Cartes géopolitiques
Le lancement effectif de la deuxième étape de déploiement du bouclier antimissile global, l’élargissement de l’OTAN en Europe et la menace d’une militarisation de l’Arctique représentent dans l’opinion du leader du Kremlin autant de menaces à l’adresse de l’équilibre stratégique mondial. Prenant la parole à la réunion du ministère de la Défense, axée sur les résultats de 2012, le président russe, Vladimir Poutine, a ciblé son discours sur les priorités russes en matière de sécurité et a passé en revue les principales sources d’inquiétude: la multiplication des zones d’instabilité, les conflits armés du Moyen Orient et une détérioration grave de la donne en Asie Centrale, à proximité immédiate des frontières de la Russie.
Corina Cristea, 23.08.2013, 13:00
Le lancement effectif de la deuxième étape de déploiement du bouclier antimissile global, l’élargissement de l’OTAN en Europe et la menace d’une militarisation de l’Arctique représentent dans l’opinion du leader du Kremlin autant de menaces à l’adresse de l’équilibre stratégique mondial. Prenant la parole à la réunion du ministère de la Défense, axée sur les résultats de 2012, le président russe, Vladimir Poutine, a ciblé son discours sur les priorités russes en matière de sécurité et a passé en revue les principales sources d’inquiétude: la multiplication des zones d’instabilité, les conflits armés du Moyen Orient et une détérioration grave de la donne en Asie Centrale, à proximité immédiate des frontières de la Russie.
Et puisque de tels défis risquent de porter atteinte aux intérêts nationaux de Moscou, ils entraînent, a affirmé Poutine, le choix des priorités politiques. Le correspondant Radio Roumanie à Moscou, Alexandr Beleavschi, explique: « Parmi les concepts fondamentaux sur lesquels repose la nouvelle doctrine de politique étrangère de la Russie figure celui dit de la sécurité indivisible. Aux termes de cette doctrine, la Russie entend développer ses futurs rapports avec l’OTAN compte tenu de la volonté de l’Alliance de construire un partenariat d’égal à égal, de respecter le droit international. Les relations russo-otaniennes seront dictées par les pas que l’Alliance sera prête à franchir vers la création d’un espace commun de paix et de sécurité dans la région euro- atlantique. Et aussi par la façon dont elle assumera son engagement adopté lors du Conseil OTAN-Russie de ne pas renforcer sa propre sécurité au détriment d’autrui. En fait, cette nouvelle doctrine vient confirmer l’attitude négative adoptée par la Russie face à l’élargissement de l’OTAN et face au rapprochement de l’infrastructure militaire de l’Alliance de ses frontières ».
Sur l’ensemble des priorités russes, c’est le lancement d’une union eurasienne proposée par le président Poutine, tout comme un renforcement d’un espace économique commun de la Russie, du Bélarus et du Kazakhstan qui figurent en tête de liste.
Parallèlement, Moscou se donne pour tâche de contribuer à la structure multipolaire du pouvoir dans le monde à travers le développement des mécanismes de réaction collective face aux menaces à l’adresse de la sécurité régionale. Pour cela, la Russie se propose de renforcer la composante militaire de l’Organisation du Traité de sécurité collective dont font partie plusieurs anciennes républiques soviétiques sous coordination russe. Sur la toile de fond des récentes évolutions géopolitiques, le leader du Kremlin a appelé à la modernisation des forces armées russes dans les 5 années à venir. En réplique, son homologueaméricain, Barack Obama, a invité Poutine à une nouvelle réduction des armes stratégiques.
Nous repassons le micro à Alexandr Beleavschi : «Par le nouveau traité russo-américain Start, signé par les présidents Medvedev et Obama en 2010, les deux superpuissances nucléaires s’engagent à réduire leur arsenal à 1550 ogives nucléaires et 800 vecteurs, dont 700 déployés, tout au plus. Dans son discours à la nation, le président Barack Obama déclarait qu’il proposerait à la Russie de nouvelles réductions d’armements nucléaires, en dessous du niveau fixé par le nouveau traité Start. Les experts militaires russes estiment pourtant que ces propositions ne sont pas avantageuses pour leur pays.
Première raison: pour l’instant, les arsenaux nucléaires américains se situent au-dessus du niveau supérieur fixé par le traité Start, alors que les arsenaux russes se trouvent à la limite où même en dessous de ce niveau. Deuxième raison: la structure différente de leurs triades nucléaires. La triade russe est composée de missiles balistiques basés au sol, alors que celle américaine est composée de sous-marins nucléaires. Troisième raison: l’immense avantage des Etats-Unis dans le domaine des armes stratégiques conventionnelles, notamment de haute précision. Enfin, 4e et dernière raison: le voisinage géopolitique — avec la Chine, la Corée du Nord, le Pakistan et l’Iran pour la Russie contre le Mexique et le Canada pour les Etats-Unis.»
La récente rencontre de Berlin entre le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, et son homologue russe, Sergueï Lavrov, n’a apporté de réponse concrète à aucun des problèmes majeurs qui se font jour dans les relations russo-américaines — celui du bouclier antimissile compris. Avant cette rencontre, on avait évoqué un éventuel compromis entre la Russie et les Etats-Unis — sous la forme d’une déclaration politique à caractère exécutoire signée par les présidents des deux pays et stipulant que le bouclier antimissile n’était pas dirigé contre la Russie.
Après les pourparlers de Berlin, le chef de la diplomatie russe a démenti ces spéculations. Il a affirmé que si l’on ne pouvait pas aboutir à un accord sur la mise en place d’un bouclier antimissile commun, Moscou attend non pas des déclarations, mais des garanties que celui-ci n’est pas dirigé contre la Russie. Des garanties que l’on puisse vérifier à partir de critères techniques et militaires, mais que Washington a déclaré, à plusieurs reprises, ne pas pouvoir offrir.
Pour l’instant, Moscou a alloué 650 milliards de dollars à son programme de dotation et de modernisation de l’armée pour 2011-2020 — somme record pourtant difficile à assurer, selon les experts. (trad.: Ioana Stăncescu, Dominique)