Comment définir la famille ?
Plus de 3 millions de Roumains ont signé en faveur dun projet censé modifier la Constitution pour redéfinir la famille comme étant « lunion librement consentie entre un homme et une femme » au lieu « dunion entre deux époux », comme elle est définie actuellement. Une initiative qui appartient à un groupe dassociations rassemblées dans ce que lon appelle « la Coalition pour la famille ».
Corina Cristea, 14.07.2017, 12:54
Plus de 3 millions de Roumains ont signé en faveur dun projet censé modifier la Constitution pour redéfinir la famille comme étant « lunion librement consentie entre un homme et une femme » au lieu « dunion entre deux époux », comme elle est définie actuellement. Une initiative qui appartient à un groupe dassociations rassemblées dans ce que lon appelle « la Coalition pour la famille ».
Selon le président du comité dinitiative constitutionnelle, Mihai Gheorghiu, il sagit dune première historique, nationale et européenne, soutenue tant par les orthodoxes que par les catholiques et les protestants. « Cest pour la première fois dans lhistoire moderne de la Roumanie quil existe 3 millions de signatures pour une révision de la Constitution. Cette solidarité humaine ne pourra pas être évitée et le projet sera pris en compte, même sil existe actuellement un silence qui est de mauvais augure », déclarait Mihai Gheorghiu au moment de la déposition des signatures au Sénat. Entre temps, la situation a progressé, si bien que cette initiative citoyenne a reçu laval de la Chambre des députés début mai.
Parmi les partis, cest lUnion Sauvez la Roumanie, dopposition, qui soppose le plus vivement à cette initiative. Un de ses députés, Dan Barna, a affirmé quil respectait le droit dinitiative des citoyens, mais quil estimait que lorganisation dun référendum à ce sujet, bien quobligatoire dun point de vue procédural, favoriserait une division au sein de la société roumaine.
Dan Barna : « La famille traditionnelle est-elle une valeur importante pour notre société ? Oui, sans doute. Est-ce que la tolérance et le respect des minorités sont des valeurs importantes pour notre société ? Oui, sans doute. Soyons honnêtes et regardons-nous droit dans les yeux ! Ce référendum force les citoyens de la Roumanie à mettre ces deux valeurs dans une hiérarchie. Ce référendum approfondit une fracture au sein de la société actuelle. »
Cette initiative nest pas orientée contre qui que ce soit, ce nest pas un geste dintolérance, réplique le sénateur de lAlliance des Libéraux et des Démocrates (au pouvoir), Varujan Vosganian: « Je nai jamais imaginé que lidée de la maternité complétée par lidée de la paternité puisse être intolérante ! En fait, cest sur cela que repose la condition humaine ! Cest sur cela que repose la tradition de notre peuple ! Souligner que dans une famille, un enfant doit appeler un des parents « mère » et lautre – « père », cela nest pas dirigé contre quiconque, aux termes de la Constitution, chacun est libre de vivre selon ses désirs, ses aptitudes et ses affinités ! »
Une partie de la société civile conteste vivement ce projet. Parmi les arguments énoncés, mentionnons le fait que la définition proposée de la famille existe déjà dans le Code civil. En plus, on pourrait se retrouver dans des situations compliquées. Par exemple, dans le cas où un homme qui a subi une intervention de changement de sexe à létranger revient en Roumanie et souhaite officialiser sa relation avec un homme.
Dans toute cette équation, lintervention de lEglise orthodoxe est perçue comme une tentative de ressusciter la confiance des Roumains dans cette institution. Les prêtres de Roumanie ont commencé à collecter des signatures pour la modification de la Constitution, car, aux dires du Patriarche Daniel, « la famille traditionnelle se retrouve dans une situation fragile et difficile, car son modèle est considéré par certaines personnes comme étant vieilli ou périmé » et parce que « nous vivons dans un contexte dominé par une mentalité individualiste est sécularisante, qui ne cherche pas à sanctifier la vie par la prière, la naissance denfants et leur éducation dans lesprit de la foi chrétienne. » Cest pourquoi, poursuit le patriarche Daniel, « il faut soutenir leffort de défendre la famille naturelle, traditionnelle, universelle et de résister aux nouveaux modèles de famille, qui estiment que lunion naturelle entre un homme et une femme nest quun modèle parmi dautres. »
Dans le camp opposé, invitée à soutenir sa cause à la Radio publique, Teodora Rossetti, coordinatrice de programmes de lAssociation ACCEPT, a expliqué la position de son organisation qui lutte depuis 20 ans déjà pour les droits des personnes LGBT en Roumanie : «ACCEPT voit cette initiative comme une démarche redondante, dont le but est de victimiser et de stigmatiser les personnes LGBT, mais aussi de distraire lattention du public des problèmes extrêmement réels auxquels la société est confrontée, et notamment la famille de Roumanie. Au moment où lensemble du débat public ne vise que la communauté des personnes gays, lesbiennes, bisexuelles et transgenres de Roumanie et que ces personnes soient présentées comme une menace – fictive à notre avis – à ladresse de la famille et du bien-être de celle-ci, à ce moment-là, nous dirigeons la haine latente de la société, des gens mécontents de différents soucis de leur vie quotidienne, contre ce groupe minoritaire, presque invisible en Roumanie, un groupe dont très peu de droits sont reconnus et qui a des problèmes majeurs côté protection par la loi. On est donc bien loin des problèmes réels auxquels la famille roumaine est confrontée. »
Sans nier les questions invoquées par Teodora Rosetti, le représentant de la Coalition pour la Famille, Catalin Vasile, affirme que la démarche initiée au Parlement afin de redéfinir la famille est nécessaire pour que les choses soient stipulées clairement dans la loi fondamentale du pays. A son avis, pour être un milieu propice pour élever des enfants, pour leur développement, pour leur éducation, le mariage doit être conclu entre un homme et une femme. Si la proposition est avalisée par le Sénat, les Roumains seront appelés à exprimer leur opinion dans un référendum organisé dans les 30 jours suivant ladoption du projet. (Trad. Valentina Beleavski)