La Roumanie de plein pied en l’espace Schengen
Les nouvelles frontières de l’espace Schengen ont ainsi été déplacées aux frontières qui séparent la Roumanie et ses voisins non membres de l’UE, une question qui a longtemps inquiété certains gouvernements des Etats membres (souvent de droite ou d'extrême droite), ayant pour conséquence de repousser pendant longtemps l'adhésion de ces deux nouveaux membres à l'espace de libre circulation.
Corina Cristea, 10.01.2025, 11:00
Les frontières extérieures de l’espace Schengen se sont élargies avec l’entrée des frontières terrestres de la Roumanie et de la Bulgarie dans cet espace à partir du 1er janvier dernier, à la suite de la décision prise par le Conseil Justice et Affaires intérieures le 12 décembre 2024. Les nouvelles frontières de l’espace Schengen ont ainsi été déplacées aux frontières qui séparent la Roumanie et ses voisins non membres de l’UE, soit la Serbie, la République de Moldova et l’Ukraine. Plus au sud, les frontières de l’espace Schengen épousent dorénavant les frontières de la Bulgarie avec la Serbie, avec la Macédoine du Nord et la Turquie.
Une adhésion sans cesse repoussée à cause des craintes de certains Etats membres sur la question de l’immigration
Mais c’est précisément les risques d’immigration illégale au long de la frontière qui sépare la Bulgarie et la Turquie qui ont suscité ces dernières années les réserves de l’Autriche au sujet de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’espace Schengen. Ce n’est qu’au mois de novembre dernier que Vienne s’est engagé à Budapest à lever son veto face à la demande de ces deux Etats à l’adhésion à l’espace Schengen. Malgré tout, le doute demeura encore jusqu’au dernier moment, dans le contexte où l’extrême droite hollandaise du Parti pour la liberté avait démarré une procédure parlementaire censée stopper le processus d’adhésion de ces deux Etats à l’espace Schengen.
Valentin Naumescu, professeur spécialisé dans les relations internationales à l’Université Babeş-Bolyai de Cluj, explique :
« La Roumanie devait intégrer cet espace de libre circulation depuis belle lurette, depuis le mois de mars 2011 pour être précis. A ce moment déjà, la Roumanie observait scrupuleusement les exigences techniques nécessaires à son adhésion de plein droit. Malheureusement, des situations tenant à divers contextes européens, régionaux ou de politique intérieure ont repoussé à chaque fois la date de cette adhésion. Parfois le gouvernement hollandais, parfois le gouvernement autrichien, d’autres capitales aussi, craignant la montée de l’extrême droite dans leurs pays, ont décidé de retarder à chaque occasion l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’espace Schengen. Quoi qu’il en soit, la Commission européenne a statué il y a 13 ans de cela que ces deux Etats remplissaient les exigences nécessaires à leur adhésion. »
Une adhésion qui apportera de nombreux avantages, aussi bien aux nouveaux adhérents qu’aux autres Etats membres de l’espace Schengen
Dorénavant, la Roumanie tourne la page et entre de plein exercice dans ses prérogatives de membre entier de l’UE. Même chose pour la Bulgarie. Et Valentin Naumescu salue l’adhésion de cette dernière :
« L’adhésion de la Bulgarie à l’espace Schengen est un pas important. La Grèce est dorénavant rattachée physiquement au reste de l’Union à travers la Bulgarie et la Roumanie. C’est un moment important pour l’économie de l’Union, pour les transporteurs, pour tous les Etats membres. Ecourter les temps de transport des marchandises constitue un élément essentiel pour beaucoup de producteurs et d’exportateurs européens. Une meilleure connexion économique de la région avec le reste de l’Union favorisera les investissements et diminuera les coûts. Mais au-delà des retombées économiques, la qualité d’Etat membre de l’espace Schengen représente un élément de prestige et de crédibilité. »
« Time is money », dit-on. L’adhésion à l’espace Shengen se traduira donc par une amélioration de la productivité des exportateurs roumains, mais donnera aussi un coup de pouce au tourisme de plaisance et d’affaires, au trafic routier et ferroviaire. La Roumanie devient plus compétitive et plus attrayante aux yeux des investisseurs au sein d’un marché économique européen très compétitif. Par ailleurs, les zones de frontière sont vouées à devenir rapidement de véritables hubs commerciaux. En l’absence des frontières, le commerce local transfrontalier est censé se développer sans entraves, ce qui ne manquera pas de développer de nouvelles opportunités sur le marché de travail et d’impacter positivement la croissance économique.
Pourtant, pendant une période de transition de 6 mois à partir du 1er janvier de cette année, la Roumanie et la Bulgarie poursuivront des contrôles aléatoires à leurs frontières, une mesure censée assurer le passage en douce vers le nouveau système de libre passage. Les risques liées à l’immigration illégale, au terrorisme et à la guerre hybride menée par la Fédération de Russie contre l’UE ont déterminé d’ailleurs ces dernières années la multiplication des contrôles aléatoires sur d’autres frontières intérieures de l’espace Schengen. (Trad Ionut Jugureanu)