Comment dessiner une carte ?
La réforme territoriale est un thème récurrentdans la Roumanie de ces derniers temps. La classe politique, dans son ensemble, se dit favorable à cette idée et avance comme principal argument les bénéfices découlant de l’accès aux fonds européens. C’est le découpage proprement-dit des régions qui fait traîner le processus. Alors que l’importante minorité ethnique magyare, concentrée au centre du pays, dans les comtés de Harghita, Covasna et Mureş, souhaiterait que ces derniers forment une seule et même région, les décideurs politiques déclarent qu’il est hors de question de prendre en compte le critère ethnique.
Le vice-premier ministre Liviu Dragnea annonçait récemment, le lancement du processus d’élaboration du cadre législatif nécessaire pour mettre en place le projet de décentralisation régionale et administrative. Selon le même officiel, qui mènera le comité interministériel chargé de centraliser les analyses, études et rapports du Conseil consultatif – formé d’experts, politiciens, membres de l’administration locale et représentants de la société civile – ce projet, qui devrait être finalisé le 1er juillet, repose sur le découpage du territoire conçu en 2007 et en huit régions de développement régional.
Pourtant, Simion Creţu, directeur général de l’une de ces régions, s’attend à ce que la démarche dure plus longtemps : « A mon avis, ce processus de régionalisation ne s’achèvera pas d’ici deux ans. Il faut compter sur un calendrier beaucoup plus étendu, qui permette d’aboutir à des régions administratives vraiment fonctionnelles. Des problèmes il y en aura partout, depuis ceux relatifs à l’établissement des chef-lieux jusqu’à la gouvernance effective de ces régions dans la période de transition qui s’étend de 2014 à 2016, soit jusqu’aux futures élections municipales, qui seront probablement doublées d’élections régionales. »
Corina Cristea, 01.03.2013, 16:32
Par ailleurs, Simion Creţu plaide en faveur d’une ample consultation populaire, censée garantir la réussite d’une telle démarche. Une position que partage aussi Diana Iancu, docteur en sciences administratives, spécialisée dans la gouvernance multi-niveaux. Dans un entretien à la radio publique roumaine, elle insistait sur la nécessité que les facteurs impliqués dans l’élaboration du cadre législatif et organisationnel ne perdent pas de vue le principal bénéficiaire de cette réforme, à savoir le citoyen. Diana Iancu : « La régionalisation, telle qu’elle se dessine actuellement dans les discussions avec le gouvernement, est plutôt conçue comme une solution technique. Je pense qu’il nous faudrait parler davantage de la valeur ajoutée d’un tel type de gouvernance, plus proche du citoyen. Par delà les aspects liés à la répartition des compétences dans tel ou tel domaine, y compris celui des fonds européens, je crois qu’il faut se poser la question très importante de savoir qui est responsable devant les citoyens. Ces derniers pourraient se demander qui assumera finalement la responsabilité si les choses ne marchent pas comme il faut. »
Les principes de réorganisation administrative, approuvées par le gouvernement, prévoient pour chacune des futures régions un président et un conseil, élus par suffrage universel, chargés de gérer les budgets locaux, l’argent européen et les fonds alloués par le gouvernement. Ils auront donc des compétences accrues par rapport aux pouvoirs locaux en place actuellement. Le nombre, la configuration et le fonctionnement des nouvelles entités territoriales devraient être établis après consultation populaire.
Dans le même temps, on maintiendra les départements qui composent à présent la carte de la Roumanie. Ceci étant, ne risque-t-on pas d’alourdir la structure administrative au lieu de la simplifier? Réponse avec Diana Iancu: « Cette crainte existe. Bien des démarches déployées en ce moment au sein de l’UE vont plutôt dans un sens contraire, c’est-à-dire vers la recentralisation et l’on discute de plus en plus souvent d’arrangements entre municipalités, territoires et groupes territoriaux qui transcendent les frontières nationales. Il n’est pas moins vrai, cependant, qu’il existe aussi des situations toutes autres. Prenons l’exemple de la Slovaquie, qui subit à présent un ample processus d’émiettement territorial. A considérer l’évolution de l’économie dans ce pays, on dirait une possible clé de la réussite. C’est ça le fond du problème. D’autre part, le morcellement excessif des structures territoriales ne risque-t-il pas d’aboutir au double emploi et, partant, de rendre plus difficile la solution des problèmes? »
Diana Iancu a, dans ce contexte, rappelé d’autres modèles européens que la Roumanie pourrait prendre en compte : « Quand on discute des modèles de bonnes pratiques, il faut savoir qu’il y a des normes générales et un principe fondamental selon lequel la gouvernance doit s’exercer au plus près du citoyen. Plusieurs exemples me viennent à l’esprit: les réformes territoriales entreprises au Danemark, le groupe d’arrangements en Suède ou bien la gouvernance néerlandaise, plus centralisée que l’on ne croirait. Enfin, il est très intéressant aussi le modèle de gouvernance multi-niveaux qui existe en République Tchèque. »
Ce ne sont là que quelques modèles dont la Roumanie pourrait s’inspirer pour le re-découpage de sa carte, en tenant compte, bien évidemment, des spécificités locales et des attentes par rapport à la réforme territoriale envisagée. (trad. : Mariana Tudose)