Un musée qui défie le temps
En 1910, dans une ruelle du centre-ville de Bucarest, était finalisé un édifice construit en style ionique, inspiré des temples grecs. C’est ici qu’Anastasie Simu a fondé le musée qui porte son nom, un musée privé qui a fonctionné jusqu’à 1927, lorsque son créateur en a fait don à l’Etat roumain. Qui est Anastasie Simu ? Il est un membre de l’Académie roumaine, docteur ès sciences politiques et administratives, collectionneur d’art, secrétaire de la Légation de Roumanie à Berlin. Il est né le 25 mars 1854 et a quitté ce monde le 28 février 1935. Quant à la collection du musée Simu, elle comportait 5 sections : art antique, art roumain, art français, art byzantin et enfin art graphique et miniatures. Elle réunissait de nombreux ouvrages de peintres et sculpteurs français des 18e — 19e siècles. A noter que ce musée privé était le 2e centre de ce type ouvert à Bucarest au début du siècle passé.
Ana-Maria Cononovici, 17.03.2020, 12:44
De nos jours, le musée proprement-dit n’existe plus. Et pour cause : le bâtiment que nous venons de mentionner fut démoli en 1960, en pleine époque communiste, et remplacé par un magasin de textiles qui allait être un des plus connus de Bucarest, le magasin « Eva ». Toutefois, la collection d’art d’Anastasie Simu n’a pas sombrée dans l’oubli : elle peut être découverte en ligne. Désormais, c’est un musée virtuel. Pour davantage de détails, nous avons invité au micro Mihai Guţanu, directeur à l’Administration des musées et du patrimoine touristique de la Mairie de la capitale roumaine : « Nous devons remercier l’Ecole de l’Architecture de l’Université Ion Mincu. Là, au sous-sol de la faculté, un musée virtuel a été créé l’année dernière. Mais l’idée était d’aller plus loin, c’est-à-dire de faire sortir ce musée du sous-sol de la faculté et de l’installer dans un espace public. Et quel autre meilleur endroit que le Point d’information touristique de Bucarest, sis dans le passage de l’Université. »
Le musée vit une nouvelle vie donc, grâce à un partenariat entre l’Université d’Architecture et d’Urbanisme « Ion Mincu », le Musée national d’Art de la Roumanie, les Archives nationales de la Roumanie et la communauté « Manifeste Culturel ». Il a été recréé d’après les plans et les photographies d’archives, scannées en 3D. Tous ces efforts ont été déposés afin de reconstituer d’une manière aussi fidèle que possible un des musées les plus importants du Bucarest de l’entre-deux-guerres. On peut ainsi découvrir l’extérieur du bâtiment initial et sa première salle, consacrée à l’Antiquité. Dans ce monde virtuel, tous les objets de la salle ont été exposés conformément aux photographies d’origine. Comment peut-on visiter ce musée ? Si vous vous trouvez à l’intérieur du Point d’information touristique de Bucarest, il suffit de vous munir d’un casque de réalité virtuelle. Si vous êtes chez vous, alors entrez sur la plate-forme Sketchfab pour accéder à la variante en ligne du musée. Cette exposition suscite la curiosité des visiteurs, constate Mihai Guţanu : « De plus en plus de visiteurs franchissent notre seuil. Nous sommes en train de tester l’intérêt du public pour la technologie VR et nous allons prolonger la période de visite si nécessaire. »
Que peut-on voir concrètement dans ce musée virtuel ? Visite guidée avec notre invité Mihai Guţanu : « Le musée proprement-dit avait la forme d’un temple grec, c’était en fait une copie du Temple de Zeus d’Olympe. Anastasie Simu a été un grand collectionneur, qui, dans la première moitié du 20e siècle, a réussi à rassembler une collection sensationnelle. En voici quelques exemples : des ouvrages remontant aux débuts de la photographie, ouvrages de graphique, peintures roumaines signée par des artistes de renom roumains tels Theodor Aman, Alexandru Severin ou Rudolf Schweitzer–Cumpăna ou étrangers tels Camille Pissaro. C’est une collection reconnue au niveau mondial. Aujourd’hui toute cette richesse n’est plus à découvrir que dans le monde virtuel. »
Au total 1200 objets forment la collection du musée Anastasie Simu. Il fut un pionner des collections privées d’art, en fait le premier de Roumanie à avoir proposé la construction d’un véritable temple consacré aux arts dans le but d’éduquer les habitants de la ville selon le slogan « Pas uniquement pour nous, mais aussi pour les autres ». Un premier exemple de l’idée que l’art n’est pas que pour les élites, il doit être accessible à toutes et à tous. (Trad. Valentina Beleavski)