A quel rythme vieillit-on ?
L’absence de l’exercice intellectuel et cérébral, les angoisses, la haine, les pensées négatives mènent tout droit à l’apparition des maladies neuro-dégénératives.
Corina Cristea, 18.10.2024, 10:37
« La jeunesse c’est synonyme d’optimisme, c’est baigner dans un état de bien-être et avoir un but pour lequel lutter », était le credo d’Ana Aslan, gériatre roumaine de renommée mondiale. Connue pour ses études portant sur la longévité et pour la découverte de la vitamine H3, commercialisée sous la dénomination de Gerovital H3, Ana Aslan a toujours mis l’accent dans ses traitements visant l’accroissement de la longévité sur la vie saine, la prévention et l’innovation. Elle fonde ainsi dans les années 50, à Bucarest, l’Institut national de gériatrie et de gérontologie, le premier centre d’excellence de ce type au monde, qui prendra en 1992, après la mort de sa fondatrice, son nom.
L’Institut national de gériatrie et de gérontologie Ana Aslan
L’héritage d’Ana Aslan continue d’inspirer de nouvelles générations de chercheurs et de médecins décidés à poursuivre ses recherches sur l’allongement de l’espérance de vie et la vie de qualité fut-ce pendant le grand âge. L’un de ceux-là est le médecin et professeur des universités Luiza Spiru, présidente de la fondation Ana Aslan International, membre d’un groupe de travail de l’OMS sur le vieillissement actif. Les normes internationales posent l’âge de 65 ans comme seuil pour le début du processus de vieillissement. La réalité est tout autre cependant, nous assure Luiza Spiru. Ce processus peut débuter en effet bien plus tôt. Et malheureusement, l’on assiste au niveau mondial au vieillissement cérébral précoce, causé notamment par le stress chronique, l’anxiété et les dépressions.
L’apparition des maladies neuro-dégénératives
L’absence de l’exercice intellectuel et cérébral, les angoisses, la haine, les pensées négatives mènent tout droit à l’apparition des maladies neuro-dégénératives, et cela à un âge de plus en plus jeune. Luiza Spiru :
« Nous avons redéfini le concept de bien vieillir, centré antérieurement sur l’individu. Parce que l’être humain vit au sein d’un écosystème, au milieu des facteurs de stress. Alors, cette nouvelle philosophie met l’accent sur une approche holistique, en intégrant les besoins de l’individu au sein de son écosystème. La Roumanie devrait par ailleurs améliorer sa capacité de screening, améliorer son approche préventive à l’égard des maladies chroniques, car nous avons encore bien du chemin à parcourir à cet égard. Car il ne s’agit pas seulement de changer notre paradigme au niveau mondial, mais de travailler au niveau national et local, ne fut-ce qu’en améliorant la formation des professionnels de la santé, pour implémenter des politiques portant sur le vieillissement actif, en éduquant les usagers des services médicaux. Car seul un pays éduqué à cet égard pourra jouir d’un bon état de santé. »
Le rôle de l’éducation
L’éducation est la clé, martèle Luiza Spiru, qui souligne que nous disposons de nos jours de capacités capables d’évaluer le rythme de vieillissement de l’organisme humain mais aussi le risque de développer diverses maladies chroniques. Luiza Spiru :
« Il faut tout d’abord savoir nous prendre en charge, apprendre à nous aimer. Certains se demandent : à quoi bon ? Est-ce bien d’être égoïste ? Cela dit, oui, il faut être un peu égoïste, mais dans le bon sens du terme. Prendre soin de ses propres besoins, ne pas attendre jusqu’au dernier moment pour aller consulter. Chacun de nous porte la responsabilité première pour son état de santé, pour son bien-être. Je souhaite beaucoup à ce que la Roumanie intègre la « zone bleu » sur la carte du monde. En 2021 j’ai pris part au tournage d’un documentaire réalisé par Digi World. Ce fut l’occasion de côtoyer des centenaires, des gens dont le style de vie semble être à mile lieues du style de vie des générations actuelles, abreuvées au numérique. Des gens qui ont fait la guerre, qui ont affronté des périodes terribles. Mais qui n’ont pas ployé sous le fardeau, qui ne se sont pas laissé aller. Et qui sont toujours des êtres éminemment sociaux, qui n’arrêtent pas de s’intéresser au monde, qui se soignent, qui mangent sainement, qui se réjouissent de la vie, qui en profitent, même si la vie n’a pas été toujours aussi généreuse avec eux. Des gens heureux lorsqu’ils se lèvent au matin, lorsqu’ils peuvent aller à la messe, des gens qui ne fuient pas leurs responsabilités et qui ont fait leur devoir. La responsabilité est l’une des caractéristiques communes de tous ces centenaires, de tous ceux qui ont la chance de connaître le grand âge et de savoir en profiter ».
Si l’espérance de vie augmente, il faut encore savoir nous concentrer sur la qualité de vie au grand âge. « Vivre plus longtemps, vivre mieux et de manière autonome constitue sans aucun doute le souhait que chacun d’entre nous chérit dans son cœur », conclut Luiza Spiru.