant été confronté dans son passé aux luttes raciales, à l’esclavage et au ségrégationnisme. Iulian Chifu, président du Centre pour la prévention des conflits, opine que :
« Nous sommes dans la situation où il faut recoller les morceaux, où il faut reconstruire la cohésion sociale, rebâtir la confiance dans les institutions, dans la démocratie, dans la justice. Il faut que les Américains retrouvent leur confiance dans ces valeurs et dans leurs institutions, et cela ne peut pas se faire uniquement par des gestes politiques. Il faudrait étudier les causes profondes de ce malaise éviter les extrêmes en tout genre, qu’ils soient de droite ou de gauche, réfléchir pour pouvoir accompagner et aider les laissés-pour-compte, il faudrait réfléchir sur la manière dont la révolution numérique, l’utilisation excessive de la technologie et des réseaux sociaux favorisent l’aliénation de l’individu et son décrochage de la société réelle et du débat public. »
La beauté de la démocratie, la force du système démocratique réside justement en sa capacité à s’adapter, à rebondir et à panser et guérir ses plaies, ajoute le Pr Iulian Chifu.
(Trad. Ionut Jugureanu)