Brexit, la suite
Moment intéressant et dangereux à la fois, qui ouvre de nouvelles perspectives, remarquait Dan Mihalache, l’ambassadeur roumain à Londres, au micro de Radio Roumanie. Ecoutons-le :« Finalement, le Brexit fera date, car il s’agit du premier Etat qui quitte l’UE, et cela après en avoir été membre durant 47 années. Il s’agit d’une démarche dont l’on ignore l’issue et les conséquences, autant pour le Royaume-Uni que pour l’Union. Il y a dans ce processus un bon nombre d’impondérables qui dépendent de beaucoup de choses, depuis le statut des ressortissants des deux entités, et jusqu’aux questions de détail, tel le statut du trafic aérien ou le niveau de la taxation. Au fil des ans, l’Union et la Grande-Bretagne ont noué mille liens, et il ne s’agit pas juste d’une question de législation. Défaire et renouer ces liens constitue un processus complexe et un sacré boulot. Il s’agit d’une sorte d’aventure héroïque, la première que l’on devra résoudre en ce début de siècle. Cela changera aussi notre perspective, car l’image de stabilité, de continuité, de solidité qu’était rattachée à cet ensemble qu’est l’Union européenne est mise à mal. Parce que, voilà, un pays à fait le choix de séparer son destin du destin commun. »
Corina Cristea, 14.02.2020, 14:32
La période de transition a démarré le 1er février 2020 et s’étendra sur une période de 11 mois. Elle pourra être prolongée une seule fois, d’une ou de deux années. Evidemment, Bruxelles pourrait offrir à Londres un accord commercial extrêmement ambitieux, soit une sorte de nouvelle union douanière, mais le Royaume-Uni devrait en revanche s’engager à observer l’ensemble des règles communautaires en la matière, comme l’avait annoncé déjà le négociateur en chef du Brexit du côté européen, Michel Barnier. Par contre, à Londres le premier ministre Boris Johnson assure à qui veut l’entendre qu’il n’acceptera pas de lier le sort du futur accord commercial au respect des règles européennes, au même titre qu’il n’obligera pas l’Union à observer les règles britanniques. Aussi, à l’occasion de son premier discours public post Brexit, Boris Johnson s’était fait le chantre du libre commerce. Il a par ailleurs parlé dans le contexte des accords commerciaux que le royaume entend sceller avec les Etats-Unis et les pays du Commonwealth, des négociations qui démarreront sans plus tarder.
L’analyste économique Constantin Rudniţchi craint la complexité de la situation, ainsi que la difficile tâche des négociations à venir, où chaque entité essayera d’obtenir des avantages compétitifs au dépens de l’autre, et essayera de faire valoir sa propre vision du monde. Constantin Rudniţchi : « Ce dont l’on est sûr, c’est que l’on va passer dans la phase des négociations d’un accord commercial. Les analystes s’accordent pour affirmer que l’on entre dans un territoire inconnu, dans la zone crépusculaire. Les négociations commerciales vont démarrer incessamment, mais nous ignorons tout de la date éventuelle d’un futur accord. Certes, l’on dispose de quelques repères. Comme, par exemple, le fait que tout le monde souhaiterait un accord commercial qui poursuive la pratique des zéro taxes commerciales. Donc : pas de taxes de douanes, ou d’autres barrières de quelque nature que ce soit. Mais, nous allons voir si cela était un objectif réaliste. Certains en doutent. Pourquoi cela ? Eh bien, parce que, d’une part, l’UE envisage une intégration accrue au sein du bloc communautaire, ce dont la Grande-Bretagne avait longtemps refusé. L’Union s’était, par exemple, proposée de conclure un ambitieux pacte dans les domaines de l’Energie et de l’Environnement, une sorte de « green deal », chose louable, mais qui amènera une augmentation des coûts de production dans ce domaine. Or, à ce moment-là, elle perdra ses avantages compétitifs, et nous ne pouvons pas ignorer la perte de compétitivité que cela entraînera en rapport avec les autres zones économiques du monde. Une autre question concerne la libre circulation de la main d’œuvre entre le Royaume-Uni et l’UE, et là aussi les points de vue peuvent diverger. Seul un paquet commun, par exemple aller de l’avant avec la libre circulation, à la fois des capitaux, des marchandises pourrait résoudre le dilemme. Mais Londres s’oppose à la libre circulation des personnes, de la main d’œuvre, donc la solution du paquet commun ne s’avèrera probablement pas viable ».
Tout le monde perd finalement au change, appréciait le docteur en économie Mihai Sebe, membre de l’Institut européen de Roumanie. Qu’il s’agisse, pour l’Union, de la perte de l’importante contribution britannique à son budget ou, tout simplement, des pertes immatérielles, tel le prestige international. Mihai Sebe : « N’oublions pas l’importance du rôle que jouait la Grande-Bretagne dans le domaine de la défense. Ou encore, dans le domaine académique. Après le Brexit, l’Europe n’aura plus de représentante dans le top 25 mondial des universités. Par ailleurs, et venant à l’encontre du discours triomphaliste des partisans du Brexit, le Brexit en soi peut être vu comme l’apogée d’une longue période de déclin du prestige britannique sur la scène internationale. »
Un processus qui avait démarré, selon Mihai Sebe, dès la fin de la Première Guerre mondiale, et qui s’est poursuivi par le retrait britannique progressif au niveau international au profit d’autres acteurs qui ont émergé depuis. (Trad. Ionut Jugureanu)