Compétition, mais dans quelles conditions?
Corina Cristea, 01.04.2016, 15:36
Depuis près de trois ans, les pays représentant 70% du commerce mondial des services mènent des négociations censées aboutir à un nouvel accord réglementant ce domaine, connu sous son acronyme anglais TISA (Trade in Services Agreement), en français ACS. Parmi les 23 participants à ces négociations, l’UE fait figure d’entité unique. Pourquoi élaborer un nouvel accord? Premièrement parce qu’il faut réglementer certains services, qui sont apparus ou se sont développés après 1994, date de l’entrée en vigueur du texte actuel. Le marché numérique en est un exemple. Une autre raison à cela est celle du poids toujours plus important des services dans le PIB. Selon la Banque mondiale, la valeur ajoutée apportée au PIB global par ces services est allée croissant: 53% en 1970, 57% en 1990, 67% en 2000 et 70% en 2011. Les discussions actuelles visent à établir un paquet minimum d’exigences pour le commerce par secteurs, tel les finances ou les transports.
Les députés européens ont voté en février une résolution pour changer l’orientation de la politique commerciale de lUE, dans lintérêt des entreprises et des consommateurs de lUE. « Le vote daujourdhui est révolutionnaire. Je suis fière davoir réuni un large soutien à travers léchiquier politique en ce sens » a déclaré le rapporteur Viviane Reding. « Hier, la Commission européenne avait un chèque en blanc. Aujourdhui, elle est liée par un mandat parlementaire très clair. Si nos recommandations sont respectées, lACS donnera plus de droits à nos concitoyens dans lUE et supprimera certains obstacles à nos entreprises à létranger. Dans le cas contraire, le Parlement nhésitera pas à opposer son veto à cet accord », a-t-elle ajouté. Tout cela parce que « nous ne souhaitons pas que l’ACS mine nos services publics, notre culture, la législation du travail, les normes sur l’environnement, les normes de protection des consommateurs, des données — autrement dit notre façon de vivre en Europe » — a précisé le rapporteur.
Afin de protéger les entreprises de l’UE à l’étranger d’une compétition déloyale, les députés ont mandaté les négociateurs communautaires à demander l’ajustement des pratiques des tiers Etats contre les compagnies de l’UE, entre autres celles liées à la localisation obligatoire des données ou aux limites de capital étranger. Ils souhaitent également moins de bureaucratie pour les PMEs et — ce qui est peut-être le plus important — une réciprocité dans l’ouverture des marchés, visant notamment les appels d’offres publics internationaux, les transports, les services financiers et numériques. Et cela dans les conditions où, à présent, les services de l’UE sont déjà plus ouverts à la compétition internationale que ceux de ses partenaires.
Il faut des règles très claires, compte tenu de la compétition, explique la députée européenne Norica Nicolai: « On ressent le besoin d’un certain type de protection. Nous connaissons tous les conséquences des services financiers développés sans réglementations concernant la crise. On envisage également la levée des barrières commerciales entre l’UE et les tiers Etats. Les débats concernant la main d’œuvre, la mobilité intérieure et extérieure de la main d’œuvre ont également été très importants, à mon avis. Je dois dire que, malheureusement, une tendance à limiter l’accès sur le marché de l’emploi se fait sentir au sein de l’UE. On propose également d’introduire une clause de référence (Golden Standard Clause) visant la main d’œuvre hautement qualifiée que l’UE souhaite attirer. Et, à mon avis, le vol de cerveaux se poursuit, car tout le monde en a besoin. »
Les statistiques prouvent que l’UE, dans son ensemble, est le principal exportateur, mais aussi importateur mondial de services. Cette position est-elle menacée d’une façon ou d’une autre ? Norica Nicolai : « Non, non, cette position n’est pas menacée à l’heure actuelle, surtout que l’économie globale est en récession et un grand nombre d’Etats ne renonceront pas aux mesures protectionnistes qui leur donnent une chance de maintenir leur croissance et de limiter les pertes. Pourtant, certes, dans la mesure où d’autres services se développeront suite à l’évolution technique, certains services de l’UE pourraient être touchés sur le court terme. Nous finaliserons ces négociations dans 5-6 ans ; on pourra parler d’un accord général concernant le commerce avec des services vers 2020-2025. »
L’évolution de l’économie roumaine ces dernières années la classe dans la catégorie des économies émergentes, qui a traversé une période de surchauffe et à présent elle est en train de récupérer. Son secteur des services est en dessous de la moyenne européenne. Sa structure change également, les secteurs à moindre valeur ajoutée — comme l’agriculture, par exemple — cèdent le pas aux secteurs à valeur ajoutée importante, ce qui est bénéfique et contribue à remplir les critères de convergence réelle qui lui permettent d’intégrer la zone euro — estiment les analystes.
Selon les données publiées par l’Eurostat, la Roumanie a enregistré la 3e croissance économique la plus importante de l’UE au dernier trimestre 2015. Elle rejoint ainsi la Suède, la République Tchèque et la Slovaquie. (trad: Mariana Tudose, Dominique)