2013, année sombre pour la liberté de la presse
Un rapport de l’ONG Freedom House récemment rendu public indique que 44% de la population mondiale vit dans des régions où la presse n’est pas libre, et 42% dans d’autres où les médias sont partiellement libres. «Nous assistons à un recul général de la liberté de la presse, avec des gouvernements et des acteurs privés qui attaquent les journalistes ou imposent des restrictions à leur accès aux événements, soit par la censure des contenus, soit par leur licenciement pour des raisons politiques »; c’est le signal d’alarme de Freedom House.
Corina Cristea, 11.07.2014, 13:35
Le document fait valoir qu’une bonne partie de la presse continue d’être utilisée par les patrons comme arme en vue d’obtenir des avantages politiques et économiques. La meilleure situation du point de vue liberté de la presse est à retrouver aux Pays Bas, en Norvège et en Suède, alors que les dernières places du classement réalisé par Freedom House sont occupées par le Turkménistan, l’Ouzbékistan et la Corée du Nord. Parmi les pays dont la presse n’est pas libre l’on compte la Chine, et parmi ceux où elle est partiellement libre, l’Inde, les deux pris ensemble représentant à eux seuls plus d’un tiers de la population mondiale. En Russie non plus, la presse n’est pas libre, et Freedom House a accordé une note moindre aux Etats Unis, par rapport à 2012, à cause du fait que les journalistes ont fourni des informations limitées et ont fait l’objet d’enquêtes pénales. 71 journalistes ont été tués, plus de 800 — arrêtés — et plus de 2000 ont été agressés l’année dernière au niveau mondial — c’est le signal d’alarme tiré par les organismes internationaux de profil à l’occasion de la Journée mondiale de la Liberté de la presse.
Les représentants de la Commission européenne, organisme qui a lancé cette année quatre projets spéciaux pour soutenir la liberté de la presse, ont discuté le classement de Freedom House, et selon le porte-parole du commissaire pour l’agenda numérique, Ryan Heath: « Nous sommes fiers que l’Europe compte l’un des pays les plus libres du monde en matière de liberté de la presse et nous avons affirmé à maintes reprises que nous ferions tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir la liberté de la presse. C’est pourtant inquiétant lorsque des organisations indépendantes établissent le fait que certains Etats européens ne disposent pas encore des normes que nous voudrions tous voir mettre en œuvre. L’Union européenne a des pouvoirs limités en la matière parce que ce n’est pas seulement une question de lois, c’est aussi une question de culture et de professionnalisme de la communauté journalistique ».
En Roumanie, pays situé par Freedom House vers la moitié du classement dans la catégorie des pays à la presse partiellement libre, l’ONG Active Watch a également rendu public un rapport FreeEx sur la liberté de la presse. Le président de l’organisation, Mircea Toma, se penche sur les problèmes les plus graves auxquels se confrontent les médias roumains: « Les patrons des institutions médiatiques imposent leur propre agenda politique et économique aux médias qu’ils dirigent. Du coup, la presse véhicule des informations qui manipulent et qui déclenchent différentes attitudes en faveur de petits profiteurs. La meilleure façon de contrecarrer la manipulation médiatique, c’est de consulter différents produits médias provenant de différents groupes médiatiques. Une fois devant trois ou quatre informations qui se contredisent, une question nous vient à l’esprit: est-ce que la vérité est là où faut-il faire encore des fouilles pour la dénicher? »
Selon le rapport FreeEx, « les institutions médiatiques de Roumanie sont politiquement contrôlées et fortement touchées par les conflits d’intérêts, ce qui porte atteinte à l’objectivité et à la liberté de la presse ». Une situation nouvellement présentée en 2013 par la presse concerne les clubs de football dont les dirigeants ont imposé aux médias une couverture favorable. Par ailleurs, plusieurs médias se servent abusivement du droit à la libre expression afin d’intimider d’autres personnes, magistrats, groupes sociaux ou politiques.
Le coordinateur du projet FreeEx, Razvan Martin, fait état de la presse actuelle de Roumanie: « Extrêmement divisée, incapable d’assumer des valeurs et des normes professionnelles, incapable de lutter pour défendre ses droits et en perte de crédibilité, telle est la presse roumaine. Le statut du journaliste par rapport au patronat est très vulnérable, ce qui porte sérieusement atteinte à ses droits, notamment à celui à la libre expression ».
Dans son message à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, l’ONU a appelé les journalistes à faire leur métier sans contrainte aucune et en toute sécurité… (trad. : Ligia Mihaescu, Ioana Stancescu)