Brexit, analyse depuis Bucarest
Les Britanniques ont voté jeudi à 51,9% des voix pour sortir de l’Union européenne, contre 48,1% pour rester, selon les résultats définitifs publiés vendredi matin par la commission électorale. 17,4 millions de personnes ont voté pour le Brexit et 16,1 millions pour rester dans l’UE. Quelles sont les conséquences du Brexit sur le Royaume-Uni et sur l’Europe ? Voici une analyse depuis la Roumanie.
Corina Cristea, 24.06.2016, 13:42
13 des scientifiques britanniques les plus importants ont soutenu la campagne en faveur du maintien de la Grande Bretagne dans l’Union européenne, avant le référendum du 23 juin motivant qu’un Brexit ne ferait que péricliter la recherche au Royaume Uni. Dans le cadre d’une lettre publiée par le quotidien « The Telegraph », plusieurs lauréats nobélisés ont affirmé que l’UE permettait aux hommes de science de se déplacer librement et de collaborer dans la cadre de coopérations qui disparaîtraient en cas de Brexit. Ce qui plus est, les financements européens risquaient de disparaître si les citoyens du Royaume-Uni votaient en faveur d’une sortie de l’Union européenne, et le domaine scientifique britannique souffrirait à l’échelle mondiale. Ce n’est qu’un des multiples domaines touchés par la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, dont les conséquences sont toujours difficiles à anticiper. Que signifie ce vote en faveur de la sortie du Royaume Uni de l’UE et comment devrait-il être compris ? Réponse avec l’analyste de politique étrangère Iulian Chifu : « Le scénario d’un retrait du Royaume-Uni de l’UE est un signal extrêmement mauvais et pas seulement en raison de l’exceptionnalisme britannique, mais aussi à cause du modèle que Londres pourrait imprimer à l’UE. J’ai vu un sondage aux Pays-Bas, où il y a une majorité sensible 38% contre 28% qui souhaite un référendum pour la sortie de l’UE. J’ai vu ailleurs aussi cette fracture, notamment en Europe Centrale. Un tel sujet une fois exposé au Royaume-Uni se mettra en marche aussi dans les principaux Etats bénéficiaires de l’intégration européenne – République tchèque, Slovaquie, Pologne, Hongrie. Une réaction de type domino est le principal danger du Brexit. Par ailleurs, nous ne devons pas oublier que l’UE demeure l’espace économique unique. Il serait extrêmement compliqué pour la Grande Bretagne de gérer une formule de sortie de l’UE, et en même temps de présence à l’intérieur de cet espace économique. Il s’agit, à mon sens, d’une question de nature hypothétique, puisqu’il existe déjà des prises de position aussi en matière de sécurité et en matière de réfugiés et dans le domaine disons de la circulation de la main d’œuvre, notamment dans les domaines commercial et économique, réactions qui pourraient produire carrément un écroulement du Royaume-Uni. »
Iulian Chifu évoque un autre argument pour lequel les Britanniques auraient dû choisir de rester au sein des structures européennes : « Certaines régions du Royaume-Uni sont entièrement dépendantes des fonds européens et je nomme l’Ecosse et le Pays de Galles. De ce point de vue, en quittant l’UE suite à un Brexit, au moins le séparatisme écossais pourrait être remis sur le tapis puisque les Ecossais souhaitent rester membres de l’UE, tout comme le séparatisme d’autres régions plus pauvres qui dépendent de fonds que le Royaume-Uni ne peut pas fournir, notamment dans le secteur de l’élevage et de l’agriculture en général. »
De possibles suites régionales et globales graves dans le cas d’un tel scénario ont également été évoquées. Quelles sont ces conséquences présumées ? Seraient-elles proportionnelles au le rôle que joue le Royaume Uni au sein de l’Union Européenne ? Iulian Chifu : « Non, l’impact serait beaucoup plus grand parce qu’il s’agit d’un précédent et d’un effet de domino, susceptible d’entraîner d’autres pays. Nous pouvons analyser ce sujet aussi en termes sécuritaires. Tant le Royaume Uni que les autres Etats de l’UE y perdraient. Une telle rupture pourrait produire une brèche à l’intérieur même de la construction institutionnelle euro-atlantique. Hormis les effets de nature économique, la crédibilité de l’Union européenne et du processus d’intégration européenne aurait à souffrir. Le marché unique survivrait probablement, mais nombre des mécanismes d’intégration supplémentaires dans différentes autres catégories de politiques risquent de disparaître. L’espace de libre circulation de Schengen a déjà été mis en doute, probablement que d’autres projets d’intégration seront mis en attente et même remplacés, voire éliminés. »
Le Brexit pourrait-il provoquer un démantèlement de l’Union européenne ? De l’avis de Iulian Chifu, un tel scénario serait carrément impossible : « Une désintégration de l’UE est actuellement impossible puisqu’elle aurait des conséquences négatives sur toute l’Union européenne, y compris pour le Royaume Uni. Donc en raison de la composante espace économique commun, union douanière, zone économique, il est peu probable qu’un des Etats membres décide de se retirer de l’UE. Cela impliquerait des coûts majeurs pour chacun d’entre eux. Reste à voir si les projets dans lesquels le Royaume Uni n’était pas inclus, à savoir la monnaie unique et l’espace de libre circulation Schengen, seraient eux aussi touchés. Mais nous pouvons imaginer des scénarios dans cette direction aussi. Je le répète et je veux le souligner clairement, nous ne parlons que d’éléments hypothétiques. »
De l’avis de Iulian Chifu, un signal électoral consistant, l’élection d’un maire d’origine pakistanaise à Londres, illustrait clairement l’orientation du Royaume Uni vers l’ouverture, vers le multiculturalisme, plutôt que vers la fermeture et l’autarcie. Et pourtant, les Britanniques ont voté « Leave ». (trad. Alex Diaconescu)