De l’or et des cyanures
Corina Cristea, 20.09.2013, 13:29
D’une part, les écologistes et les historiens s’y opposent, estimant que par delà les intérêts économiques, la primauté revient à la préservation de l’environnement et à la sauvegarde des vestiges et du patrimoine architectural.
De l’autre côté, les tenants du projet affirment que sa mise en place pourrait sauver la région gravement touchée par le chômage. Le projet de Roşia Montana, qui vient de recevoir l’avis favorable du ministère de l’Environnement, est arrivé au Parlement, auquel il avait été soumis par le cabinet de Bucarest.
Pendant ce temps, plusieurs milliers d’opposants audit projet protestent dans les rues de la capitale roumaine, dans d’autres villes du pays et même dans des métropoles étrangères telles Paris, New York ou Bruxelles. Les raisons sont variées. D’aucuns sont mécontents du montant des redevances, d’autres pointent du doigt l’impact sur l’environnement d’une mine à ciel ouvert de grande taille.
Enfin, il y a des protestataires qui craignent les retombées de la technologie envisagée pour l’extraction de l’or. Elle supposerait l’utilisation de cyanures servant à séparer l’or du minerais excavé et le stockage dans un immense barrage de décantation du terril résulté.
A propos de ce dernier aspect, les représentants de la compagnie canadienne affirment haut et fort que des experts ont déjà procédé à l’audit de la sécurité du barrage et que la technologie n’impliquerait, elle, aucun danger.
Le vice-président du Département de l’environnement de Roşia Montana Gold Corporation, Horea Avram : « Avant d’échouer dans l’étang, les terrils issus des processus de transformation seront neutralisés, ce qui fait une teneur moyenne en cyanure de quelque 3 mg/litre. La principale qualité de ce réactif est qu’il est biodégradable. Cela revient à dire que les informations selon lesquelles les cyanures demeureraient dans l’étang sont fausses. Si l’on arrêtait aujourd’hui cette exploitation, dans trois mois les teneurs en cyanures s’affaibliraient jusqu’à moins de 0,01%. Elle seraient donc plusieurs dizaines de fois moindres que les limites établies par l’UE et la Roumanie. »
Les habitants de la contrée de Roşia Montana se sont eux aussi rassemblés pour dire oui au projet. Plusieurs mineurs se sont même retranchés dans la mine pendant quelques jours, car, disent-ils, si les activités minières ne reprennent pas, il y aura un chômage massif et la région sera condamnée à la pauvreté. Le jeu n’en vaut pas la chandelle, affirme, de son côté, l’Association Alburnus Maior, opposante de longue date à ce projet. En clair, les 600 nouveaux emplois ne justifieraient pas les problèmes environnementaux qui en découleraient. Le pour et le contre seront pesés par une commission spéciale, créée en début de semaine. Ce que l’on attend d’elle, c’est un état des lieux, qui devrait parvenir au plénum réuni des deux chambres du Parlement. Si le projet est repoussé, l’Etat roumain prend le risque de se voir intenter un procès où il y va de plus de 2 milliards de dollars de dommages et intérêts.
Ce montant est censé couvrir le bénéfice estimé et les 550 millions déjà investis par la compagnie canadienne. En quoi cet argent a-t-il été placé? Voici la réponse de Ionel Blănculescu, conseiller du premier ministre. « Le matériel fourni par la compagnie d’exploitation et le gouvernement relèvent que l’investissement le plus conséquent est allé vers une étude géologique. Je pense avoir compris que cette étude fort laborieuse, qui s’est étalée sur près de sept ans, a coûté 98 millions de dollars. Elle a supposé 1.200 forages à 300 mètres de profondeur, réalisés tous les dix mètres, et puis la collecte d’échantillons qui ont été par la suite envoyés pour analyse à deux laboratoire différents. A cela se sont ajoutés les frais de déménagement de la population, l’argent dépensé pour la construction de nouvelles habitations dans la zone. Enfin, on ne saurait oublier de mentionner la rémunération des quelque 500 personnes embauchées pour les travaux relatifs au patrimoine, liés au musée et aux galeries romaines et bien sûr les frais d’administration et de gestion. »
300 tonnes d’or et 1600 tonnes d’argent pourraient être extraites à Rosia Montana, affirment les représentants de la société canadienne, ce gisement étant le troisième le plus important au monde. Ce qui plus est, selon pas mal de voix, le principal enjeu du projet consisterait dans les quantités importantes de métaux rares qui se trouveraient à Rosia Montana. Rosia Montana Gold Corporation devrait payer à l’Etat roumain une redevance de 6% du montant de la production. Si l’on prend en compte la valeur des métaux précieux, la Roumanie devrait empocher un milliard de dollars. Le projet minier devrait s’étendre sur 25 ans, dont deux nécessaires à la mise en place de l’infrastructure minière, 16 à l’exploitation proprement-dite et d’autres à la réhabilitation de la zone et la fermeture des exploitations.
La Roumanie doit exploiter ses ressources naturelles en respectant les normes européennes en la matière, a souligné le premier ministre, Victor Ponta. Selon lui, le débat public fera connaître les aspects essentiels qui conduiront – ou non – à la réalisation de ce projet. Car les informations parues depuis l’apparition de ce projet, il y a 15 ans, sont plutôt confuses et prêtent à la spéculation. ( trad. : Mariana Tudose, Alexandra Pop )