Souvenirs du Noël d’autrefois
Chaque année, le Musée du village Dimitrie Gusti de Bucarest recréée pour ses visiteurs l'atmosphère des Noëls d'autrefois, à grand renfort de cantiques traditionnels et de produits du terroir.
Ana-Maria Cononovici, 19.12.2023, 14:26
Et comme les premières neiges sont tombées sur la capitale, le décor est parfait pour se mettre dans l’esprit des fêtes de fin d’année. Eugen Ion, muséographe, nous raconte ce qu’a concocté le musée pour cette fin d’année : « Comme tous les ans, nous avons organisé le festival « Rites et Coutumes ». Cette année, ce dernier s’est déroulé début décembre, avec les immanquables chorales de chants de Noël, une parade de personnages masqués dans les allées du musée, un marché d’artisans traditionnels qui est, quant à lui, présent à chacun de nos évènements. »
Nous avons demandé à Eugen Ion d’où sont venus les choristes de cette année : « Des quatre coins du pays. Certains de Focşani, Suceava, Bistriţa Năsăud, Sighetul Marmaţiei, d’autres de Mureş ou encore de Teleorman. Chacun est venu avec son propre répertoire. Par exemple, les Ours de Preuteşti, de Suceava, sont venus déguisés en ours. Les gardiens de Dolheşti, de Suceava eux-aussi, sont venus avec des costumes très originaux, emblématiques des gardiens d’autrefois. Le groupe Cununiţa de Bistriţa Năsăud est également sur place, chacun de ses membres étant paré du costume traditionnel de la région. Nous cherchons surtout à faire vivre et à reconstituer les traditions observées dans toutes les régions. Chaque année nous attendons beaucoup de visiteurs, et avec la neige le décor est idéal ! »
Le groupe Cununiţa, de Ilva Mare, dans le département de Bistriţa-Năsăud, a proposé un spectacle de théâtre populaire : les Belciugarii ou la danse de la chèvre. Un spectacle qui s’inspire directement de l’activité principale de la région : l’élevage des moutons. A la veille de Noël, des groupes de chanteurs de cantiques se rendent chez les habitants pour faire part de leurs vœux de santé et de prospérité selon la tradition ancestrale. Le personnage principal de cette mise en scène est le berger qui garde les moutons. On retrouve aussi l’ours qui veut attaquer les troupeaux, mes le berger les défend. La joyeuse troupe est généralement accompagnée d’un flutiste et d’un clarinettiste. Le groupe de Cununiţa est composé de 20 membres. Puis il y a le groupe des Moşoaie de Tulcea, qui scande des vœux sur des rythmes endiablés au son des cloches qui tintent à chacun de leur bond. Ses membres portent des masques faits de citrouilles peintes visant à éloigner les mauvais esprits. Et comme dans la région de Tulcea vivent de nombreux Turques et Tatares, il est de coutume de raconter que les groupes de Moşoaie se rendent chez les habitants et à cette occasion, les Roumains préparent des baklava, un dessert typiquement turc.
En Bucovine, dans le nord de la Roumanie, les danseurs traditionnels déambulent dans les rues des villages, avec des masques d’ours, de chèvre, de cerf ou de diable.
Le costume d’ours n’est porté qu’en Moldavie à l’occasion du réveillon de la Saint Sylvestre. Ce type de costume est généralement porté par un garçon. Il comporte une fourrure et des pompons rouges qui ornent les oreilles. L’ours est généralement accompagné de musiciens et suivi d’un cortège composé de différents personnages. Il grogne et se balance au rythme de la musique, frappant le sol de ses pattes. Ce rituel consiste à purifier et fertiliser le sol à l’occasion de la nouvelle année.
Eugen Ion nous raconte en détail l’atelier de chants de Noël organisé cette année au musée du village de Bucarest : « L’atelier a été organisé par Naomi Guttman. Diplômée de l’Université d’Art théâtral et cinématographique de Bucarest, c’est une grande passionnée de musique. L’atelier a mis en avant plusieurs instruments traditionnels avec lesquels les enfants ont appris à jouer des airs traditionnels de Noël. L’atelier était divisé en deux groupes d’âge, les 7-11 ans et les 12-15 ans. »
Nous avons demandé à Eugen Ion ce qu’il était important de transmettre aux enfants sur les chants traditionnels de Noël : « Ils sont l’essence même de la culture roumaine. Ce sont des traditions ancestrales, présentes bien avant la christianisation. Il est essentiel de les préserver. Disons aussi que nous avons lancé une campagne de collecte de cadeaux pour les enfants des foyers. Elle s’intitule « Ouvrons le livre des bonnes actions ». Ceux qui souhaitent donner des jeux ou des vêtements peuvent venir les déposer au musée dans l’espace aménagé à cet effet. »
Pour le Nouvel An, dans les chaumières traditionnelles comme en ville, toutes ces traditions persistent. Ainsi l’on peut croiser parfois, des groupes de danseurs déguisés dans la rue. Chèvre, cerfs, ou ours, chaque rituel mérite d’être préservé et perpétué. Ils invoquent la prospérité et l’abondance pour les habitants. On raconte que ceux qui n’ont pas la chance de croiser sur leur chemin de telles parades ancestrales connaîtrons pauvreté et malchance l’année suivante… (Trad : Charlotte Fromenteaud)