Coup d’envoi des négociations d’adhésion à l’UE de l’Albanie et de la Macédoine du Nord
L’Union européenne a enfin donné le coup d’envoi des négociations d’adhésion avec l’Albanie et de la Macédoine du Nord, après avoir dépassé les réticences exprimées par certains Etats membres. De la sorte, selon les officiels de Bruxelles, l’UE remplit ses obligations et tient ses promesses. Aussi, cette décision conforte-t-elle l’importance géostratégique de la région des Balkans occidentaux, démontrant du coup la capacité de l’Europe à rebondir en matière de géopolitique alors même que le continent se trouve aux prises avec la terrible pandémie de coronavirus, comme l’affirme Olivér Várhelyi, le commissaire européen à l’Elargissement. Il s’est empressé de tweeter: « Je félicite les deux Etats. Cette décision renvoie un message on ne peut plus clair à toute la région des Balkans occidentaux : votre avenir se trouve au sein de l’UE. ».
Eugen Coroianu, 10.04.2020, 00:30
Pour comprendre la position de Bucarest à ce sujet, nous avons approché Iulia Matei, secrétaire d’Etat chargée des Affaires européennes, au ministère des Affaires étrangères de Bucarest. « Les décisions prises durant cette période par l’UE concernant l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord recouvrent sans doute une importance particulière, d’abord pour ces deux Etats, mais encore au niveau européen, car il s’agit d’un signal fort, indiquant le fait que la politique d’élargissement est une politique clé de l’Union. La décision revêt d’autant plus d’importance qu’elle tombe après une longue suite d’atermoiements sur la question. Avoir réussi à prendre cette décision dans le contexte actuel, occupé par la gestion de la pandémie, réitère la capacité dont dispose l’UE à observer ses engagements pris auprès de ses partenaires des Balkans occidentaux, et la capacité de Bruxelles à reconnaître les progrès significatifs accomplis par ces deux Etats dans leur parcours européen. »
Et il est vrai que les deux pays candidats ont dû batailler ferme avant de voir leur rêve s’accomplir. En effet, la France et les Pays-Bas ont, à plusieurs reprises, exprimé leurs réserves à égard de l’évolution des deux Etats dans les domaines de la démocratie et de la lutte contre la corruption. Ils craignaient par ailleurs de mettre à mal la cohésion du bloc communautaire dans une période dominée par l’affaire du Brexit. Mais Paris et La Haye ont adouci dernièrement leur position, le processus pouvant s’accélérer en dépit de la crise provoquée par la pandémie. La Grèce a elle aussi été convaincue de changer le fusil d’épaule, après que l’Albanie avait accordé des garanties plus fermes aux minorités nationales.
Quant à la position de Bucarest, Iulia Matei précise:« La Roumanie a maintenu sa position de principe, qui est celle de soutenir l’élargissement de l’UE. Pour la Roumanie, ce processus constitue un investissement stratégique en matière de stabilité dans la région, et fait partie des efforts d’ensemble visant le raffermissement de l’Union. Au départ de notre propre expérience comme Etat candidat et compte tenu du bilan des réformes que nous avions traversées grâce à ce processus, il est évident que l’élargissement a des retombées positives, autant pour l’Etat candidat que pour l’ensemble de l’Union. Des retombées positives en matière politique, pour ce qui est de la structure démocratique, de la convergence économique et sociale, de la réduction des décalages au niveau européen. Par conséquent, nous avons constamment soutenu l’ouverture des négociations entre l’UE et l’Albanie et la République de Macédoine, perçue comme une priorité de la présidence roumaine du Conseil de l’UE, au premier semestre de 2019, et encore par la suite. »
La Roumanie ne peut dès lors que saluer l’intention de la Commission de présenter les propositions qui vont jalonner les négociations avec les deux Etats candidats. Bucarest plaide pour que les réunions au niveau des deux gouvernements puissent être organisées aussi vite que possible, avant la fin de l’année en cours. La Macédoine du Nord vient par ailleurs de rejoindre l’Alliance de l’Atlantique du Nord, au terme d’un long processus, qui a vu ce pays changer son nom officiel, pour devenir le 30e Etat membre de l’OTAN. « Nous avons exaucé les vœux des générations de Macédoniens », affirmait, à l’occasion, par voie de communiqué le gouvernement de Skopje. « La Macédoine du Nord fait aujourd’hui partie de la famille nord-atlantique, qui recense une trentaine de nations et près d’un milliards de gens. Une famille qui partage la certitude que l’on est plus fort et plus en sécurité ensemble, peu importe les défis qui nous attendent », avait souligné, à son tour, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. « L’adhésion représente le point d’orgue de beaucoup d’années d’efforts consentis par le gouvernement et les citoyens de la Macédoine du Nord », avait conclu Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain, alors que la Macédoine du Nord venait de déposer les instruments de ratification du traité d’adhésion à Washington, capitale de la puissance dépositaire du traité de l’Atlantique Nord.
Mike Pompeo avait aussi mis en avant le fait que, dotée de cette nouvelle qualité de membre de l’OTAN, la Macédoine du Nord irait de l’avant sur la voie des réformes démocratiques et d’une intégration accrue dans le domaine du commerce, tout autant qu’elle militerait pour un renforcement de la sécurité et pour le maintien de la stabilité dans la région. Le secrétaire d’Etat américain a par ailleurs tenu à souligner que la porte de l’OTAN demeurait ouverte aux autres candidats potentiels. L’année précédente, la Macédoine avait finalement consenti à changer son nom officiel, devenant du coup la République de Macédoine du Nord, réglant ainsi une vieille querelle qui l’opposait à la Grèce, Etat membre de l’OTAN et de l’Union européenne. C’était un pas considéré par Athènes comme un préalable au processus de l’adhésion de Skopje aux deux organisations. Pour sa part, l’Albanie avait déjà rejoint l’OTAN dès 2009. (Trad. Ionuţ Jugureanu)